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Entretien – Frédéric Bonnin, Président du groupe FBO : « Prendre soin de mon équipe, une évidence »

Force tranquille, Frédéric Bonnin est un dirigeant humaniste et pragmatique. Adepte des méthodes agiles, il place le bien-être des équipes et la diversité de leurs profils au cœur de sa stratégie de développement. Et ça fonctionne ! Depuis dix ans, le groupe FBO augmente de 15 % son chiffre d’affaires chaque année. Et recrute et fidélise quand la filière numérique se trouve confrontée à d’importantes difficultés en la matière.

Frédéric Bonnin, groupe FBO

Frédéric Bonnin © Benjamin Lachenal

Comment est le groupe FBO ?

Le groupe est à l’origine une société de services informatiques créée en 1976 par Daniel Idier. La TPE est alors le premier prestataire informatique en Vendée et le premier partenaire IBM du département. En 2001, je postule spontanément avec le projet de reprendre un jour la société. J’ai 24 ans et une idée assez précise de ce que je peux lui apporter en termes de compétences systèmes et réseaux et gestion de projet. Daniel Idier, surpris par ma démarche, m’embauche comme chef de projet informatique.

Nous sommes alors quatre salariés et mon poste est très polyvalent. Je développe les logiciels, les installe et forme les clients à leur utilisation. Cette relation complète avec le client, du début à la fin du projet, c’est quelque chose que je garde aujourd’hui au sein de FBO. En 2008, Daniel Idier part à la retraite. Je crée la holding FBO informatique – les initiales de mon prénom et mon nom de famille – et lui rachète la société.

À cette époque, les PME françaises sont en train de prendre le virage du numérique. Notre activité se concentre sur le développement de logiciels informatiques, notre cœur de métier historique, et la vente/installation de matériel (serveur, postes). Parallèlement, nous travaillons avec un partenaire qui fait des sites internet en lien avec nos logiciels : Sidunis. En 2009, un an après avoir créé FBO informatique, j’ai l’opportunité de racheter la structure. Le groupe FBO est né. Aujourd’hui, nous développons des logiciels sur-mesure pour les professionnels, créons des solutions web et accompagnons nos clients dans le développement et la maintenance de leur infrastructure informatique.

Pour favoriser la diversité des profils et compétences, les équipes de FBO recrutent leurs futurs collègues sur la base de cv anonymes.

Vous dites qu’il faut créer des ponts entre l’entreprise et les jeunes générations. Que faites-vous pour répondre à cet objectif ?

Cela fait partie de la responsabilité sociétale des entreprises de s’ouvrir vers l’extérieur. Si on ne le fait pas, comment demain peut-on se faire connaître auprès de la jeune génération ? Ils doivent choisir très tôt ce qu’ils feront demain. Ils ont donc intérêt à savoir ce qui existe pour faire un choix éclairé. C’est important d’ouvrir nos portes pour promouvoir nos métiers car il y a vraiment de quoi s’éclater. Nous accueillons régulièrement des classes, des stagiaires et des apprentis et donnons quelques heures de cours (développement logiciel) à l’IUT de La Roche-sur-Yon. Nous sommes par ailleurs adhérent de l’association « C’est génial » qui propose aux enseignants de visiter les entreprises pour mieux comprendre leur fonctionnement et ensuite mieux l’expliquer à leurs élèves. Nous avons essentiellement des professeurs de lycée et de collège.

 

Frédéric Bonnin, groupe FBO

© Groupe FBO

 

Ce lien avec la jeunesse s’explique-t-il par des difficultés de recrutement ?

Les métiers du numérique sont attractifs. La réalité du marché, c’est qu’il y a plus de postes à pourvoir que de candidats. Il faut donc réussir à faire venir les compétences chez nous, plutôt que chez la concurrence en proposant un environnement de travail agréable – l’aménagement et l’emplacement des bureaux par exemple – et des choses sympas à faire. Nous avons pas mal communiqué dessus ces dernières années et nous en récoltons les fruits.

 

Vous avez d’ailleurs mis en place une méthode originale de recrutement pour favoriser la pluralité des compétences.

