Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Émilie Drosnet et Manuella Piou, dirigeantes associées de Comwell : « Notre force ? Être complémentaires »

Leur complicité est une évidence, tout comme le bonheur d’avoir entrepris ensemble. Depuis 2012, Émilie Drosnet et Manuella Piou rayonnent en effet sur Comwell, une agence de communication basée à Montaigu-Vendée. Pour IJ, ce duo complémentaire et pétillant revient sur son choix assumé d’une association à parts égales et explique l’importance de clarifier les conditions d’une telle alliance pour réussir l’aventure.

Comwell, Vendée, Manuella Piou, Emilie Drosnet, communication, réseau, association

Comment est née Comwell ?

Manuella Piou : Émilie et moi, nous nous connaissons depuis 20 ans. Nous avons toutes les deux commencé notre carrière dans une agence de communication nantaise, ce qui nous a permis d’acquérir les mêmes méthodes de travail. Nous nous sommes suivies pour notre seconde expérience professionnelle et c’est là que nous avons vraiment appris à travailler ensemble. Malheureusement, l’entreprise a été placée en redressement judiciaire. Un jour, alors que nous étions sur un salon pour représenter cette entreprise, nous avons osé en parler entre nous. Et ce fût comme une évidence. Nous ne voulions pas perdre la synergie et la complicité qui nous unissaient.

Émilie Drosnet : Cette difficulté nous a soudées et a révélé des valeurs communes et l’envie de faire quelque chose ensemble dans la communication, mais autrement. C’est comme cela que nous avons décidé de créer l’agence Comwell en 2012, à Montaigu-Vendée.

Comment avez-vous tiré profit de cette expérience ?

ED : Entreprendre, ce n’est pas notre métier. Nous n’avions pas envie de nous planter. En tout cas, le moins possible. Une certitude : nous avions besoin de nous faire accompagner.

MP : Notre entourage professionnel nous a conseillé le Réseau Entreprendre qui accompagne des créateurs et repreneurs d’entreprise dans leur projet. À l’époque, nous étions en Loire-Atlantique et dans notre domaine, il y avait déjà beaucoup de lauréats. Ils n’étaient pas sûrs de pouvoir nous apporter quelque chose.

ED : Alors, nous nous sommes rapprochées de la Vendée dont nous sommes toutes les deux originaires. Invitées à la soirée des lauréats, nous avons immédiatement eu un coup de cœur pour ce réseau car nous y avons rencontré des chefs d’entreprise humains et accessibles avec qui nous avons pu échanger. Nous avons décidé de nous installer ici en 2012. La même année, nous étions lauréates.

Que vous a apporté ce réseau ?

MP : Olivier Billon, alors directeur de Réseau Entreprendre Vendée (REV), nous a bousculées dans notre projet. Lors de ce premier accompagnement, il nous a répété que nous devions nous démarquer d’une agence de communication classique et trouver notre propre création de valeur. Mais nous étions complètement bloquées sur ce point. Heureusement, en 2016, nous avons eu la chance d’être sélectionnées avec neuf autres lauréats du REV (créateurs ou repreneurs), pour participer au Booster Camp. Ce programme a pour objectif de booster l’activité d’une entreprise et de l’aider à développer de nouveaux marchés. Pendant 24 heures, une dizaine de chefs d’entreprises, membres du REV, nous ont apporté leurs expertises bénévolement pour donner un nouvel élan à notre projet. Nous avons eu la chance de remettre à plat notre modèle économique. Et c’est finalement l’un de nos clients qui a débloqué la situation en nous aidant à comprendre que notre force, c’était le marketing et notre capacité à développer une stratégie de communication d’entreprise globale, que c’était une source de différenciation et une valeur ajoutée auprès de nos clients.

Vous êtes l’une des premières agences de communication vendéennes à avoir externalisé toutes vos compétences créatives et techniques. Pourquoi ?

ED : Lorsque nous avons créé l’agence, soit nous rentrions dans un schéma classique de fonctionnement avec 100 % des compétences intégrées. Soit nous décidions de tisser un réseau d’indépendants pour élargir le champ des possibles. Contrairement à ce que nous avions vécu dans nos précédentes expériences, nous ne voulions pas d’une seule patte créative qui risquerait de bloquer notre développement commercial.

