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Mon activité est-elle classée « ICPE » ? Classement et conséquences…

La liberté de commerce et d’industrie, qui a une valeur constitutionnelle, doit être articulée avec l’obligation de prévenir les atteintes portées à l’environnement ou, à défaut, d'en limiter les conséquences, inscrite dans la Charte de l’environnement adossée à la Constitution française depuis 2005. Pour cela, le droit de l’environnement industriel encadre l’ouverture, le fonctionnement et l’arrêt des installations classées pour la protection de l’environnement (« ICPE ») et confie ce contrôle au préfet du département.

Romain Lemaire

Romain Lemaire, avocat associé au cabinet Squair. BENJAMIN LACHENAL - IJ

Qu’entend-on par ICPE ?

Il s’agit d’une législation applicable aux activités (usine, atelier, chantier) et plus largement aux substances présentes sur les lieux, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients notamment pour le voisinage, la santé et la sécurité publique, l’agriculture, la protection de la nature et de l’environnement. Trois régimes administratifs existent, plus ou moins contraignants, en fonction des risques causés : le régime de l’autorisation environnementale (« A »), celui de l’enregistrement (« E ») qui est une procédure simplifiée et, enfin, le régime de déclaration préalable (« D »).


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Comment savoir si mon activité est concernée ?

Les activités ou les substances encadrées par cette réglementation sont déterminées par un décret, qui fixe les seuils minimaux au-dessus desquels l’activité est classée ICPE. Il détermine le régime administratif applicable (A, E ou D).

Cela prend la forme d’un tableau, nommé « nomenclature des ICPE », annexé à l’article R.511-9 du code de l’environnement. Cette nomenclature, régulièrement mise à jour, est consultable sur le site Legifrance.gouv.fr et sur la base de données « AIDA » (Aida.ineris.fr) développée par l’Institut national de l’environnement industriel et des risques.

Elle définit des rubriques à quatre chiffres avec, d’un côté, les activités (les rubriques 2000 et 3000) et, d’un autre, l’utilisation ou la production de substances (les rubriques 1000) et les mélanges dangereux (les rubriques 4000).

Les activités qui peuvent être classées ICPE sont variées. Sans être exhaustif, cela concerne l’agriculture (élevage, stockage), l’agroalimentaire (produits alimentaires, broyage de végétaux), les ateliers de travail du bois, le stockage et le travail de produits minéraux, la fonte de métaux, l’entretien de véhicules, mais aussi la gestion de déchets même non dangereux (déchèterie, installation de transit, stockage ou traitement comme la méthanisation et le compostage), et même les éoliennes.

Les substances chimiques, les préparations et les mélanges qui peuvent être classés ICPE sont identifiés selon leur risque et en référence à la classification européenne : comburante, explosive, combustible (entrepôt, dépôt de papier) inflammable (station-service), toxique ou dangereuse pour l’environnement.

Selon la rubrique, le critère de classement varie pour correspondre à l’activité à encadrer. Il peut s’agir de la quantité de produits ou du volume présent, utilisé ou stocké, ou de la capacité de production. Le critère peut être la surface de l’atelier ou de l’emprise de l’installation voire la puissance électrique des machines. Une entreprise peut relever de plusieurs rubriques ICPE. Un examen précis de la nomenclature est indispensable.

Quelles sont les conséquences si mon activité est classée ICPE ?

Le régime ICPE encadre la création de l’activité, son fonctionnement, son évolution et son arrêt. En fonction du régime applicable, les démarches diffèrent lors de la création.

Le régime de déclaration, le plus léger : l’exploitant doit déclarer son activité, il lui est délivré un récépissé par la préfecture. Les prescriptions de fonctionnement applicables sont celles définies par un arrêté ministériel « type », établi au niveau national.

Le régime d’enregistrement : l’exploitant dépose un dossier justifiant notamment qu’il respectera les prescriptions de fonctionnement fixées au niveau national pour la rubrique. Le préfet peut, s’il estime qu’il existe des dangers ou inconvénients, basculer cette demande sous le régime de l’autorisation.

Le régime d’autorisation environnementale est le plus important : l’exploitant doit déposer une demande complète, décrivant les incidences du projet sur l’environnement (avec étude d’impact ou non selon les cas), qui sera soumise à l’avis des administrations et à une enquête publique.

À ce sujet, une réforme importante de l’instruction de telles autorisations entre en vigueur le 25 octobre 2024. Désormais, les phases d’examen et de consultation sont fusionnées au sein d’un processus d’enquête publique de trois mois. Le préfet peut refuser ou autoriser l’activité. Son arrêté fixe les prescriptions de fonctionnement. Une telle décision individuelle peut être attaquée devant le juge administratif. Depuis septembre 2024, le délai de recours des tiers a été réduit à deux mois, au lieu de quatre mois auparavant.

Quels risques juridiques en cas d’écart ?

La qualité d’exploitant est centrale : il est responsable du fonctionnement du site et de ses impacts potentiels (nuisance, pollution, accident, etc.). Le changement d’exploitant doit être déclaré à l’administration.

Les règles de fonctionnement concernent les éloignements des tiers, les émissions (bruit, vibration, rejet dans l’eau et l’atmosphère), la rétention des produits polluants, les règles de sécurité incendie et, plus largement, le suivi des indicateurs et des contrôles.

Les ICPE sont contrôlées par les Inspecteurs de l’environnement, sous l’autorité du préfet. En cas de manquement constaté, l’Administration dispose de pouvoirs importants (sanction, amende, exécution d’office de mise aux normes, voire suspension d’activité).

L’évolution des règles nationales (arrêtés) s’applique aux installations existantes, tout comme l’évolution de la nomenclature (décret). Cela implique une veille particulière de la part des entreprises.

Lors de l’arrêt définitif de l’activité, le dernier exploitant est responsable de la remise en état du site (au besoin sa dépollution) pour permettre un usage futur déterminé dans l’autorisation ou en fonction de l’occupation des sols. La réglementation des ICPE a des incidences fortes sur le fonctionnement des entreprises.