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Entretien avec Dominique et David Butin, repreneurs de Swipe : « La vente directe est un marché de 5 Md€ »

Repreneurs en février de Swipe, entreprise de vente directe de produits d’entretien, de bien-être et de cosmétiques située à Sainte-Luce-sur-Loire, David et Dominique Butin n’aiment rien tant que les challenges et entendent donner une nouvelle impulsion à une marque qui réalise actuellement 2,5 M€ de chiffre d’affaires, avec 400 conseillères indépendantes et 12 salariés. Le couple n’a pas perdu de temps pour s’atteler à la tâche…Dialogue avec David Butin, rejoint en toute fin d’entretien par sa femme, Dominique.

Dominique et David BUTIN swipe

Dominique et David BUTIN © Benjamin Lachenal

Quel a été votre parcours ?

David Butin : Après un parcours en école de commerce, j’ai passé quinze années dans le retail. De son côté, ma femme, Dominique, a un parcours en hôtellerie avec un profil très financier, projets, produits.

À 40 ans, on a eu envie d’entreprendre ensemble. Comme on était moins « page blanche », on est partis sur une reprise, en ciblant plutôt des entreprises très bien développées par leurs dirigeants, mais qui se retrouvaient à un stade plateau ou étaient en régression, l’idée étant de redynamiser l’activité avec nos idées. Il y a onze ans, on a donc repris l’Institut régional sport et santé (IRSS) qui existait depuis 1983 et en onze ans on est passés de deux centres à douze sur le grand Ouest et de 1,2 M€ de CA à quasiment 10 M€.

En février 2020, désireux de repartir sur un nouveau défi, on a vendu nos parts à notre associé en comptant prendre une année de pause pour voyager… année qu’on a passé dans notre jardin à cause du Covid ! On s’est alors mis à la recherche d’une nouvelle entreprise à reprendre. En août, nos conseils nous ont appelés pour nous proposer une opportunité : Swipe.

Pourquoi cette entreprise ?

David Butin : Ce qui nous a donné envie de la reprendre, c’est d’une part la partie réseau que je connais bien et d’autre part le fait qu’elle était exactement dans le créneau de ce que l’on cherchait : une marque de plus de cinquante ans, avec une histoire et un fort potentiel de développement.

 

Quelle est cette histoire ?

David Butin : Swipe est une marque américaine dont le produit servait au départ à nettoyer les rampes de lancement de fusées de la Nasa. Le produit était tellement efficace que les employés en volaient pour le ramener à leurs épouses. Le dirigeant s’est alors dit qu’il serait intéressant de vendre ce produit via un réseau de vente à domicile. Et ensuite la marque a été vendue par pays. Ici, le dirigeant (Philippe Tréhan, NDLR) qui avait l’exclusivité de la marque en France et dans les pays du Sud – Espagne, Italie, pays du Maghreb – partait à la retraite. On s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire, sachant qu’on est propriétaires des formules : on peut les retravailler comme on le souhaite, ce n’est pas une licence de marque.

Swipe fonctionne avec un mode de distribution en vente directe. Quelle en est la particularité ?

David Butin : On a aujourd’hui un réseau de 400 vendeuses indépendantes qui font des ventes en réunion à domicile. On vend surtout en ruralité, dans les petites villes et les villes moyennes. En revanche, on n’est pas présents à Paris et dans les grandes métropoles.

La vente à domicile est un modèle de distribution qui évolue. Avec la crise sanitaire, il attire de nouvelles personnes, notamment celles qui veulent changer de vie.

swipe

Swipe © Benjamin Lachenal

Le principe, c’est qu’une conseillère qui rentre chez nous attaque d’abord son réseau : elle y trouve des hôtesses qui ensuite reçoivent chez elles, une à deux fois par mois et en toute convivialité, d’autres personnes pour que la conseillère puisse venir présenter et vendre ses produits. Le chiffre d’affaires moyen d’une réunion est de 400 à 500 €, donc on est dans un modèle de complément de revenu, même si 20% du réseau se fait un revenu de cadre…

La force de ce système de distribution, c’est son écosystème humain. En juin, on a fait la tournée de nos conseillères. La première chose qu’elles nous ont dite, c’est que la vente à domicile les a révélées. Il y a un côté développement personnel. Elles sont autant attachées au produit qu’à l’aspect relationnel de la vente à domicile. Et celles qui vendent le plus ne sont pas forcément les plus jeunes : lorsqu’elles arrivent à la retraite, elles ont plus de temps pour vendre.

