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Protection du dirigeant : anticiper la vulnérabilité avec le mandat de protection future

Avec le Décret n° 2024-1032 du 16 novembre 2024, un registre de publicité pour le mandat de protection future voit enfin le jour. L’occasion de revenir sur cet outil essentiel, notamment pour les chefs d’entreprise.

Emmanuelle Huby, avocate

Emmanuelle Huby, avocate spécialiste en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine. BENJAMIN LACHENAL - IJ

Vulnérabilité. Voilà une anomalie, une incongruité, dans le champ lexical du chef d’entreprise. Méthode Coué ou conviction, quand on est patron, on s’interdit souvent toute fragilité. Pourtant cette invincibilité est une illusion, et quand l’accident de vie survient, l’impréparation peut engendrer des difficultés concrètes, tant pour l’entreprise que pour l’entourage.


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Le mandat de protection future, instauré en 2007, permet d’anticiper sa propre vulnérabilité en prévoyant des mécanismes applicables prioritairement à une curatelle ou une tutelle, en cas d’altération des facultés mentales ou physiques empêchant l’expression de la volonté.

Il présente deux atouts essentiels pour le chef d’entreprise :

  • Une activation rapide : le mandat est actionné par simple visa du greffier, sur présentation d’un certificat médical établissant l’altération des facultés mentales. Le juge n’exerce pas de contrôle a priori, de sorte qu’on évite toute la contrainte des délais judiciaires souvent incompatible avec la vie d’une entreprise. Il n’intervient, au cours de la vie du mandat, que pour autoriser les actes les plus graves (les actes de disposition à titre gratuit).
  • Un mandataire choisi : le dirigeant désigne un individu qui, au-delà d’avoir sa confiance personnelle a aussi les compétences suffisantes pour assumer cette responsabilité.

On peut naturellement (c’est même recommandé), désigner plusieurs mandataires, sur des champs différents : par exemple le conjoint pour la partie protection de la personne et gestion du patrimoine privé, et un tiers pour le patrimoine professionnel. Il est tout aussi possible (et recommandé) de prévoir des mandataires « subsidiaires », en cas d’indisponibilité, de conflit d’intérêts, ou de refus de la mission par le mandataire…

Si le mandat peut être rédigé sous seing privé, il est recommandé de prévoir l’intervention d’un notaire, car seul un acte authentique permettra au mandataire d’effectuer des actes de disposition.

Le législateur a voulu donner une place particulière à ce mandat de protection future, et privilégier l’autonomie de la volonté, puisqu’il doit s’appliquer par priorité sur les mesures judiciaires.

Cependant, l’absence de publicité constituait jusqu’à présent une limite majeure à l’efficacité de ce dispositif. Sans registre dédié, il était impossible de vérifier l’existence d’un mandat en amont et de garantir cette priorité sur les autres mesures. Cette lacune est désormais comblée avec le décret du 16 novembre 2024 qui institue un registre de publicité spécifique.

Toutefois, il présente encore des limites : pour l’heure, son accès est réservé aux magistrats et greffiers. Ni les notaires ni les avocats, pourtant les principaux acteurs dans la mise en œuvre de ces mandats, n’y ont accès. Une ouverture à ces professionnels permettrait de garantir pleinement l’efficience et la sécurité juridique du dispositif.

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