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Vendée Globe, l’eldorado des sponsors

Le 10e Vendée Globe s’élancera en novembre prochain. Tous les regards seront alors braqués sur les skippers. Et, en coulisse, de nombreuses entreprises vont s’appuyer sur la notoriété de cet événement mythique pour faire parler d’elles. Un choix payant à plus d’un titre.

Les deux skippers Thomas Ruyant et Sam Goodchild seront les ambassadeurs d'une campagne sur la vulnérabilité, initiée par Advens. PIERRE BOURAS / TR RACING

Le tour du monde à la voile en solitaire et sans assistance est de retour comme tous les quatre ans. Cette année, le départ du Vendée Globe sera donné le 10 novembre aux Sables-d’Olonne. Sur la ligne de départ, on s’attend à un plateau exceptionnel avec quarante skippers. Jamais autant de navigateurs ne se sont alignés sur la ligne de départ. Le suspense sera donc à son comble. En coulisse, certains entrepreneurs vendéens auront les yeux braqués sur leurs poulains.


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Des sponsors historiques et des petits nouveaux…

Parmi ces entreprises, il y a les sponsors historiques du Vendée Globe, à l’instar de PRB (environ 700 collaborateurs, CA non communiqué). « Pour nous, le Vendée Globe, c’est une épopée qui remonte à trente ans avec le sponsoring de Jean-Yves Hasselin. Nous sommes tombés dedans par passion, évidemment, par goût de la compétition et de l’aventure, mais encore une fois, surtout par goût de l’humain et du partage », dixit Olivier Troussicot, son dirigeant. Il rêve d’une troisième étoile sur son ciré après les victoires du skipper Michel Desjoyeaux, seul double vainqueur du Vendée Globe, et de Vincent Riou en 2005. Autre fidèle de cette course de renom : La Mie Câline (100 M€ de CA – 300 personnes à Saint-Jean-de-Monts), engagée dans le mécénat sportif depuis vingt-cinq ans. C’est une rencontre entre le skipper Arnaud Boissières et le patron vendéen David Giraudeau qui a embarqué l’industriel à bord de l’Imoca.

La Mie Câline est le sponsor principal du navigateur Arnaud Boissières. LA MIE CÂLINE

Puis, il y a aussi les « petits » nouveaux. Les Brioches Fonteneau (350 collaborateurs, CA non communiqué) en font partie. Cette PME vendéenne, forte d’un ancrage territorial depuis 1977, devient fournisseur officiel de la course. Et surtout co-sponsor du bateau de Manuel Cousin aux côtés d’une dizaine d’autres entreprises (Ligne & Lumière, Altitude Infra, EDP Propreté…). L’occasion de mettre en lumière l’association Coup de Pouce (l’une des trente causes soutenues par les navigateurs) qui agit pour la réussite scolaire en luttant contre le décrochage dès la petite enfance. « Le Vendée Globe fait vivre le territoire. Nous avons grandi avec et avions l’espoir de devenir un jour partenaire de l’événement », indiquent Christine et Mathieu Fonteneau, codirigeants de l’entreprise familiale qui écoule 21 000 tonnes de brioches par an.

Le Groupe Dubreuil (3,16 Mds€ de CA consolidé – 6 500 collaborateurs dont 1 400 en Vendée – 50 filiales) a lui aussi choisi d’adosser son nom à cette manifestation d’envergure. Il s’engage pour la première fois comme sponsor majoritaire et fait le choix de monter sa propre écurie de course (une équipe de six salariés) avec le navigateur Sébastien Simon basé aux Sables-d’Olonne. « Le groupe a d’abord été sponsor minoritaire du voilier Arkea Paprec lors de l’édition 2020. Nous avions alors engagé une enveloppe de 150 k€ par an sur trois ans mais pour une visibilité assez faible », raconte le patron Paul-Henri Dubreuil. Une frustration pour ce passionné de la mer. « Il n’y avait pas eu de retour sur investissement en termes de visibilité mais cela nous avait permis de nous engager dans le sponsoring de la course au large avec un projet 100 % vendéen. » Cette année, le groupe multimarques fête ses cent ans et affichera, à bâbord les couleurs d’Air Caraïbes, et à tribord son autre filiale French Bee, pour « donner à chaque compagnie un maximum de visibilité ».

