Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Cryptomonnaies : ce qu’il faut savoir avant d’investir

Comment appréhender les cryptomonnaies et quelles sont les opportunités d'investissement pour aujourd’hui et demain ? Alors que le cours du Bitcoin atteint actuellement des records historiques, Louis Alexandre de Froissard, conseiller en gestion de patrimoine et expert en crypto-actifs, est venu animer une matinale organisée par le Medef à la CCI Vendée, le 1er mars dernier. Intitulée "Bitcoin et les quatre fantastiques", la conférence visait à démystifier les cryptomonnaies qui, depuis leur émergence il y a plus de 15 ans, suscitent autant de passion que d’interrogations.

© Shutterstock

Né en 2008 en pleine crise des “subprimes”, le Bitcoin est la monnaie numérique la plus ancienne et la plus connue dans le monde. L’objectif initial de son inventeur, connu sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto, était de contourner les institutions financières traditionnelles en utilisant un système de registre décentralisé, la blockchain (ou chaîne de blocs), afin d’effectuer des paiements en ligne de pair à pair, sans passer par un tiers de confiance. S’inspirant des Quatre Fantastiques, superhéros de la franchise Marvel, Louis Alexandre de Froissard, dirigeant et fondateur des sociétés Montaigne Conseil & Patrimoine et Montaigne Énergie, est venu présenter quatre objections majeures aux idées reçues sur le Bitcoin : « Ça ne repose sur rien, ça finance le crime, ça pollue et c’est volatil. »

« Mon but aujourd’hui est d’apporter des éléments factuels pour convaincre », a lancé en préambule l’expert. Selon lui, tout le monde peut investir dans les crypto-actifs, petites ou grandes entreprises et particuliers. « Au préalable, comme nous l’avons fait à l’arrivée d’Internet, il est nécessaire de se faire accompagner ou de se former, pour comprendre cette révolution. Nous sommes face à un nouveau continent numérique dont les crypto-actifs, à commencer par le Bitcoin, sont les nouveaux outils. » À ce jour, seuls 9 % desFrançais[1] possèdent de la cryptomonnaie, avec une prédominance chez les jeunes (entre 20 et 30 % des moins de 25 ans). Si les dirigeants investissent dans les crypto-actifs à titre personnel ou dans leur holding patrimoniale, ils sont encore peu nombreux à le faire pour leur entreprise.

Louis Alexandre de Froissard, fondateur et dirigeant des sociétés Montaigne Conseil & Patrimoine, et Montaigne Énergie © Alexandrine DOUET – IJ

« Un effet valeur refuge reconnu au Bitcoin »

« Avant d’investir dans une cryptomonnaie, il est primordial d’étudier la Tokenomics (économie de jetons, NDLR), soit la façon dont va être gérée la création de jetons pour le bon fonctionnement du projet », conseille Louis Alexandre de Froissard. Le Bitcoin étant une monnaie de nature intangible, sa valeur peut être difficile à concevoir. Il ne repose sur aucun actif physique tel que l’or, mais tire sa valeur de ses propriétés monétaires intrinsèques. Comme certains métaux précieux, le Bitcoin est ainsi limité en quantité. Il n’y en aura en effet jamais plus de 21 millions, seuil qui doit être atteint en 2140. Lorsque tous les Bitcoins auront été créés, les “mineurs”, communauté d’informaticiens chargée de réaliser la création monétaire et de sécuriser le réseau, ne recevront plus de Bitcoins en guise de récompense, mais seront rémunérés pour leur travail par des frais de transaction. « En 2009, 50 Bitcoins étaient créés toutes les dix minutes. Tous les quatre ans, ce nombre est divisé par deux. Le 21 avril prochain, on passera ainsi à 3,125 Bitcoins générés dans ce laps de temps. Il y a un effet valeur refuge reconnu au Bitcoin, parce que, dans un monde qui fait de plus en plus de monnaie, avec une tendance à fabriquer des bulles, on a des actifs en quantité limitée. » Pour l’heure, 19,6 millions de Bitcoins ont d’ores et déjà été émis.

Transparence et sécurité

Parallèlement, Bitcoin apparaît comme « un système informatique sans égal, qui fonctionne 99,99 % du temps. Depuis sa création, il n’y a eu que deux pannes. Une performance assez extraordinaire. » Il existe 4 millions de machines de minage et autant de systèmes de sauvegarde permettant de remettre en route le réseau en cas de panne. « Ces systèmes de sauvegarde sont en quelque sorte des livres de comptes décentralisés avec, à la clé, la possibilité de récupérer à tout moment un historique des transactions. Toute fraude peut alors être rapidement repérée dans les heures, les jours et les semaines qui suivent. » L’expert appelle toutefois à la prudence face à la menace des ransomwares (ou rançongiciels) dont les paiements en cryptomonnaies ont atteint un niveau record de 1,1 Md$ en 2023. « Notez que c’est beaucoup moins que l’industrie du crime, qui représente 2 600 Mds$ dans le monde. »

Financer la transition énergétique

Réputées pour être particulièrement énergivores, les cryptomonnaies sont aussi régulièrement pointées du doigt pour leur impact environnemental défavorable. L’empreinte carbone d’un seul Bitcoin[2] représenterait 168,9 tonnes de CO2. Pourtant, le minage est aujourd’hui perçu comme un moyen d’accélérer la transition énergétique. « Les machines, très consommatrices d’électricité, ont besoin d’une énergie peu chère et rapidement disponible. Aujourd’hui, 70 % des minages sont réalisés grâce aux énergies renouvelables. » Le Salvador fait ainsi partie des pionniers en la matière, en mettant l’énergie des volcans au service de la création de Bitcoins. Au Congo, 25M$ sont versés chaque année, au parc national des Virunga depuis l’installation d’une ferme de minage en 2020. Trois centrales hydroélectriques y ont été construites, permettant la création de 400 emplois. Des projets sont en cours également en Europe, notamment en Allemagne. Le groupe Total doit lui aussi faire des annonces dans ce domaine prochainement.

Investir progressivement

Enfin, alors que l’on reproche souvent au Bitcoin son extrême volatilité, Louis Alexandre de Froissard conseille de prendre le temps d’investir. « Comme pour tout type d’action, il est difficile de prévoir les variations. Mais depuis sa création, la courbe de long terme du Bitcoin est très positive. On peut se donner par exemple quatre à cinq ans et investir un peu toutes les semaines ou tous les mois, pour lisser ses points d’entrée et sécuriser ses plus-values. Tous ceux qui ont investi au plus haut fin 2021 et début 2022 s’en sont mordu les doigts quand ça a baissé. C’est pourquoi il faut se positionner de manière régulière », conclut l’expert.

 

[1] 1 Enquête Ipsos, avril 2023

[2] Étude Selectra, octobre 2023 : l’empreinte carbone du Bitcoin représenterait 0,55 % de la production électrique mondiale en termes de consommation d’énergie liée notamment au minage.