Couverture du journal du 02/07/2025 Le nouveau magazine

Entretien : Laurent Manach, DG du Pôle EMC2 : « Ride, c’est une déclaration d’ambition ! »

Depuis 16 ans, EMC2 accompagne les acteurs industriels dans leurs projets d’innovation et de transformation, dans le domaine des technologies de fabrication. Le 2 juin, le pôle européen de compétitivité propose un nouveau rendez-vous annuel de portée nationale : Ride. L’occasion pour son directeur général, Laurent Manach, de faire le point sur le chemin parcouru et celui qui s’ouvre pour l’industrie.

Laurent Manach, Pôle EMC2

Laurent Manach © Benjamin Lachenal

Vous organisez en juin un événement visant à positionner l’industrie sur le terrain de l’écoresponsabilité. L’industrie revient-elle enfin au premier plan ?

Si l’industrie semble aujourd’hui au cœur des préoccupations, notamment de nos politiques, ça n’a pas toujours été le cas. On sort d’une phase de désamour qui a été assez importante et qui a duré une bonne trentaine d’années. Le patron d’Alcatel de l’époque avait fait beaucoup de mal en pensant qu’on pouvait décorréler la production à la fois de la conception et du marketing/vente. Ce qui est sûr c’est que ça a permis à la Chine de prendre son envol économique et de monter en compétences. On s’est constitué notre plus gros concurrent !

Heureusement, on revient là-dessus aujourd’hui en imaginant plutôt que c’est en liant la partie industrielle avec l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise que l’on peut maintenir la valeur et finalement l’emploi sur notre territoire. Et toutes les entreprises ne s’étaient pas inscrites dans cette logique. Si on prend l’exemple d’Airbus, elle n’est jamais rentrée dans une logique de sous-traitance de l’industrie. Au contraire, c’est une entreprise qui a toujours cherché à maîtriser son flux de production, avec des stratégies parfois assez éloignées de Boeing… Et aujourd’hui on voit la différence, avec une société qui se porte bien mieux que son concurrent.

 

C’est dans cette période de « désamour pour l’industrie » qu’a pourtant été créé le Pôle EMC2 en 2005…

Le pôle a été créé sur l’idée d’un certain nombre d’entreprises – Airbus, Les Chantiers de l’Atlantique et Naval group – qu’il y avait quand même des travaux à mener dans le cadre de la production et que ces travaux devaient être faits en mutualisation. On a ainsi beaucoup travaillé sur les composites, ce qui a donné lieu à la naissance du Technocampus composites.

 

La création de ce pôle de compétitivité a-t-elle été compliquée à mettre en œuvre à l’époque ?

Je pense qu’il n’aurait pas vu le jour si on s’en était tenus aux règles de création des pôles de compétitivité au départ. Le fait de mettre l’aéronautique, les industries de la mer, puis les énergies ensemble, tout cela a créé une problématique car en France on travaille beaucoup en silos filières. Non seulement on voulait travailler sur l’industrie qui n’était pas le sujet à la mode du moment, mais en plus on fonctionnait en transfilières. Et honnêtement, ça a été une vraie problématique : on a par exemple eu beaucoup de mal à se faire entendre sur les appels à projet. Il a fallu passer du temps à convaincre que, sur le soudage métallique par exemple, il y avait encore beaucoup à faire : ce n’est pas parce que c’est la technologie majeure de l’industrie depuis des dizaines d’années qu’il ne faut pas se poser la question de l’innovation !

 

Pôle EMC2

Organisé chaque année en janvier, Connecting meeting est l’un des événements du Pôle EMC2 destinés à favoriser le networking entre les adhérents © D.R.

 

À quel moment avez-vous senti qu’une étape était franchie ?

Juste après la crise financière de 2008, il y a eu une prise de conscience que l’industrie était en train de nous échapper. Des initiatives sont nées dans de nombreux pays occidentaux autour de l’industrie du futur. EMC2 a même été, je pense, précurseur… À partir de là, on a été plus à l’aise et cela nous a permis de remettre nos travaux en perspective de cette innovation que l’on recherchait. C’est d’ailleurs à ce moment-là que l’on a créé l’IRT Jules Verne qui représente aujourd’hui 25 M€ de projets par an. Outre les…