Comment se porte la vente directe en France ?

David Butin : En France, c’est un marché de 5 Md€, ce qui est loin d’être anodin ! Et la vente à domicile est un modèle de distribution qui évolue. Avec la crise sanitaire, il attire de nouvelles personnes, notamment celles qui veulent changer de vie. On a déjà des candidatures en ce sens d’ailleurs, des personnes qui quittent Paris pour vivre en région et souhaitent travailler comme et quand elles veulent. La vente à domicile leur permet une autonomie, une liberté, sans la pression des résultats. Elles sont indépendantes, donc je peux leur prodiguer des conseils, les accompagner, mais je ne peux pas leur demander de faire tant de chiffre chaque mois. Et c’est ce qu’elles recherchent.

Comment faites-vous pour les motiver alors ?

David Butin : En faisant notre tour de France, ce qui en est ressorti c’est que les conseillères aiment l’esprit familial de ce réseau. La convivialité est très importante pour elles. Certaines d’ailleurs n’ont pas besoin d’un complément de revenu, si elles ont cette activité, c’est par plaisir. Je les coache en mettant en place des challenges mensuels, avec à la clé des cadeaux, des bons d’achats, voire un voyage.

Comment se répartit votre activité ?

David Butin : 85% du chiffre d’affaires est réalisé avec les produits ménagers, le reste se partageant entre les cosmétiques, 10% et la gamme bien-être, 5%.

Tout part de nos trois produits ménagers concentrés que l’on dilue soit entre eux, soit avec de l’eau et qui, au final, permettent plus de 200 utilisations. On est dans le « do it yourself », une tendance de fond depuis plusieurs années. Depuis cinquante ans aussi, Swipe développe des produits d’une grande naturalité. Si on prend l’un de nos trois produits phares, il est à plus de 94% issu de la betterave, par exemple. Sachant qu’aujourd’hui je ne connais pas de produits 100% naturels qui soient aussi 100% efficaces…

Sur les cosmétiques, on est sur un marché très concurrentiel. Mon épouse travaille donc à sortir à l’avenir des nouveautés régulièrement, avec des produits éphémères.

Quels sont vos axes prioritaires de développement ?

David Butin : On en a plusieurs. Notre objectif numéro un est d’augmenter le nombre de conseillères. Le but est d’arriver à un réseau de 700 à 800 conseillères. La moyenne d’âge du réseau est aujourd’hui de 55 ans. Son vieillissement constitue donc un axe de travail : il nous faut recruter. En même temps, la force de ce réseau c’est sa fidélité. L’ancienneté moyenne est de vingt ans ! Dans certains réseaux de vente à domicile, vous avez autant d’arrivées que de départs dans une année. Nous, nous recrutons peut-être moins que d’autres, mais nous n’accusons pas de départs.

Notre deuxième priorité, c’est de développer l’axe « pro » sur les produits ménagers. Aujourd’hui, Swipe n’est vendu qu’en réunions, mais nous voulons aussi développer la partie clientèle professionnelle via les TPE-PME. Pour l’instant, je le gère en direct. J’ai initié par exemple une discussion avec des salons de coiffure et des centres de remise en forme. L’idée est ensuite, dans un deuxième temps, de recruter des commerciaux pour développer ce marché sur d’autres régions.

