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Concurrence déloyale, parasitisme : protégez votre entreprise ! (Partie 1)

L’entreprise est souvent démunie face aux agissements déloyaux d’un concurrent. Comment les caractériser et les prouver pour les faire cesser et sanctionner ?

Magali Tocco-Perin, Avocate associée du Cabinet Squair. ©Cabinet Squair

Magali Tocco-Perin, avocate associée du Cabinet Squair. ©Benjamin Lachenal

Quand parle-t-on de concurrence déloyale ?

Il faut d’abord rappeler les principes garantis par la Constitution : la liberté d’entreprendre, celles du commerce et de l’industrie, ainsi que la liberté du travail. Selon la formule consacrée, « la clientèle est à qui sait la conquérir et la prendre, et il ne peut y avoir d’action tendant à garantir une clientèle » (Doyen Roubier).

En d’autres termes : chaque entreprise est libre d’aller conquérir des marchés et d’approcher la clientèle de ses concurrents. Les clients sont libres et n’appartiennent à personne.

Ce qui est fautif, c’est d’abuser de ces libertés et de recourir à des procédés déloyaux pour capter une clientèle.

Quelles formes peut prendre la concurrence déloyale ?

La concurrence déloyale peut revêtir plusieurs formes, et chaque cas est particulier.

Il arrive qu’elle s’exprime à travers des actes de dénigrement, qui consistent à jeter le discrédit sur les produits d’un concurrent dans le but de le pénaliser et de bénéficier ainsi d’un avantage concurrentiel.

Parfois, un concurrent indélicat entretient une confusion dans l’esprit des clients grâce à l’utilisation d’une enseigne ou d’un nom commercial proche de celui d’une autre entreprise, ce qui entraîne une captation de clientèle.

Il y a également concurrence déloyale lorsqu’une entreprise exerce une activité que la loi réserve à une profession réglementée, et ce sans disposer des compétences et habilitations requises.

Ce que je rencontre souvent, c’est un débauchage massif de salariés qui conduit à la désorganisation de l’entreprise. Ce débauchage est fautif même lorsque les salariés débauchés ne sont pas liés à l’entreprise par une clause de non-concurrence.

La concurrence déloyale peut aussi consister en un détournement de documents contenant tout ou partie du savoir-faire de l’entreprise, tels par exemple des fichiers clients, des fichiers de fournisseurs et prestataires, ou encore des documents faisant ressortir la structuration des prix et les marges réalisées. Il arrive que ces documents confidentiels soient transmis par les salariés débauchés à leur nouvel employeur ou emportés lors de leur départ.

La concurrence déloyale peut revêtir une ou plusieurs de ces formes, et les agissements du concurrent indélicat doivent être analysés et qualifiés avec soin pour être efficacement combattus.

La concurrence déloyale implique-t-elle forcément un rapport de concurrence entre deux entreprises ?

Lorsqu’il n’y a pas de rapport de concurrence entre deux sociétés, c’est-à-dire lorsqu’elles n’évoluent pas sur le même marché, on parle de parasitisme, que la jurisprudence définit comme le fait, pour un acteur économique, de s’immiscer dans le sillage d’une autre entreprise pour tirer indûment profit de sa notoriété ou de ses investissements.

Il peut par exemple s’agir du fait pour une entreprise d’adopter dans ses points de vente un agencement et une décoration semblables à ceux d’un autre acteur économique, ou encore d’arborer un logo similaire à celui d’une autre entreprise pour retenir l’attention du public.

Comment l’entreprise peut-elle réunir des preuves des agissements déloyaux ?

La collecte des preuves des agissements déloyaux constitue la première étape de la défense.

Pour ce qui est du débauchage massif, l’entreprise peut consulter les messageries professionnelles des salariés qui ont rejoint le concurrent indélicat ou celles des salariés encore en poste qu’elle soupçonne de vouloir le faire. L’employeur dispose en effet d’un libre accès à la messagerie professionnelle de ses salariés, qu’il peut consulter comme il le souhaite. La consultation de leurs boîtes emails révèle parfois l’envoi de documents appartenant à l’entreprise au concurrent indélicat ou encore la transmission par le salarié de tels documents sur sa messagerie personnelle pour un usage ultérieur.

Des attestations peuvent également être recueillies auprès de salariés qui auraient été sollicités par le concurrent indélicat mais qui sont restés fidèles à l’entreprise.

La consultation des bases de données intéressant les sociétés peut également permettre d’établir la concomitance entre la création, par le concurrent, d’une filiale ou celle d’établissements secondaires et les démissions des salariés débauchés.

S’agissant du détournement de clientèle, des attestations peuvent être demandées à des fournisseurs ou à des clients, même s’il est parfois délicat de les solliciter.

Ces recherches réalisées en interne et auprès des fournisseurs et clients suffisent-elles à prouver les actes de concurrence déloyale ?

Ces premières recherches permettent à l’entreprise de mieux cerner les agissements dont elle est victime et d’avoir une première idée de leur ampleur.

Bien souvent, elles ne suffisent pas, mais elles permettent à l’entreprise de se faire autoriser par le président du Tribunal de commerce à aller appréhender les preuves de la concurrence déloyale ou du parasitisme dans les locaux du concurrent indélicat.

Découvrez la suite de cet article dans le numéro de la semaine prochaine.

Magali Tocco-Perin est avocate associée du cabinet Squair et exerce en contentieux commercial et droit pénal des affaires. Squair est un cabinet d’avocats indépendant présent notamment à Nantes, qui apporte une offre globale en droit des affaires à ses Clients. Squairlaw.com

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