Pour la 10e édition du Vendée Globe, les Brioches Fonteneau s’associent au skipper Manuel Cousin. BRIOCHES FONTENEAU

Des investissements souvent « tenus secrets »

Paul-Henri Dubreuil confirme que toutes les filiales du groupe ont mis la main à la poche, sans toutefois communiquer l’enveloppe financière allouée au sponsoring de la voile. Du côté de PRB, son PDG Olivier Troussicot est lui aussi discret sur le sujet. « Quand PRB s’est engagé dans la course en 1992, le budget s’élevait à 400 000 francs (soit 60 k€). Aujourd’hui, ce n’est pas l’un des plus petits budgets, bien entendu. Par contre, c’est l’un des budgets les mieux maîtrisés. Depuis le début, nous consacrons une part identique du chiffre d’affaires au sponsoring de la voile. Ce qui est un challenge dans un contexte inflationniste. » En revanche, Roland Tonarelli, directeur général de Maître Coq, est lui plus disert sur les chiffres. Avec une enveloppe de 1,7 M€, le volailler vendéen apporte 80 % du budget de fonctionnement du team YBsailing. Une enveloppe à laquelle participent, en totale équité, trois groupements de producteurs (la CIAB, Bellavol, la Cavac). Enfin, 400 k€ par an et sur quatre ans (2020-2024), c’est le montant du partenariat signé entre le skipper Arnaud Boissières et La Mie Câline. « Chaque franchisé reverse 2 % de son chiffre d’affaire dans un pot commun », précise David Giraudeau.

Ces tickets d’entrée ne sont toutefois pas à la portée de toutes les entreprises qui, en période de crise, sont parfois confrontées à la nécessité de réduire leurs dépenses. Certaines ont donc trouvé la parade pour être aussi dans la course : jouer collectif. C’est le cas notamment de Kohler Opticien, doté de quatre magasins franchisés Afflelou et de quatre autres points de vente en propre (La Roche-sur-Yon, Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Les Sables-d’Olonne, Challans) pour un ensemble de quarante-trois salariés. « À sa petite échelle, la société (7 M€ de CA en 2023) a investi environ 20 k€ », indiquent Marion et Sylvine Kohler, respectivement attachée de direction et dirigeante. Lesquelles ne s’attendent pas à des retours « extraordinaires » même si elles espèrent « une belle visibilité ». C’est pour elles surtout la fierté de voir le nom de l’enseigne faire un tour du monde. Féru de voile, l’artisan-chocolatier Patrick Gelencser (3,5 M€ de CA, cinq magasins, 50 collaborateurs) a lui aussi voulu associer son nom au Vendée Globe. Sa première participation sur le village remontre à 1992 et le premier sponsoring à il y a tout juste quatre ans. Lui engage « une dizaine de milliers d’euros ».

Le skipper Manuel Cousin, entouré de sa team manager et son épouse, de Sylvine et Marion Kohler (Kohler Opticien) et de l’équipe Enihcam. ENIHCAM

Une visibilité médiatique inégalée en équivalent publicitaire… mais pas que !

Ces investissements, plus ou moins massifs, sont motivés par un événement à la portée médiatique incontestable. En effet, les sponsors tirent un profit considérable de leur association avec le Vendée Globe, notamment grâce à une visibilité accrue et à l’alignement de leurs marques avec des valeurs fortes (dépassement de soi, résilience, performance, esprit d’équipe, innovation…) qui sont transposables au monde l’entreprise. « Le skipper brave les tempêtes et le groupe Dubreuil affronte les crises économiques. En tant qu’entrepreneurs, nous prenons des risques et avons le goût de l’aventure », illustre Paul-Henri Dubreuil. Chez PRB, Olivier Troussicot embraye : « Le Vendée Globe offre une visibilité assez exceptionnelle pour les sponsors. Associer son entreprise à une aventure comme celle-ci, humaine et sportive, renforce forcément l’image de marque. » C’est aussi pour lui un moyen de fidéliser ses clients et ses partenaires en les invitant au départ du Vendée Globe et de s’associer à un secteur qui connaît de fortes avancées technologiques ou encore de promouvoir sa politique RSE, la voile étant « un sport écoresponsable ». Et d’ajouter : « De ce point de vue, le sponsoring est bien un investissement rentable et stratégique pour l’entreprise » avec des « retombées forcément significatives » mais « difficiles à évaluer ». En revanche, il a une certitude : « Ce projet fédérateur a accompagné la croissance de PRB. »

Participer à un événement local d’envergure internationale est aussi une aubaine pour Brioches Fonteneau qui exporte plus de 40 % de sa production notamment sur le marché de l’hôtellerie aux États-Unis. « Nous attendons un retour sur investissement. Cette opération va nous apporter de la visibilité. Cependant, c’est avant tout l’aventure humaine qui prime », tiennent à souligner les deux codirigeants.

Les retombées, La Mie Câline, qui a dévoilé une nouvelle identité visuelle en 2023, les a déjà analysées. Et force est de constater que sa notoriété grimpe en flèche. « Selon nos enquêtes, le sponsoring à la voile a fait grandir notre marque. En 2014, 58 % des Français connaissaient La Mie Câline contre 81 % aujourd’hui. En termes de retombées médias, le retour sur investissement est multiplié par 2,5 », indique son directeur. Selon qui ce sponsoring ouvre aussi des portes à l’international.