L’objectif n’est pas d’être en concurrence réseau, les particuliers restant la cible dédiée à nos conseillères. Là où l’on pourrait être en concurrence directe en revanche, ce serait avec l’e-commerce que l’on veut aussi développer. Actuellement, on verse aux conseillères une commission. Elles ont toutes un code et pour celles qui ont par exemple de la famille éloignée, on les incite à faire commander par le site internet, avec ce que l’on appelle un « code courtier ». Et ce que l’on voudrait, à terme, c’est reverser aux conseillères sous forme d’intéressement une partie du chiffre d’affaires du e-commerce.

Et sur les axes marketing et communication ?

David Butin : Dominique a eu pour objectif prioritaire de travailler sur notre nouveau logo qu’on révèlera au prochain séminaire. Ensuite, le prochain chantier sera le packaging. Et en même temps, on travaille sur la visibilité de la marque. J’ai recruté un alternant en communication digitale et là où la communication sur les réseaux sociaux était inexistante, maintenant on est actifs sur Facebook, Instagram, LinkedIn, Pinterest ou encore Twitter. On travaille aussi avec un prestataire sur le référencement. On est par exemple en train de construire des capsules vidéo que l’on diffuse sur YouTube.

Et, grâce à notre réseau de conseillères, on démultiplie les partages de publications ! On a recruté un peu par ce biais, mais surtout, on a augmenté le nombre de nouveaux clients de 30% depuis quatre mois. Et je pense que, naturellement, un certain nombre de nouvelles clientes seront tentées d’intégrer le réseau. Ce que je vise, à terme, c’est de ne plus avoir besoin du réseau pour recruter.

Vous avez lancé de nombreux chantiers en peu de temps…

David Butin : Normalement, quand on reprend une entreprise, on observe ce qui se passe pendant six mois avant d’agir. Là, on s’est dit qu’il fallait y aller maintenant.

Pourquoi ?

David Butin : Si on veut lancer des nouveautés régulièrement, on a besoin de peser auprès des fournisseurs produits. Or, ils veulent bien lancer des produits si on leur commande au minimum 4 000 à 5 000 pièces. Et pour cela, il nous faut un réseau de 700 conseillères minimum.

Quels effets la crise sanitaire a-t-elle eu ?

David Butin : Pour ce qui est de Swipe, en 2020, le réseau ne s’en est pas trop mal sorti. En particulier lors du premier confinement, les gens étaient chez eux et très soucieux de nettoyer, désinfecter… Les produits ménagers ont donc bien marché. Résultat, l’année s’est terminée à -6%. Mais quand nous, nous avons repris l’entreprise en février, on s’est pris le troisième confinement en avril et là, ça a été différent…

Dominique Butin : Pour beaucoup de conseillères, ce troisième confinement a été un coup de massue pour le moral et contrairement au premier confinement, là, les gens ont continué de travailler. Les réunions à plusieurs ne pouvaient pas se faire en intérieur et la météo n’était pas forcément au rendez-vous pour les faire en extérieur. Et depuis juin, elles ont surtout envie de profiter de la vie…

Y a-t-il eu des effets positifs malgré tout ?

David Butin : Selon la Fédération de la vente directe, sur le digital, les entreprises de vente directe ont gagné cinq ans ! Chez nous, on a créé des outils digitaux à disposition du réseau et on l’a formé sur un tutoriel à distance expliquant comment faire un live Facebook pour vendre les produits. Ces outils ont aidé ponctuellement le réseau à vendre, mais ce qu’aiment les conseillères c’est avant tout le contact humain, la rencontre. Il faut donc user de ces outils, mais pas en abuser. Dominique Butin : C’est pour cela aussi qu’on cherche à recruter des conseillères plus jeunes. Sur l’e-commerce, par exemple, on voit que ce n’est pas naturel pour beaucoup. Elles ont l’impression que la vente peut leur échapper. On travaille donc aussi sur la pédagogie, la transparence.

Pour finir, quelle est votre ambition ?

Dominique Butin : On veut redorer cette marque qui a été connue et reconnue. Swipe a été précurseur il y a plus de vingt ans sur des produits concentrés et écoresponsables.

David Butin : On veut que Swipe retrouve la place qu’elle mérite au cœur des foyers. Et on voudrait développer le business model en Espagne : il y a un marché à prendre !