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Heures supplémentaires : attention au risque contentieux !

Depuis quelques années, le contentieux des heures supplémentaires est florissant. Il devient même quasi systématique devant le Conseil de prud’hommes, les salariés n’hésitant pas à multiplier les demandes pour s’affranchir des plafonds d’indemnisation instaurés par les "ordonnances Macron" du 22 septembre 2017 en cas de licenciement abusif.

Charlotte de Kersauson, avocate associée du cabinet Squair. ©Benjamin Lachenal

Quels sont les salariés concernés ?

En droit du travail, constitue une heure supplémentaire « toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente ». Sa réalisation « ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent ».

Dans la plupart des cas, les salariés concernés sont les cadres ou non-cadres soumis à un régime horaire de travail. Les heures supplémentaires sont alors décomptées dès le franchissement du seuil de 35 heures hebdomadaires.

En outre, et depuis quelque temps, d’autres catégories de salariés font leur apparition dans le contentieux des heures supplémentaires. Il s’agit des salariés soumis au forfait annuel en jours et des salariés relevant de la catégorie des cadres dirigeants qui, à l’occasion de la contestation en justice de leur licenciement, remettent également en cause la validité de leur forfait jours ou leur statut de cadre dirigeant, dans le but de solliciter la condamnation de leur ancien employeur au paiement de rappels de salaire.

Dans quels cas un salarié peut-il prétendre au paiement d’heures supplémentaires ?

Par principe, la décision de recourir aux heures supplémentaires constitue une prérogative de l’employeur relevant de l’exercice de son pouvoir de direction. Dès lors, seules les heures supplémentaires effectuées par les salariés à sa demande ou pour son compte ouvrent droit à rémunération.

Toutefois, les juges admettent quelques tempéraments. Ainsi, le salarié peut réclamer le paiement des heures supplémentaires :

  • Si l’accomplissement de ces heures a été sollicité ou validé par l’employeur, de manière expresse ou implicite. Tel est le cas, par exemple, lorsque celui-ci est informé des heures de travail effectuées par le salarié par un logiciel informatique qu’il a mis à disposition ou lorsque le salarié lui remet des factures et relevés téléphoniques de téléphone professionnel et dont la lecture révèle un dépassement des 35 heures hebdomadaires sur plusieurs semaines ;
  • si la réalisation de ces heures a été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié. À cet égard, il importe peu que l’employeur ait manifesté auprès du salarié son opposition à la réalisation d’heures supplémentaires ou qu’il ait, à plusieurs reprises, exprimé des critiques sur le volume d’heures effectuées par le salarié.

En revanche, lorsqu’il ne justifie pas de la nécessité de dépasser les horaires contractuels en dépit de l’interdiction de l’employeur, le salarié n’est pas admis à solliciter la rémunération de ses heures supplémentaires.

Comment démontrer ou contester l’accomplissement d’heures supplémentaires ?

La preuve des heures supplémentaires n’incombe spécialement ni à l’employeur ni au salarié.

Selon les dispositions du Code du travail, « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction… ».

En pratique, il appartient au salarié d’apporter des éléments factuels revêtant un minimum de précision, tels que des décomptes d’heures, même en l’absence d’indication d’éventuelles pauses déjeuners, des relevés de temps quotidiens ou encore un tableau d’heures, peu important que celui-ci ait été établi durant la procédure prud’homale ou a posteriori.

L’employeur doit ensuite être en mesure d’y répondre utilement en produisant des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. À cet égard, il peut fournir, par exemple, des comptes rendus d’activité hebdomadaire, des témoignages d’autres salariés et/ou du manager… Il ne peut, par principe, se borner à critiquer les éléments fournis par le salarié sans en produire en sens contraire dès lors que c’est à lui qu’il appartient d’établir les documents de contrôle nécessaires au décompte de la durée de travail des salariés.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. En cas de condamnation au paiement d’heures supplémentaires, il n’est tenu de préciser ni le nombre d’heures retenues ni le détail du calcul appliqué.

L’enjeu financier en matière d’heures supplémentaires est, en définitive, important, car les sommes susceptibles d’être réclamées en justice par les salariés peuvent parfois s’avérer conséquentes ; au strict rappel d’heures supplémentaires sur les trois dernières années, pourront en effet s’ajouter d’autres demandes : dommages-intérêts pour le préjudice subi par le salarié du fait de la perte du droit à la contrepartie obligatoire en repos, indemnité forfaitaire de six mois de salaire pour travail dissimulé, dommages-intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat… Les salariés pourront même aller jusqu’à faire reconnaître une situation de surcharge de travail ou un syndrome d’épuisement professionnel (burn-out) comme maladie professionnelle…

C’est la raison pour laquelle les entreprises se doivent d’être particulièrement vigilantes à ce sujet, au risque de s’exposer à un contentieux prud’homal multiple, chronophage et parfois très onéreux.

 

Charlotte de Kersauson est avocate associée du cabinet Squair et exerce en droit social.

Squair est un cabinet d’avocats indépendant présent notamment à Nantes, qui apporte une offre globale en droit des affaires à ses clients.

Squairlaw.com

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