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Non-respect des délais de paiement : attention ça pique !

A l’heure où les défaillances d’entreprises sont tant redoutées, les délais de paiement sont scrutés avec une particulière attention. Plus que jamais, le Ministère de l’économie et des finances est vigilant à combattre ce qu’il considère comme une atteinte à l’ordre public économique.

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Les délais de paiement constituent un enjeu majeur pour la trésorerie d’un fournisseur et, par capillarité, pour toute la chaîne commerciale, avec un risque grave de propagation des incidents de paiement et des défaillances d’entreprise.

Au plan national, après une nette amélioration depuis 2008, le retard moyen stagne depuis quelques années. Il s’établit pour 2019 à 11,5 jours, en dessous de la moyenne européenne de 13 jours. Mais cela reste un fléau. Il n’échappe à personne que certains considèrent encore que transférer ses propres difficultés de trésorerie sur ses fournisseurs peut générer une assez belle trésorerie et, surtout, faire substituer le crédit interentreprises supporté par les fournisseurs, au crédit bancaire. L’aggravation des retards de paiement en raison de la crise sanitaire reste pour l’instant contenue, le retard moyen avoisinant les 13 jours au deuxième trimestre 2020. Les entreprises privées ne sont pas les seules visées, l’administration étant particulièrement vigilante quant à la célérité du paiement des dépenses de l’État et des personnes morales de droit public en général.

RAPPEL DES RÈGLES

Le délai maximal de droit commun est fixé par l’article L. 441-10 du Code de commerce à 60 jours après la date d’émission de la facture. Mais, si aucun délai n’est contractuellement prévu, les factures sont payables à 30 jours. Pour les factures périodiques, le délai ne peut dépasser 45 jours à compter de la date d’émission de la facture.

Mais il existe des délais spécifiques plus brefs (dans l’agroalimentaire, les transports). Les délais et leur point de départ sont encore différents dans le secteur public. Il faut garder à l’esprit la coresponsabilité du vendeur et de l’acheteur en matière d’infraction aux règles de facturation. Si le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou de la prestation, l’acheteur est également tenu de la réclamer (article L. 441-9 du Code de commerce).

LES ÉTAPES DU CONTRÔLE

Les contrôles sont effectués par les agents de la DGCCRF et de la Direccte. Le premier contact se fera généralement par téléphone, avant que l’agent ne se rende sur place.

Une fois la comptabilité (et notamment le grand livre fournisseur) analysée par l’administration, elle dresse un procès-verbal faisant apparaître notamment le nombre de factures réglées avec retard, le retard moyen pondéré, ainsi que le gain en besoin de fonds de roulement (ou avantage de trésorerie) généré par les retards. Le procès-verbal est ensuite transmis par l’administration à l’entreprise avec indication des sanctions envisagées. L’entreprise a alors 60 jours à compter de la notification du courrier pour faire valoir ses observations, conformément à l’article L. 470-2.

Il est en outre possible de rencontrer, seul ou assisté d’un avocat, le service compétent pour échanger tant sur la matérialité de l’infraction, que sur les sanctions envisagées. Certaines situations spécifiques et certaines justifications peuvent, au cas par cas, être prises en compte par l’administration pour définir le périmètre des manquements et calculer l’amende éventuellement prononcée.

Au terme de cette phase contradictoire, et au vu des observations présentées par l’entreprise, la Direccte peut maintenir sa décision, modifier la sanction envisagée ou encore abandonner la procédure. La décision de sanction peut être contestée par recours gracieux devant l’autorité administrative ayant pris la décision, par un recours hiérarchique devant le ministre de l’Économie ou par un recours de plein contentieux devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois suivant la réception de la décision.

LES SANCTIONS

La sanction est constituée par l’amende administrative pouvant aller, depuis 2019, jusqu’à 2 M€. En cas de réitération dans un délai de deux ans, les peines encourues sont doublées. En 2019, l’amende la plus forte a atteint 3,7 M€, en réitération.

Le deuxième axe de sanction tient à la publication de la décision sur le site internet de la DGCCRF, ainsi que dans un journal d’annonces légales du département où est établi l’entreprise. Il s’agit, dans la plupart des cas, d’une sanction automatique. Mais l’administration a aussi la possibilité d’ordonner que la décision soit publiée sur d’autres supports, le site internet de l’entreprise par exemple. C’est le fameux « name & shame », aujourd’hui considéré comme plus impactant que la sanction financière.

La communication numérique est assez virale pour ternir durablement la réputation d’un acheteur. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de cette sanction.

COMMENT FAIRE MIEUX ?

Les délais de paiement d’une entreprise peuvent être sensiblement améliorés en :

  • généralisant les règlements par virement ;
  • mettant en place un système de relance des fournisseurs qui n’ont pas adressé leur facture ;
  • augmentant la fréquence des campagnes de paiement ;
  • revoyant le traitement des factures en litige : la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) admet qu’en présence d’une « contestation fondée et sérieuse » une facture ne soit pas réglée à l’échéance. Si la contestation ne concerne qu’une partie de la commande ou de la prestation facturée, seul le montant correspondant à la livraison ou à la prestation litigieuse peut être un délai de deux mois suivant la réception de la décision.

 

Cornet Vincent Ségurel
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