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Comment protéger mon idée ?

On ne compte plus le nombre de personnes qui se sont posé la question suivante : comment protéger mon idée ? Ni une, ni deux, elles se rendent sur internet ou chez un professionnel de la propriété intellectuelle et la réponse est généralement celle-ci : le principe est que les idées sont de libre parcours, pas de protection par la propriété intellectuelle. Si, en théorie, cela est tout à fait exact, en pratique, tout dépend du niveau de concrétisation de l’idée…

Pierre Langlais, Cécile Guyot Solvoxia

Pierre Langlais, Cécile Guyot, avocats au cabinet Solvoxia © DR

La protection de mon idée par des droits d’auteur

Pour pouvoir être en mesure d’invoquer des droits d’auteur sur votre idée, la première étape est de la matérialiser de manière tangible (dessiner les plans d’une nouvelle maison, enregistrer la musique, écrire les textes, etc.), celle-ci devant ensuite être originale, à savoir porter l’empreinte de votre personnalité (“votre patte”) en démontrant quel a été votre parti pris créatif.

Au besoin, il peut être intéressant de documenter votre processus créatif. En effet, comme en droit d’auteur il n’y a pas de dépôt à réaliser auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), pour bénéficier de la protection – qui est acquise dès la création – il faut idéalement conserver toutes les versions de votre travail : croquis, documents de conception, emails échangés sur le sujet, etc.

En cas de litige avec un tiers, tout cela pourra vous servir à démontrer qu’à telle date, vous aviez déjà matérialisé votre idée. Idéalement, cela peut faire l’objet d’un dépôt e-Soleau auprès de l’INPI ou encore par exemple d’un constat d’huissier.

À noter par ailleurs que, même si le symbole © ne permet pas de protéger l’idée elle-même et n’est pas générateur de droit en France, le fait de l’intégrer à tout document qui y est relatif permettra de renforcer votre position à l’égard des tiers en les avertissant que vous êtes conscient de vos droits.

En résumé, si les idées sont de libre parcours, en vous lançant dans la concrétisation de la vôtre, vous pourriez potentiellement bénéficier de droits d’auteur, qui la protègeront votre vie durant et pendant 70 ans ensuite.

La protection par un dessin et modèle

Pour protéger votre idée, par exemple de produit, avec le droit des dessins et modèles, il faut déposer sa concrétisation visuelle ou esthétique auprès de l’INPI. Un dessin et modèle protègera en effet l’apparence d’un produit.

Comme en matière de droits d’auteur, la première étape est de coucher votre idée sur le papier et, le cas échéant, de documenter votre travail de conception, dépôts probatoires à l’appui.

Point très important en matière de dessins et modèles : il faut assurer la confidentialité de votre travail. Concrètement, tant que vous n’avez pas rendu public votre projet, il faut signer des accords de confidentialité avec toute personne à qui vous évoquez votre création (prestataires, partenaires, sous-traitants, etc.). Idem avec vos salariés éventuels.

En effet, si votre idée de produit est divulguée, cela risque de compromettre tout dépôt par la suite, un dessin et modèle devant notamment être nouveau pour être protégé, c’est-à-dire ne jamais avoir été communiqué avant le dépôt (une indulgence existe pour les communications dans l’année précédant le dépôt, à l’origine du créateur ou de son ayant cause, à savoir celui qui se serait fait céder les droits).

Au moment du dépôt, il faudra se poser la question des territoires de protection car, à compter de votre dépôt français par exemple, vous n’avez que six mois pour éventuellement étendre sa protection à l’international.

Une fois le dépôt réalisé, conservez la date car il ne faudra pas oublier de renouveler la protection tous les cinq ans, dans la limite de 25 ans. À défaut, vous perdrez votre dessin et modèle.

Si, en général, le droit d’auteur et les dessins et modèles offrent une protection distincte sur différents aspects d’une création, ils peuvent potentiellement tous les deux être invoqués au bénéfice d’une création, si elle remplit les conditions de chacun (droit d’auteur : création de forme et originalité ; dessins et modèles : nouveauté et caractère propre).

