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Déloyauté du salarié : comment la prévenir et réagir ?

Lors d’une web conférence organisée le 6 juillet par le cabinet Parthema Avocats de Nantes et le réseau d’avocats d’affaires Etelio, les intervenants ont défini les contours de la déloyauté du salarié et analysé les moyens de s’en prémunir

déloyauté

© IStock

En sortant avec succès du problème de la déloyauté d’un salarié, parce qu’elles ont su se faire aider, les entreprises disent qu’elles se sont renforcées, elles et leurs équipes», introduit Pauline Vanden Driessche, avocate en droit commercial chez Parthema Avocats à Nantes lors de la table ronde virtuelle organisée le 6 juillet. En rappelant deux consignes de base : il faut prévenir et agir, sans attendre. Pour commencer, comment se définit la déloyauté ? « Cette question innerve tout le contrat de travail, précise Jasmine Le Dortz Pesneau, avocate en droit social. Un contrat de travail suppose que le salarié est de bonne foi, et cette donnée transparaît indépendamment de toute clause, mais est inhérente à la relation employeur/salarié. » Côté salarié, le contrat suppose qu’il fournisse la prestation pour laquelle il est rémunéré, dans le respect des directives et des consignes et dans l’intérêt de son employeur. « Quand les manquements sont avérés, on est sur une faute grave voire lourde, portant sur l’intention de nuire à l’employeur, à la recherche de son profit personnel, pour servir ses intérêts propres et/ ou celui d’un concurrent. »

Vérifier le stade d’avancement du projet

Mais attention : la notion de déloyauté se situe parfois sur un fil, et toute activité du salarié semblant sortir du cadre strict de sa mission chez un employeur ne peut être qualifiée de telle. « Par exemple, un salarié non tenu par une clause d’exclusivité a tout à fait le droit d’avoir une activité parallèle, précise Jasmine Le Dortz Pesneau. La jurisprudence est foisonnante dans ce domaine. »

D’où l’intérêt de se poser les bonnes questions : s’il s’agit de la création d’une nouvelle activité hors de l’entreprise, le salarié y prend-il une part prépondérante ou a-t-il réussi à cloisonner ? L’activité est-elle effective, les statuts ont-ils déjà été déposés, ou bien son activité est-elle encore en phase préparatoire ? Quel que soit l’avancement de son projet, «au niveau pénal, l’acte de déloyauté peut être caractérisé par un abus de confiance pour détournement de bien professionnel.» Outils (logiciel informatique par exemple), fichiers clients, temps de travail rémunéré détourné à une autre tâche… Se prémunir de ces abus suppose d’avoir posé un cadre le plus précis possible, à la fois collectif (règlement intérieur) et individuel. «Il est nécessaire de définir des règles, précise Jasmine Le Dortz Pesneau, y compris collectives, en rédigeant le règlement intérieur.» Le contrat de travail pourra aussi comprendre des éléments permettant à l’employeur de se prémunir. «On peut y ajouter des clauses de non concurrence, de discrétion, de protection des données personnelles, d’exclusivité totale ou moyennant information préalable, de non débauchage du personnel en cas de création d’une nouvelle activité…» Autant d’éléments à cadrer pour limiter les risques. «Avant le départ du salarié, son projet a déjà bien mûri », précise Samuel Verger, expert en évaluation de préjudice, associé de Sycomore Advisory à Nantes.

Il est conseillé de guetter les signes de l’utilisation des outils et moyens de l’entreprise par le salarié donc, mais également les liens possiblement entretenus avec les fournisseurs pour son propre compte, voire les tentatives d’influence sur les clients, incités par exemple à reporter un investissement pour que le salarié déloyal puisse ensuite récupérer un marché. «Il arrive aussi qu’avant de partir, le salarié déloyal tente de désorganiser l’entreprise pour se faire passer ensuite auprès des clients comme le successeur naturel de l’activité et s’installer dans le paysage», précise Samuel Verger. La panoplie utilisée est diverse : divulgation de fausses informations, malfaçons, dénigrement auprès des clients, fournisseurs ou salariés…

Comment collecter les preuves ?

« Le cadre est contraignant, et la récolte de preuves peut aussi être détournée et mise à la charge de l’employeur, prévient Jasmine Le Dortz Pesneau. Cette collecte doit ainsi être loyale, ne pas pousser le salarié à la faute, utiliser des stratagèmes ou organiser des contrôles clandestins. Il faut toujours veiller à l’information du salarié et du CSE (Comité social économique) sur les moyens mis en œuvre. » Parmi ces moyens, le recours possible à une société d’enquêtes privées. Guillaume Baptiste, directeur d’enquêtes privées, dirigeant du cabinet spécialisé Arnoult international situé dans le Val-de-Marne a créé un département consacré à ce sujet. « Nous intervenons pour apporter des preuves établissant le comportement déloyal du salarié, explique t-il. Nous pouvons fournir des informations circonstanciées qui vont pouvoir favoriser l’intervention d’un huissier, par exemple. Il peut s’agit d’enquêtes de terrain, nous prenons alors contact avec l’environnement professionnel proche de l’enquêté ou bien nous mettons en place un dispositif de surveillance et de filature afin d’identifier les lieux ou les personnes qu’il fréquente, ou nous réalisons des enquêtes administratives. Ceci en respectant la jurisprudence. Ces moyens doivent ainsi être proportionnés et correspondre aux intérêts légitimes du demandeur.» Sous peine de risquer soi-même d’être mis en accusation…