Chez FBO, les salariés ont entre 20 et 55 ans. Je prône la diversité dans les équipes parce que c’est ça qui nous fait avancer dans nos projets. Certains salariés sont autodidactes ou en reconversion professionnelle, d’autres ont des Bac +5. Certains ont des compétences techniques fortes, d’autres une bonne connaissance des métiers pour lesquels nous créons des logiciels sur-mesure. Ainsi, une personne qui a une expérience en boulangerie ou en bâtiment peut m’intéresser. Ce qui fait le lien entre tous ces profils, c’est le savoir-être, notamment la capacité à travailler en équipe.

Pour favoriser cette diversité, ce sont les équipes qui recrutent leurs futurs collègues. En amont, le service RH les accompagne pour lister les compétences et rédiger l’annonce. Le service communication marketing se charge ensuite de les diffuser. Les CV reçus sont anonymisés et proposés à l’équipe, qui fait sa sélection de candidats pour les entretiens. Je vois le candidat choisi à la fin. J’ai un droit de veto mais je ne l’ai jamais utilisé. Ce mode de recrutement, pour moi, c’est juste du bon sens : les équipes sont les plus à même de savoir de quelles compétences elles ont besoin et avec qui elles veulent travailler.

 

Dans votre management, vous veillez à « répondre aux problématiques extérieures du salarié ». Qu’entendez-vous par là ?

J’essaie simplement d’être à l’écoute des besoins et des difficultés de mes salariés. Cela fait partie de ma responsabilité en tant que chef d’entreprise de prendre soin de mon équipe. Face à leurs soucis personnels ou des questions d’ordre familial, je ne peux pas faire grand-chose à part leur dire : « si tu as besoin d’un coup de main, je suis là. » Dès que leurs questions sont récurrentes, je me mets en alerte et j’essaie de leur apporter des solutions. Mieux je pourrai y répondre, plus ils seront motivés et efficaces.

C’est comme ça qu’en 2019, j’ai découvert Focsie, une association qui met à disposition des entreprises des assistantes sociales du travail. Chez FBO, elles interviennent deux demi-journées par mois. Lors d’entretiens individuels, les salariés peuvent évoquer des questions personnelles sans tabou.

Toutes ces initiatives partent des salariés. Il y a quatre ans, certains embauchés venant de l’extérieur du département m’ont exprimé leurs difficultés à trouver un médecin traitant en Vendée. J’avais entendu parler de Qare, une application de télémédecine créée par un Vendéen. Nous offrons désormais ce service à l’ensemble de nos salariés. Le groupe FBO a été la première entreprise en dehors de Paris à mettre en place un service de télémédecine en entreprise.

C’est aussi lors de recrutements que nous avons pris conscience de la difficulté des nouveaux salariés à se loger, tout particulièrement lors de la période d’essai. Alors en 2019, nous avons acheté trois studios en centre-ville, à proximité de la gare. Nous les louons à ceux qui nous le demandent le temps qu’ils trouvent une solution pérenne. Cet outil est mis en avant à chaque entretien d’embauche. Cela rassure les candidats.

 

Chaque nouveau collaborateur bénéficie d’un parcours d’intégration d’un mois. De quoi s’agit-il exactement ?

Ce processus fait partie du parcours de recrutement et vise à la fidélisation du salarié. Pour réussir son intégration, un salarié a évidemment besoin d’un bon équipement de travail, mais il lui faut aussi du temps et des échanges avec les équipes, pour bien appréhender le fonctionnement de l’entreprise et de ses services. Tout cela est formalisé dans un livret avec un planning sur les 15 premiers jours. Ce suivi s’accompagne d’un rapport d’étonnement à la fin de la première journée, de la première semaine et du premier mois pour savoir ce qui a marqué le nouvel arrivant. On fait aussi un point à mi-période d’essai. Et tout au long de son parcours, la jeune recrue peut s’appuyer sur un collègue tuteur et lui poser toutes ses questions.

Je ne suis pas un dirigeant philanthropique. Mon engagement RSE est très pragmatique et au service du développement de l’entreprise.

