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Urgence pour l’aéroport Nantes Atlantique

Qui en veut à l’aéroport Nantes Atlantique ? Comme un mauvais titre de film, la question s’impose tant la situation de la plateforme aéroportuaire nantaise est problématique. La mission d’information “flash” lancée par le Sénat le 29 septembre a essayé de comprendre le revirement du gouvernement qui n’a pas donné suite à l’appel d’offres de renouvellement de la concession. « Il y a urgence à moderniser l’aéroport », prévient Didier Mandelli, sénateur LR de Vendée, rapporteur du dossier.

Le sénateur Didier Mandelli, rapporteur de la mission d'information sur l'aéroport Nantes Atlantique. Capture d'écran Sénat.IJ

« Ce revirement du gouvernement constitue une nouvelle déception pour le territoire nantais et ses habitants », constate Didier Mandelli. Deux déplacements à Nantes et de multiples auditions lui font conclure : « Le gouvernement n’a pas tenu les promesses faites aux acteurs locaux à la suite de l’abandon de Notre-Dame-des-Landes, en particulier s’agissant des difficultés structurelles liées à la saturation de l’aéroport de Nantes Atlantique et aux nuisances sonores aériennes que subissent encore les riverains. Surtout, la méthode employée par le Gouvernement n’a pas permis d’assurer le dialogue et la transparence nécessaires. »

« “État dans l’État”, “opacité”, “manque de communication”, les expressions utilisées durant les auditions que j’ai menées pour qualifier l’attitude de l’administration chargée de ce dossier, la DGAC, sont nombreuses. Elles pointent toutes vers un même sentiment : l’État n’a pas su nouer les liens de confiance nécessaires avec les acteurs locaux dans la gestion de ce dossier », résume Didier Mandelli.

Face à ces constats, la mission d’information formule une série de recommandations selon deux objectifs : « Renouer les liens de confiance avec le territoire nantais et ses habitants et répondre aux enjeux de la modernisation de l’aéroport de Nantes Atlantique. »

Effets pervers d’un abandon

« Le projet de Notre-Dame-des-Landes (NDDL) a été abandonné unitaléralement par le gouvernement en 2018, néanmoins la question de Notre-Dame-des-Landes est tout sauf anecdotique car elle constitue le fait générateur de difficultés rencontrées aujourd’hui par l’aéroport de Nantes Atlantique. En effet, en contrepartie de l’abandon du projet NDDL, le gouvernement s’était engagé à réaménager l’aéroport de Nantes qui rencontrait déjà depuis de nombreuses années des difficultés structurelles liées à sa vétusté et son sous-dimensionnement et à une meilleure maîtrise des nuisances sonores aériennes qui empoisonnent la vie de nombreux riverains. L’appel d’offres lancé en 2019 suscitait de nombreuses attentes », rappelle Jean-François Longeot, président de la commission d’Aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.

Un programme d’investissements urgents

Après deux mois d’enquête, Didier Mandelli a rendu son rapport et formule quinze recommandations. La première vise à demander à l’État de réclamer au futur concessionnaire « un programme d’investissements urgents en faveur de l’aéroport de Nantes Atlantique, en mettant l’accent sur l’amélioration des conditions d’accueil des passagers, à la sécurité de la piste et sur la conformité des infrastructures aux nouvelles obligations du règlement européen Afir (infrastructures pour carburants alternatifs) applicable au 31 décembre 2024. Cela va de l’électrification du matériel de piste au remplacement de passerelles, en passant par la réalisation de sanitaires. Ces investissements pourraient être réalisés par Vinci avec les 100 M€ à 120 M€ mis en réserve par celui-ci depuis 2010 pour le préfinancement des travaux de NDDL. La mission demande aussi de confirmer définitivement l’abandon de l’allongement de la piste dans le prochain appel d’offres.

« La question de l’allongement de la piste est un sujet très sensible. Cela a été l’une des difficultés dans le cadre de cet appel d’offres abandonné. Trois candidats avaient répondu, deux ont abandonné et le troisième n’a pas été retenu. Mais l’insistance, je parle de pression politique, pour intégrer coûte que coûte cet allongement de la piste, a faussé la donne », reconnaît Didier Mandelli qui ajoute : « Allonger la piste, c’était des conséquences environnementales importantes et en termes de déclaration d’utilité publique des complexités supplémentaires dans le dossier, alors que le gain en termes de nuisances sonores n’était pas de nature à infléchir leur courbe. »

Transparence des procédures

Pour la mission sénatoriale, le nouvel appel d’offres devra par ailleurs être conduit dans « une procédure totalement transparente, avec un encadrement strict du recours à des cabinets privés dans la gestion de modernisation de l’aéroport. » Une formule qui n’est pas exprimée par hasard car il apparaît que le gouvernement veut confier d’onéreuses prestations, d’un montant d’environ 12 M€, pour assurer la conduite de la nouvelle procédure d’appel d’offres.

« Cela pose un problème de souveraineté de l’État face aux acteurs privés, de bon usage des deniers publics, mais aussi de transparence de la décision publique et, en conséquence, de confiance envers la puissance publique », prévient le rapporteur.

Aussitôt après l’abandon de NDDL, les représentants de l’État avaient promis d’améliorer la connectivité ferroviaire de Nantes avec les aéroports parisiens et deux du grand Ouest, et d’assurer une meilleure desserte en transports collectifs de Nantes Atlantique. Rien n’a évolué. La mission sénatoriale réitère cette nécessité urgente.

Dimension environnementale

Le rapport insiste fortement sur la question environnementale et de l’intégration durable de l’aéroport dans son environnement. Il insiste aussi sur la nécessaire diminution des nuisances engendrées auprès des riverains. Il s’agit, notamment, « de renforcer le couvre-feu à l’aéroport et en améliorer l’application », « d’assurer rapidement le renouvellement des flottes d’avions utilisés » et « d’intégrer l’aéroport de Nantes Atlantique à la liste des aéroports urbains pouvant interdire plus largement, à titre dérogatoire, une catégorie d’aéronefs en fonction de leur niveau de bruit ».

La commission d’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté à l’unanimité ce rapport d’information.