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Les tiers-lieux, outil d’un développement localisé ?

Les tiers-lieux qui émergent un peu partout sur le territoire, ont été très actifs durant la pandémie. Pour leurs promoteurs, ils représentent un outil pour inventer une économie localisée, vertueuse sur le plan écologique et sociétal.

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Espace de coworking ©iStock

Durant la pandémie, ils se sont mis à fabriquer des respirateurs grâce à leurs imprimantes 3D… Les Fablab sont l’une des multiples formes que prennent les « tiers-lieux », ces structures qui émergent sur le territoire depuis quelques années, où des individus ou des groupes se rendent pour développer leurs activités. En ce mois de septembre, France Tiers-Lieux, association chargée de leur développement et de leur promotion depuis 2019, a publié un rapport, intitulé « Nos territoires en action ». D’après celui-ci, en 2021, on recense 2 500 tiers-lieux en France. Et leur nombre pourrait atteindre 3 500 d’ici la fin de l’année. Environ deux millions de personnes les fréquentent annuellement, pour exercer une large palette d’activités : télétravail, recyclage, réparation, jardins partagés, épiceries solidaires, fabrication. « Ce sont de véritables pôles de coopération économique, jouant un rôle moteur pour le développement d’une économie sociale, solidaire et responsable », explique le rapport.

LES ENTREPRISES S’Y INTÉRESSENT DE PLUS EN PLUS

De fait, ces initiatives répondent à des problématiques très actuelles : utilité sociale, environnement, alimentation saine et durable pour tous, diffusion des savoirs et montée en compétences, insertion professionnelle, relocalisation de la production. Si la palette des activités est large, le coworking arrive très largement en tête : 75 % de ces lieux le pratiquent. Suivent l’activité de fabrication numérique (30 %), la culture (27 %), l’artisanat (19 %), l’innovation sociale (17 %), les cuisines partagées (14 %) et les terres agricoles et jardins partagés (9 %). Dans cette période de fort développement du télétravail, le coworking a donc le vent en poupe : entrepreneurs, porteurs de projets ou travailleurs indépendants trouvent dans les tiers-lieux des services (Internet, imprimantes, bureaux. ) qu’ils partagent avec d’autres, ce qui favorise des échanges potentiellement fructueux, sur le plan humain et économique.

Par exemple, le réseau La Cordée propose une dizaine d’espaces de travail partagés sur le territoire, où se retrouvent 800 membres, dont des télétravailleurs. Et les entreprises s’intéressent de plus en plus au phénomène. Elles s’ajoutent aux individus, collectivités et associations, qui sont aussi parties prenantes dans ces projets à très forte dimension territoriale. Les tiers-lieux « naissent d’une volonté d’entreprendre localement autour de l’entraide et d’une mutualisation entre pairs », décrit France Tiers-Lieux.

RELANCER LES TPE EN PARTAGEANT DES MACHINES

Durant la crise, ils « ont permis de faire émerger des réponses concrètes pour faire face à la pandémie et à ses conséquences », note le rapport. Les tiers-lieux ont ainsi produit des millions de visières, masques, pousse-seringues et pièces de respirateurs, ensuite distribués à des structures de proximité, comme des hôpitaux, des Ehpad, ou des commerces. Le fonds

« Makers contre le Covid-19 », soutenu par la Fondation de France, a financé 43 projets, à hauteur de 240 000 € : des collectifs de makers ont pu prototyper, fabriquer et organiser la distribution de matériel médical en urgence.

Mais les tiers-lieux ont aussi mené des actions de solidarité dans d’autres domaines, comme l’inclusion numérique ou la distribution alimentaire aux personnes vulnérables. Pour l’avenir, ils ont aussi un rôle à jouer, d’après France Tiers-Lieux. L’association porte un nouveau programme « Manufactures de proximité ». Objectif : « relancer l’activité économique locale en offrant aux artisans, indépendants, TPE-PME, un espace de travail partagé, un accès à un parc machines mutualisé, un écosystème de compétences et un environnement dynamique, propice à la création et au développement de leurs activités. » Le programme est soutenu par le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Plus largement, les tiers-lieux participent aussi au plan de relance, via des dispositifs proposés par différents ministères. Comme les « Quartiers culturels créatifs », portés par le ministère de la Culture ou le déploiement de nouveaux projets alimentaires territoriaux, conçus par le ministère de l’Agriculture et de l’alimentation. Soutenus par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, les tiers-lieux bénéficient de financements mixtes. La moitié provient de ressources propres, l’autre de subventions, pour l’essentiel fournies par les Régions, les EPCI et les communes. En 2019, 21 % des tiers-lieux étaient bénéficiaires, 49 % à l’équilibre, et 30 % en déficit. Mais leur développement dépasse l’enjeu de leur seul exercice comptable, tant ces structures représentent des laboratoires de nouveaux modèles de croissance qui répondent aux enjeux actuels sociétaux et environnementaux de localisation de l’économie.