La protection par un brevet

La protection d’une idée par le droit des brevets n’est pas chose aisée dans la mesure où il faut qu’elle se matérialise par exemple par le développement d’un procédé (ex : idée de procédé industriel de stérilisation jusqu’à présent inconnu) ou d’une invention brevetable (ex : idée d’ouverture de bouteilles de vin grâce à un nouveau système de tire-bouchon solaire).

À noter à cet égard que toute idée ne peut pas être brevetée. Ainsi, ce titre protège uniquement les inventions portant sur des produits ou procédés nouveaux, qui ne découlent pas de manière évidente de l’état de la technique dans le domaine en question et qui sont susceptibles d’application industrielle.

Comme en matière de dessins et modèles, la confidentialité est essentielle en cette matière. En effet, si votre invention est divulguée à qui que ce soit (ex : jury de thèse), cela risque de compromettre tout dépôt par la suite, une invention à breveter devant notamment être nouvelle, c’est-à-dire ne jamais avoir été divulguée avant le dépôt, où que ce soit dans le monde.

Il faudra ensuite idéalement vous faire accompagner par un professionnel de la propriété intellectuelle dans la rédaction de votre brevet et pour vous guider tout au long de la procédure.

De même, la réflexion quant au territoire de protection devra se faire idéalement en amont car vous disposez uniquement d’un délai de 12 mois à compter de votre dépôt initial (en France ou en Europe par exemple) pour éventuellement déposer à l’étranger sous priorité. Passé ce délai, des dépôts dans d’autres pays ne seront plus possibles.

Enfin, une fois le titre délivré, n’oubliez pas de payer les annuités pour le maintenir en vigueur, jusqu’à 20 ans maximum. À défaut, le brevet tombe.

La protection par une marque

La protection d’une idée par le biais du droit des marque peut paraître totalement incongrue, le droit des marques ayant principalement vocation à protéger des noms, logos ou encore slogans.

Ceci étant, il peut être intéressant de se poser la question de savoir si votre idée ou votre concept peut se traduire simplement via des éléments verbaux ou graphiques, pouvant constituer un signe de ralliement de clientèle. En effet, très souvent, l’effet de nouveauté lié à une idée de service (ex : Deliveroo) perdure grâce à la marque et ce, malgré le développement de la concurrence.

Si tel est le cas, un dépôt de marque peut être envisagé pour bénéficier de droits exclusifs sur son utilisation.

Avant dépôt, il conviendra de vérifier que la marque n’est pas déjà utilisée/enregistrée par un tiers.

Une fois le dépôt réalisé, n’oubliez pas que vous avez un délai de six mois à compter de celui-ci pour éventuellement déposer à l’étranger. Encore une fois, il est important de se poser la question des territoires d’intérêt pour vous. Passé ce délai, des dépôts à l’étranger resteront possibles, mais vous ne bénéficierez plus de votre date de dépôt français.

Vous bénéficiez ensuite d’une protection pour dix ans, qu’il ne faudra absolument par oublier de renouveler.

En résumé, si le droit des marques n’est pas nécessairement le vecteur évident pour la protection d’une idée, il peut cependant permettre de protéger ses accessoires essentiels.

Et le secret ?

Lorsqu’il n’est pas possible d’invoquer un droit de propriété intellectuelle ou lorsque vous ne souhaitez pas déposer, par exemple, de brevet parce que votre invention doit être conservée secrète (ex : pour un procédé de fabrication), vous pouvez opter pour le secret.

Concrètement, il faudra alors signer des accords de confidentialité avec tous vos partenaires et salariés, faire éventuellement des dépôts probatoires (ex : e-Soleau) et envisager, si vous l’estimez pertinent, des mesures de protection physique dans vos locaux (ex : accès restreints de certaines pièces à des salariés identifiés).

En cas de difficulté, vous pourrez par ailleurs invoquer l’atteinte à un secret des affaires. Cette notion couvre toute information qui n’est pas généralement connue ou accessible, qui a une valeur commerciale (ex : recette) et qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables pour assurer le secret.

En résumé, dès que vous avez une idée que vous commencez à formaliser, posez-vous la question de sa protection éventuelle, car potentiellement plusieurs options sont possibles.

Le cabinet Solvoxia est exclusivement dédié à la propriété intellectuelle, au numérique et aux données personnelles
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