MP : Un créatif dispose d’une signature graphique, d’univers métiers où il se sent bien et d’autres moins. Notre approche marketing multisectorielle nous a amenées à constituer une team créative et technique en capacité de répondre à tous les univers métiers. Chacun (graphiste, web designer, web développeur, photographe) a une compétence spécifique qui vient nourrir la richesse de nos prestations. Notre force est de leur amener un brief complet et orienté des besoins de nos clients, ce qui permet de sécuriser leur travail et de viser juste rapidement. Nos équipes chefs de projets gèrent les aller-retour clients, ce qui soulagent nos freelances et leur permet de se concentrer pleinement sur leur cœur de métier et de maîtriser la rentabilité de leurs projets.

Vous avez fait le choix de vous associer à 50/50. Pourquoi ce mode de gouvernance, que votre entourage professionnel vous avait pourtant déconseillé, était-il une évidence pour vous ?

ED : C’était une évidence tout simplement parce que nous entreprenions à deux. Lors de la création de l’entreprise, plusieurs acteurs autour de nous (dirigeants, experts-comptables) nous ont effectivement déconseillé de nous associer à parts égales. Selon leurs expériences, il y avait très peu d’exemples qui fonctionnaient et cela risquait de bloquer le développement de l’entreprise. En cas de désaccord, aucune décision ne serait prise et nous irions droit dans le mur. Mieux valait une association à 49/51 ou un troisième associé minoritaire. Mais comment déterminer laquelle de nous deux serait majoritaire ? Et puis quelle serait sa légitimité ? Pour nous, c’était du 50/50 ou rien. Nous avions conscience de ce que cela impliquait. Mais un entre-deux était impossible.

MP : Aujourd’hui encore, s’il le fallait, nous le referions. Jamais je n’aurais pu ou je ne pourrais créer seule. J’ai besoin de confronter mon avis avec quelqu’un qui partage les mêmes enjeux entrepreneuriaux que moi. Alors, oui, il y a des débats entre nous, mais nous savons pourquoi nous faisons ce métier et où nous allons.

Comment avez-vous clarifié les conditions de votre association ?

 ED : Dès la construction du business plan, nous nous sommes réparti les rôles et avons distingué nos pôles de compétences et nos missions. Cette répartition a évolué et s’est affinée au fil du développement de l’agence et des embauches. Aujourd’hui, j’ai en charge le management et la gestion de projet. Manuella s’occupe de tout ce qui est marketing et stratégie commerciale. Chacune gère sa partie sans systématiquement référer à l’autre. C’est une question de confiance.

MP : Pour les prises de décisions stratégiques, nous devons toutes les deux être d’accord pour ne pas freiner le fonctionnement et le développement de l’entreprise.

ED : Si ce n’est pas le cas, on discute, on argumente, on s’écoute et on trouve toujours des solutions. Et si ça bloque vraiment, on fait appel à un arbitre, des chefs d’entreprise qui nous connaissent toutes les deux et qui nous aident à sortir de l’impasse. Il arrive aussi qu’on ne soit pas d’accord mais qu’on accepte de suivre l’autre et potentiellement de commettre des erreurs car on sait que l’on pourra rebondir. Pour clarifier les conditions de notre association, nous avons également rédigé un pacte d’associés avec l’aide de notre expert-comptable. Ce document, un peu comme un contrat de mariage, a une vocation de protection juridique. Il stipule noir sur blanc les décisions à prendre en cas de maladie, de décès, d’arrêt de l’activité (défaillance) ou de conflit et définit les modalités à suivre.

Et au quotidien ?

MP : Nous prenons le temps régulièrement de sortir de notre routine et de nous retrouver en dehors de l’entreprise pour déjeuner ensemble afin de parler chiffres, recrutements… Une à deux fois par an, on se pose dans un cadre zen et agréable, pour parler ensemble de stratégie, mais aussi de nos ressentis. Notre force, c’est aussi de partager le même bureau toujours face à face. Cela fluidifie la communication au quotidien.

ED : Cela permet aussi de voir comment va l’autre.

