Quels ont été vos parcours et formations avant la création de la biscuiterie ?
Katia Tardy : Nous sommes toutes les trois ingénieures agroalimentaires. Après des études scientifiques, nous nous sommes spécialisées dans différents métiers complémentaires. Alix Guyot travaillait sur la R&D pour la biscuiterie Saint-Michel. Louise Doulliet a été directrice d’usine pour un fabricant de kombucha en Bretagne. Puis elle a monté une boîte d’agriculture urbaine à Paris, où elle faisait pousser des herbes aromatiques sur les toits.
Pour ma part, je me suis formée au marketing après mes études d’ingénieure et j’ai intégré le groupe Nestlé dans lequel j’ai passé huit ans au marketing et à la communication.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de changer d’activité ?
Alix Guyot : Le fait d’être au cœur de l’industrie agroalimentaire nous a fait prendre conscience qu’il y a trop de matières qui se perdent. En France, 10 millions de tonnes d’aliments encore consommables sont jetées chaque année.
Nous avons eu envie de donner du sens à nos métiers. Au même moment, nous avons été recrutées par Handicap Travail Solidarité, une association nantaise qui œuvrait pour l’insertion des personnes handicapées et portait un projet agroalimentaire. Elle cherchait des profils pour trouver de nouveaux débouchés aux établissements et services d’aide par le travail (Esat). Avec l’objectif de faire monter en compétences les personnes en situation de handicap sur de nouveaux métiers et les aider à s’intégrer.
Comment est née l’idée de créer une biscuiterie ?
KT : Nous avions déjà constaté le gaspillage alimentaire dans l’industrie, et via l’association, nous avons ouvert les yeux sur le manque d’activité en Esat. Au fil de nos visites, les travailleurs s’ennuyaient, ne montaient pas en compétences et perdaient confiance. On a trouvé ça dommage de voir un tel potentiel inutilisé.
Comme avec Alix et Louise, ça matchait bien et que nos CDD se terminaient au 31 décembre 2020, nous avons tenté dès le 1ᵉʳ janvier d’écrire une histoire ensemble autour de ces deux enjeux avec la création d’une biscuiterie Handi Gaspi. Handi car toute la fabrication des biscuits et leur conditionnement seraient assurés par des personnes en situation de handicap. Et Gaspi, car nos recettes seraient réalisées avec des invendus de pain bio.
Pourquoi avoir choisi de vous attaquer au pain ?
AG : Il existait déjà des filières structurées de revalorisation pour les fruits et légumes. Ce qui n’était pas le cas pour le pain. À l’échelle du pays, 200 millions de baguettes sont jetées chaque année rien que par les boulangers. Et les banques alimentaires le récupèrent peu.
KT : D’où l’idée d’en faire quelque chose… Alix s’est aperçue que broyer du pain faisait de la farine, qui pouvait être utilisée pour fabriquer des biscuits. L’idée était toute trouvée : créer des produits gourmands et prouver qu’on peut sauver le monde en se faisant plaisir. D’où notre slogan : “bon pour la société, la planète et les papilles”.
Comment avez-vous procédé ?
Louise Doulliet : On s’est laissé six mois pour écrire une histoire à impact social et environnemental. Nous avons sorti nos premiers biscuits du four en septembre 2021, à l’époque dans un local provisoire, car on voulait s’assurer que des gens croient au modèle qu’on avait imaginé…
Justement, pouvez-vous le présenter ?
LD : Il consiste à installer l’activité dans les Esat en formant leurs travailleurs au métier de biscuitier. Nous avons commencé par celui de Savenay. On a rencontré les responsables en octobre 2021 et on a fabriqué chez eux les premiers biscuits en mars 2022. Tout a été très vite : l’Esat disposait d’un local aux normes agroalimentaires et les équipes avaient envie d’aller vers ce genre de projet. Quand on est arrivées avec les machines, le process, les recettes et les idées, on a réussi à former 30 biscuitiers avant l’été. On a commencé par lancer l…