Frédéric Bonnin, groupe FBO

© Pelleau & Associés Architectes

 

En vous écoutant, on comprend que l’humain est au cœur de votre vision d’entreprise. Pourquoi ?

Tout seul, on ne fait pas grand-chose. Je n’ai pas toutes les compétences. Je me souviens d’un patron vendéen qui un jour m’a dit : « Les entreprises qui auront demain les marchés sont celles qui auront les hommes et les femmes pour les mener ». Cette phrase m’a profondément marquée. Être commercial ne suffit pas. Il faut avoir les équipes derrière. S’il ne fait pas attention à ses collaborateurs, aucun dirigeant ne peut réaliser les projets qui lui sont demandés. C’est juste une évidence.

 

Vous êtes un adepte des méthodes agiles. Quel intérêt pour l’entreprise ?

Quand j’ai repris l’entreprise, je me suis demandé comment travailler en équipe, de façon efficace, tout en restant proche de nos clients tout au long du projet. Et c’est dans les méthodes agiles, centrées sur l’humain et la communication, que j’ai trouvé des réponses. L’agilité repose sur trois piliers : aborder simplement la complexité en détaillant chaque projet au maximum et en faisant de petits pas ; s’appuyer sur la force du collectif ; et appliquer le principe d’amélioration continue.

Chez FBO, on utilise notamment la méthode Scrum. Chaque projet se divise en sprint de travail de deux à trois semaines. Au début de chaque période, les équipes listent ce qu’elles s’engagent à faire pour le client et lui présentent. Chaque jour, les développeurs font un point express sur l’avancée du projet. À la fin de la période, on passe en revue cette liste, on valide les tickets et les installe. On débriefe ensuite ce qui a été bien ou mal fait, on voit ce qui peut être amélioré, et ainsi de suite. Cette gestion agile de tous nos projets structure notre façon de travailler. À chaque projet, on reprend la même organisation et on l’améliore. Il nous reste juste à comprendre le métier du client et à nous amuser.

S’il ne fait pas attention à ses collaborateurs, aucun dirigeant ne peut réaliser les projets qui lui sont demandés. C’est juste une évidence.

Êtes-vous un dirigeant philanthropique ?

Absolument pas. Mon engagement RSE est très pragmatique et au service du développement de l’entreprise. C’est juste du bon sens. Sans cette façon de travailler, les équipes seraient moins impliquées, moins performantes. C’est donc très intéressé.

 

Avez-vous le label « Great place to work » qui récompense les entreprises où il fait bon travailler ?

Non. Pourquoi aller chercher ce label avec ce que l’on fait déjà en interne ? Après, je pourrais demander aux équipes si elles pensent que c’est un atout pour recruter. Si un jour on fait la démarche de l’obtenir, c’est qu’il y aurait un vrai intérêt pour nous.

 

Votre projet de nouveaux locaux condense votre vision humaniste de l’entreprise.

Les locaux, leur emplacement et leur aménagement, c’est important pour le confort de travail des salariés et la performance de l’entreprise. Or, nos locaux actuels de 2011 sont trop petits et excentrés. Je cherchais donc à construire un nouveau bâtiment en centre-ville, proche d’autres activités, ouvert sur l’écosystème numérique1 et d’autres métiers. Le quartier de la gare, quartier de bureaux compatible avec les mobilités urbaines, est pour moi idéal. Ce nouveau bâtiment de 2 100 m² sur trois niveaux sera partagé avec d’autres entreprises et disposera de 350 m² d’espaces communs : salles de réunion, salle de presse, espace repas, amphithéâtre. Ce sera un lieu pour mixer les compétences et les connaissances. Au troisième étage, FBO disposera de 700 m² de bureaux. Le second étage sera dédié à la location de bureaux et le rez-de-chaussée mixera les espaces partagés et des bureaux à louer. Nous espérons pouvoir emménager à la fin de l’année.

 

1. Le groupe FBO sera voisin de la Loco numérique.

 

LE GROUPE FBO EN CHIFFRES

51 collaborateurs

CA : 3,6 M€ en 2022

Deux sociétés : Idier informatique et Sidunis