MP : Tu as raison. Il faut oser dire que ça ne va pas, accepter de ne pas sourire si ça ne va pas bien.

C’est quoi la clé d’une association réussie ?

ED : C’est d’abord de se parler.

MP : Il faut oser se dire clairement les choses. Les seules fois où il y a eu des soucis, c’est parce que l’on avait gardé le problème pour soi et que cela avait pris des proportions inutiles. D’où l’importance de bien connaître les qualités et les défauts de l’autre, ses envies et ses projets. Avant même d’envisager un pacte d’associés, je pense qu’il est essentiel de poser sur le papier ce qui vous fait vibrer, ce que chaque associé attend de cette aventure. Cela permet de vérifier que l’on est sur la même longueur d’onde et de se fixer des priorités. Notre grande force, c’est d’être un duo complémentaire. Je suis une optimiste fonceuse. Elle est une optimiste prudente. C’est le bon équilibre pour réussir.

Vous êtes engagées dans plusieurs réseaux. Pourquoi ?

MP : Nous ne sommes pas dans les réseaux pour faire de la figuration ou du business, mais si cela peut faire naître des opportunités. Ce que nous y recherchons, c’est le partage d’expériences. Ce qui nous plaît, c’est la richesse des rencontres.

ED : Le REV est le premier réseau dans lequel nous nous sommes investies avec Manuella et nous gardons des liens étroits avec les chefs d’entreprise qui nous ont accompagnées comme Christophe Babarit (Briogel) et Xavier Hoffmann (ancien directeur du Casino des pins aux Sables d’Olonne). De 2012 à 2018, nous avons fait partie de la commission Communication. Aujourd’hui, je suis hyper fière de pouvoir à mon tour accompagner d’autres porteurs de projets et de les faire profiter de mon expérience.

MP : C’est Xavier Hoffmann qui, nous voyant toujours ensemble, nous a conseillé un jour de rayonner dans des réseaux différents pour apprendre à exister seules.

ED : Je me suis dirigée vers Germe, un réseau apprenant pour progresser dans ses pratiques managériales. Apprendre des choses qui pourraient servir à mon entreprise et potentiellement à mes équipes m’a tout de suite intéressée. Cela fait sept ans que ça dure.

MP : J’ai vu Émilie évoluer et rayonner. J’ai eu envie de faire comme elle, et sur les conseils d’une amie j’ai rejoint le Centre des jeunes dirigeants. Je me suis reconnue dans les valeurs du CJD et j’ai aimé l’idée de pouvoir me former au métier de dirigeante. Aujourd’hui, je suis présidente de la section CJD La Roche-sur-Yon Vendée Littoral.

ED : Être dans des réseaux différents nous aide à grandir, à ne pas être qu’un duo mais deux individualités.

MP : Et puis, on continue de se retrouver au sein du REV ou du Medef Vendée, où je suis administratrice.

Comwell, Vendée, Manuella Piou, Emilie Drosnet, communication, réseau, association

L’équipe Comwell. ©Sarah Scaniglia

Quelles sont vos ambitions pour Comwell ?

ED : L’avenir, c’est d’avoir une quinzaine de salariés, pas plus.

MP : Nous voulons garder ce lien de proximité avec nos collaborateurs et rester un acteur local.

ED : Nous avons également le projet de mettre en place à l’horizon 2025 un Codir avec nos directeurs clientèles autour de problématiques organisationnelles et de stratégie commerciale. Nous voulons impliquer davantage les équipes dans le développement de l’entreprise.

À l’automne 2022, sur ce même principe d’association à 50/50, vous avez créé L’Ekla, un lieu de réunion et de coworking, lui aussi basé à Montaigu-Vendée. Comment passe-t-on d’une agence de stratégie en communication à ce type de projet ? Et quels sont vos objectifs ?

ED : Cela fait près de dix ans que nous avions l’idée de créer un lieu comme L’Ekla, un centre d’affaires et de coworking où il fait bon travailler, un lieu privilégié pour les entreprises et leurs business, autour d’un espace agile qui puisse s’adapter aux étapes de vie d’une entreprise. À chaque fois que nous cherchions un endroit de standing, cocooning et confortable pour un rendez-vous professionnel, nous n’en trouvions pas. Autour de nous, l’offre de coworking avec des salles de réunion s’adressait essentiellement à des travailleurs indépendants ou délocalisés.

