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Pacte d’associés : un outil d’organisation des relations en dehors des statuts

Appelé aussi pacte d’actionnaires, le pacte d’associés est un outil juridique à la fois complémentaire et précieux, destiné à régir avec finesse les relations entre associés.

Célia THOMAS, notaire en Loire-Atlantique

Célia THOMAS, notaire en Loire-Atlantique © D.R.

L’acte de base définissant les règles de fonctionnement et d’organisation d’une société sont les statuts. Acte officiel permettant l’immatriculation de la société, les statuts sont signés par tous les associés. Il s’agit du premier outil permettant aux associés ou actionnaires de retranscrire leurs accords lors de la création de la société. En fonction de la forme sociétaire, la loi vient largement encadrer dans le Code civil et dans le Code de commerce l’organisation et le fonctionnement de chaque type sociétaire.

Ce cadre légal des statuts est parfois jugé trop rigide pour permettre aux associés d’exprimer leurs réelles intentions. C’est pourquoi la pratique a développé, à côté des statuts, diverses conventions permettant de répondre aux besoins des associés. Ces conventions extrastatutaires sont dénommées « pactes d’associés » ou « pactes d’actionnaires ». Ces pactes sont un véritable complément des statuts et parfois même l’outil indispensable pour se prémunir de difficultés qui surviendraient en cours de vie sociale ou lors de la sortie de la société. Ces pactes vont ainsi permettre d’organiser les relations entre les associés, ou seulement certains d’entre eux, ainsi que le fonctionnement de la société de manière plus pointue.

UN CONTRAT DISTINCT DES STATUTS À CARACTÈRE SECRET

Ni le droit général des sociétés ni le droit spécial des sociétés ne réglementent spécifiquement cette convention. En pratique, il s’agira d’un contrat distinct des statuts qui ne répondra qu’aux règles du droit commun des contrats et qui sera régi par le principe de la liberté contractuelle.

Alors que les statuts sont publiés et peuvent être consultés par tout un chacun, le pacte d’associés ne fait l’objet d’aucune mesure de publicité et est destiné généralement à rester secret.

Contrairement aux statuts qui sont signés par tous les associés, le pacte d’associés ne peut concerner que certains d’entre eux seulement. Les accords contenus dans ce pacte ne seront alors connus que des seuls signataires et ne régiront que leurs rapports en raison du principe de la relativité des contrats.

En cas de modification des statuts, il y a lieu de tenir une assemblée générale en bonne et due forme et de recueillir l’accord unanime des associés. En revanche, pour la modification d’un pacte extrastatutaire, seul l’accord des signataires est nécessaire et aucune procédure spécifique n’est légalement imposée.

S’agissant de la durée des accords, si les statuts sont destinés à recevoir une application tant que la société est active, le pacte d’associés peut être envisagé pour une durée plus courte et chaque clause peut avoir un terme distinct.

Ces différents éléments démontrent ainsi la souplesse des pactes extrastatutaires par rapport aux statuts.

LE BUT ET LE CONTENU DE CES ACCORDS ENTRE ASSOCIÉS HORS STATUTS

Les pactes d’associés peuvent répondre à plusieurs objectifs et leur contenu est extrêmement variable en fonction des intentions des associés. Ils peuvent par exemple être établis dans un souci de protection des associés minoritaires. Dans d’autres situations, ils serviront à organiser une stratégie de sortie de la société ou ils peuvent encore être établis dans l’intérêt des associés/actionnaires investisseurs.

Ainsi, les clauses insérées dans ces pactes d’associés auront généralement trait à la maîtrise du capital social, au contrôle de la gestion des affaires, à la détermination de certains aspects financiers ou encore à l’organisation de la sortie de la société.

S’agissant de la maîtrise du capital social, les clauses peuvent consister en :

  • Un droit de préemption ou une clause d’agrément en cas de transfert de titres ;
  • Un droit de sortie conjointe dans l’hypothèse où un fondateur souhaite céder ses titres au profit d’un tiers. Le fondateur devra obtenir du tiers le rachat des titres des autres signataires (minoritaires) s’ils le désirent ;
  • Une clause de sortie forcée qui permet d’obliger, cette fois-ci, les minoritaires à céder leurs titres lorsqu’un tiers se présente pour acquérir 100% des titres ;
  • Une clause d’inaliénabilité qui consiste à obliger les signataires du pacte à conserver leurs titres pendant une durée déterminée comme par exemple jusqu’au remboursement d’un prêt ayant permis le financement des investissements de départ ;
  • Engagement collectif de conservation des titres pour bénéficier de faveurs Comme indiqué précédemment, le législateur ne règlemente pas les pactes d’associés. Toutefois, il ne méconnaît pas leur existence. En effet, certaines faveurs fiscales sont subordonnées par exemple à la justification d’un accord entre associés ou certains d’entre eux de conservation des titres (Pacte Dutreil).

Ces pactes sont parfois l’outil indispensable pour se prémunir de difficultés qui surviendraient en cours de vie sociale ou lors de la sortie de la société. Maître Cléia THOMAS

S’agissant des clauses relatives au contrôle de la gestion des affaires, il est possible de prévoir notamment :

  • Une information renforcée sur la gestion des affaires notamment à destination du groupe d’associés investisseurs ;
  • Une clause relative à la composition des organes de direction ;
  • Des clauses imposant aux fondateurs d’exercer leur activité principale exclusivement au sein de la société ou imposant une non-concurrence en cas de sortie de la société.

 

S’agissant de la détermination de certains aspects financiers entre les associés ou certains d’entre eux, le pacte peut contenir :

  • Une clause sur la politique de distribution des dividendes. Il s’agit par exemple de prévoir une distribution minimum au profit du groupe des associés investisseurs dans toutes circonstances ;
  • Une clause d’anti-dilution au moyen de laquelle les investisseurs bénéficieront du droit de maintenir leur participation dans le capital de la société à proportion de leur quote-part initiale lors par exemple d’une augmentation de capital

 

Cette liste de clauses non exhaustive donne un aperçu des possibilités offertes aux associés/actionnaires pour régir leurs relations au sein de la société et ainsi contrebalancer un ordre public sociétaire de plus en plus ferme.

Les pactes sont à travailler avec minutie au regard des enjeux qu’ils représentent. Être conseillé et accompagné dans l’établissement de ces pactes est primordial afin de donner à cette convention sa pleine efficacité sans tomber dans les travers du grand principe de la liberté contractuelle.