La voile reste un sport populaire qui fédère

De là à voir un effet sur les ventes ? « Il n’y en a pas », affirme David Giraudeau. Un avis partagé par Paul-Henri Dubreuil : « Nous verrons si les ventes de billets d’avion explosent. Je n’en suis pas sûr. S’il y a des retombées économiques, ce sera la cerise sur le gâteau, mais nous ne l’avons pas vraiment fait pour cela », assure-t-il. « L’intérêt est de faire connaître nos deux compagnies aériennes, notamment French Bee qui jouit d’une notoriété moins forte qu’Air Caraïbes. » En revanche, Patrick Gelencser est plus optimiste sur le sujet. « Nous observons un afflux de personnes dans le magasin des Sables-d’Olonne à une période habituellement calme, ce qui booste nos ventes de 20 % à 25 %. » De là à valoir largement l’investissement ? « C’est intéressant sans pour autant être la poule aux œufs d’or. »

Le Groupe Dubreuil a lui aussi choisi d’associer son nom à cette manifestation d’envergure. L’occasion de donner de la visibilité à deux de ses filiales, Air Caraïbes et French Bee. MARTIN VIEZZER

Ces entreprises sponsors s’accordent en tout cas sur un point : la voile sert d’élément fédérateur en interne avec des employés exprimant un sentiment de fierté. Ce que confirme notamment Roland Tonarelli chez Maître Coq. « Lorsque l’entreprise a intégré le groupe LDC (en 2009, NDLR), nous avions conscience qu’une reprise d’une telle importance allait impliquer beaucoup de changements pouvant perturber les équipes. C’est pourquoi il a été décidé, à l’époque, de s’engager dans le Vendée Globe, car c’est un projet fédérateur. » Ce dernier est d’ailleurs convaincu que cette opération sert au recrutement. « Le Vendée Globe nous donne l’opportunité de construire une image sympathique », dit-il. En témoignent les quelque 1 500 collaborateurs, soit la moitié des effectifs, qui devraient être au rendez-vous pour le départ de cette course de légende.

Les entreprises de Loire-Atlantique aussi dans la course !

Les entreprises vendéennes ne sont pas les seules à s’adosser au Vendée Globe. Le territoire de la Loire-Atlantique sera aussi représenté avec Advens, le fleuron européen de la cybersécurité qui est partenaire titre et technologique de l’écurie de course au large TR Racing. L’entreprise lilloise qui dispose d’un bureau à Nantes (une quarantaine de collaborateurs) depuis 2020 n’aura pas un mais deux voiliers Imoca, portant le même nom « Vulnerable », sur la ligne de départ. Si l’événement est l’occasion d’initier une campagne avec pour objectif de porter un autre regard sur la vulnérabilité, il est aussi l’opportunité de créer un mouvement collectif avec la présence de 900 collaborateurs et partenaires (Entourage, Team for the Planet).

Les deux skippers Thomas Ruyant et Sam Goodchild seront les ambassadeurs d’une campagne sur la vulnérabilité, initiée par Advens. PIERRE BOURAS / TR RACING

Cette fois-ci, le budget annuel s’élève à 7 M€, soit près de 12 % de son chiffre d’affaires établi à 59 M€ en 2023. « Cette opération dépasse le cadre du sponsoring classique. Elle ne consiste pas à acheter de la visibilité mais à être un accélérateur de notre modèle de performance globale. Nous utilisons la puissance mobilisatrice du sport pas tant pour faire connaître la marque Advens que pour faire connaître notre raison d’être et le modèle de l’entreprise. Les retombées doivent être à la fois économiques mais surtout sociales et environnementales. Ce qui permet de renforcer l’ancrage d’Advens. C’est donc une opération hyper rentable ! Les retombées dépassent largement l’investissement. Tous nos indicateurs sont au vert (une croissance annuelle de 30 % et 15 % d’Ebitda, une capacité à recruter 150 collaborateurs par an) et le Vendée Globe y contribue », déclare Grégoire Ducret, CEO.

Autre entreprise ligérienne à associer son nom à l’événement : Giffard Manutention à Carquefou (150 salariés – 36 M€ de CA) dotée d’une agence aux Herbiers depuis 2023 avec plus de 150 clients en Vendée. Si l’entreprise est plus coutumière du sponsoring sportif (elle est notamment sponsor du FC Nantes), en revanche, c’est la première fois qu’elle s’élance dans le Vendée Globe en soutenant le skipper Manuel Cousin aux côtés de quatre autres sponsors majoritaires, moyennant un budget de 150 k€. Une enveloppe à laquelle s’ajoute 10 à 15 k€ pour les opérations annexes. À la clé ? Afficher son logo notamment sur la voile principale. Si pour la directrice Gaëlle Giffard, il est difficile de quantifier le retour sur investissement, Anaïs Brénugat, la chargée de communication à l’origine du sponsoring, reconnaît que c’est excellent pour le business. « Être sponsor du Vendée Globe nous a aidés à signer des affaires. » Mais aussi pour la cohésion d’équipe. « Nos collaborateurs sont fiers de voir l’entreprise participer à un tel événement », se félicite Gaëlle Giffard qui envisage d’ores et déjà de continuer l’aventure.

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