D’où notre envie de créer un lieu fédérateur destiné aux entreprises à la recherche d’un pied-à-terre temporaire, que ce soit pour un séminaire ou une journée de cohésion avec leurs équipes. Notre cible, ce sont également les clubs d’entreprises qui souhaitent se réunir entre membres, les créateurs d’entreprise en quête d’une domiciliation, sans oublier évidemment les indépendants, tous secteurs d’activités confondus. Nous avons dû patienter un peu pour concrétiser ce projet, le temps de consolider le développement de Comwell. Et c’est lors du Covid que nous avons pu le faire. Cette période nous a permis de prendre du recul sur ce qui nous anime au quotidien. Avec Manuella, nous avons pris conscience à ce moment-là que nous avions besoin de donner du sens à nos vies professionnelles et de donner une nouvelle impulsion à Comwell.

Comwell, Vendée, Manuella Piou, Emilie Drosnet, communication, réseau, association, Ekla

Le centre d’affaires et de coworking L’Ekla à Montaigu-Vendée. ©Comwell

MP : Globalement, le coworking reste une activité non rentable et largement subventionnée par les collectivités dans l’espoir d’attirer de nouveaux actifs. Ces neuf années de réflexion ont donc vraiment été bénéfiques pour affiner notre projet et son modèle économique. Nous avons pu bénéficier de nombreux retours d’expériences et mieux cerner les attentes de notre cible. Pour que notre business model soit viable, nous avons fait en sorte que chaque mètre carré de L’Ekla soit optimisé et agile. Nous ne voulions pas d’un seul grand espace ou d’une série de bureaux fermés. Notre souhait était de faire de L’Ekla un lieu de vie professionnel avec une multitude d’espaces flexibles et d’équipements pour travailler selon ses besoins.

À titre d’exemples, nos deux salles de réunion de l’étage peuvent se diviser en trois, nous disposons de petits espaces de coworking ou de petits salons cocooning, ou encore de bureaux à louer à l’heure, à la journée, au mois ou à l’année, sans oublier une salle de créativité pour brainstormer. En résumé, nos espaces offrent une multitude de possibilités de travail. Désormais, nous voulons animer ce lieu autour de conférences, d’animations d’intelligence collective, d’afterworks, de matinées infos sur des sujets qui concernent les entrepreneurs, mais aussi des ateliers bien-être.

Vous voyez grand pour L’Ekla ?

ED : Oui, l’étape suivante est de passer de 360 m² à 800 m² avec la construction d’un second module, sur le même terrain. Nous n’avons pas de calendrier précis, tout dépendra de la rentabilité économique du premier bâtiment et de l’actualité. L’Ekla dispose de tous les espaces dont peut avoir besoin un pro. À nous de voir ce qui fonctionne et d’étudier quels services pourraient être dupliqués sur ce second bâtiment. Pourquoi pas, ensuite, déployer le concept ailleurs en Vendée et dans les départements limitrophes, hors Loire-Atlantique où l’offre sur ce segment de marché est déjà satisfaisante.

Dans quelle mesure un lieu comme L’Ekla peut-il contribuer à l’attractivité économique du territoire ?

ED : Montaigu-Vendée est un point stratégique central entre La Roche-sur-Yon et Nantes. Très dynamique sur le plan économique, le territoire manque de bureaux à louer. Un lieu comme L’Ekla peut apporter une réponse agile et transitoire à ce type de problématique. Notre modèle répond en effet aux cycles de vie des entreprises et entrepreneurs : besoin d’espace lors d’un développement, forte croissance, entreprises qui se nationalisent et souhaitent se poser sur un territoire sans avoir besoin d’investir dans des locaux immédiatement… En revanche, L’Ekla ne répond pas vraiment au télétravail qui concerne surtout les salariés des entreprises. Cela n’est pas notre cible principale.

Comwell en chiffres

  • 2 associés
  • 9 salariés
  • 40 collaborateurs indépendants
  • CA 2023 : 800 000 €