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Lanceurs d’alerte en entreprise : comment faire d’une obligation un atout ?

Depuis octobre 2022, toutes les entreprises de plus de 50 salariés ont l’obligation légale de mettre en place une procédure de recueil et de traitement des alertes professionnelles, émanant notamment de leurs salariés. Savez-vous que cette procédure peut être un véritable atout pour votre entreprise ?

Nicolas Latournerie, BDO Avocats, La Roche-sur-Yon

Nicolas Latournerie, avocat associé chez BDO Avocats à La Roche-sur-Yon - ©Benjamin Lachenal

Les origines de cette obligation légale pour les entreprises de plus de 50 salariés

En vertu du principe de liberté d’expression et encouragé par le droit anglo-saxon, le législateur français a créé en 2016 le statut de lanceur d’alerte. Une directive européenne du 29 octobre 2019 a imposé aux États membres de l’Union européenne de se doter d’un système efficace de protection des personnes émettant des alertes professionnelles.

C’est ainsi que la loi du 21 mars 2022 (dite loi Waserman) et son décret d’application du 3 octobre 2022 ont modifié la loi Sapin 2 en prévoyant précisément l’obligation pour les entreprises employant plus de 50 salariés de mettre en place une procédure de recueil et de traitement des alertes professionnelles émises notamment par leurs salariés (mais aussi anciens salariés, actionnaires ou associés, collaborateurs extérieurs ou occasionnels, co-contractants et sous-traitants par exemple) pour faciliter la révélation de faits graves et protéger les personnes à l’origine de cette alerte.

 Quelles sont vos obligations ?

Les sociétés de plus de 50 salariés doivent mettre en place un dispositif interne à l’entreprise permettant notamment à un salarié d’émettre une alerte pour signaler ou divulguer des faits qui se sont produits et qui peuvent constituer un crime ou un délit tels que la corruption, le détournement de fonds, le harcèlement moral ou sexuel, des discriminations. Ce dispositif, mis en place sous forme d’accord d’entreprise ou de note de service, doit prévoir comment traiter cette alerte et quelle suite lui donner.

Vous devez ainsi déterminer si l’alerte peut être émise par oral et/ou par écrit, qui doit en être destinataire et par quels moyens et qui peut la traiter ensuite dans un délai de trois mois maximum. Le dispositif doit prévoir comment accuser réception de cette alerte, de quelle manière la considérer recevable ou non, comment la gérer ensuite et y apporter une réponse.

Un salarié qui émet une alerte bénéficie d’une protection spécifique interdisant qu’il soit sanctionné ou licencié du fait d’avoir signalé ou divulgué les faits objet de l’alerte.

Que risquez-vous si vous ne mettez pas en place un dispositif d’alerte ?

Dans le cadre d’un contentieux prud’homal, un salarié pourrait solliciter des dommages et intérêts si l’entreprise n’a pas mis en place ce dispositif alors qu’elle était soumise à l’obligation légale.

En cas de contentieux commercial ou fiscal, un tiers pourrait également mettre en avant l’absence de respect de cette obligation pour demander la condamnation de votre entreprise.

Surtout, ne pas avoir mis en place dans votre société une procédure de recueil et de traitement des alertes professionnelles peut conduire plus facilement un lanceur d’alerte à saisir des autorités externes, voire à procéder à une divulgation publique des faits, ce qui peut à terme ternir votre réputation et votre image.

 Comment ce dispositif peut en définitive constituer un atout pour votre entreprise ?

Plutôt que d’attendre qu’un risque se produise un jour, pourquoi ne pas profiter de ce dispositif pour en un faire un vrai atout pour votre entreprise ou votre groupe ? La loi prévoit en effet que plusieurs sociétés appartenant à un même groupe peuvent mettre en commun la même procédure d’alerte, ce qui permet de mutualiser le dispositif et de communiquer plus largement sur son existence.

  • Mettre en place ce dispositif c’est tout d’abord envoyer un signal à vos salariés et partenaires, en leur permettant d’émettre si nécessaire une alerte professionnelle en interne plutôt qu’ils ne saisissent une autorité publique. Vous préférez sans nul doute gérer une telle alerte avec vos propres moyens et sans fuite d’informations confidentielles plutôt que de voir des personnes extérieures à votre société vous demander de rendre des comptes !
  • C’est aussi un moyen de fidéliser vos salariés voire d’attirer des candidats (à une période où les enjeux de recrutements peuvent s’avérer cruciaux pour le développement de l’entreprise) que de leur permettre de recourir à un dispositif clair, cadré et protecteur s’ils sont amenés un jour à être témoins de faits graves pouvant constituer par exemple un délit comme un détournement de fonds ou du harcèlement dans l’entreprise.
  • À une époque où la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) constitue une préoccupation majeure pour l’entreprise, la mise en place dans votre société d’un tel dispositif peut démontrer votre volonté de vous engager complètement dans une réelle démarche RSE.
  • Enfin, vous pouvez même vous démarquer d’autres sociétés et communiquer (sur votre site internet, les réseaux sociaux) grâce à la mise en en place de ce dispositif dans votre entreprise ou votre groupe. Auprès de fournisseurs ou clients, dans vos relations avec de grands groupes ou dans le cadre de marchés publics, vous pouvez vous prévaloir d’un engagement fort de votre société ou de votre groupe garantissant le respect des obligations légales en matière de droits des salariés, droit de l’environnement ou de la santé publique, lutte contre la corruption.

En bref, anticiper plutôt que subir demeure une règle que chaque entreprise se devrait de respecter.

Le cabinet BDO Avocats, présent notamment à La Roche-sur-Yon et Nantes, conseille et assiste les entreprises et leurs dirigeants.

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