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Le mandat à effet posthume, un outil de prévoyance

Depuis le 1er janvier 2007, il est possible à une personne de confier par acte notarié à un ou plusieurs mandataires le soin d’administrer ou de gérer, pour le compte et dans l’intérêt d’héritiers identifiés, tout ou partie de ce qu’elle laissera à sa succession. Ce mécanisme innovant, dédié aux parents et chefs d'entreprise, permet donc aux personnes conscientes des difficultés qui surviendront dans la gestion de leur succession de prendre, tant qu’il est encore temps, les mesures pour qu’il en aille différemment.

Isabelle Guichoux. BENJAMIN LACHENAL - IJ

Quels sont les personnes et les biens concernés ?

Toute personne majeure et capable peut décider de signer un tel contrat. Le futur défunt (le mandant) peut décider de confier la gestion de tout son patrimoine ou d’une partie seulement (entreprise, portefeuille de titres, biens immobiliers…). Cette désignation faite de son vivant ne prendra effet qu’à son décès (sans priver les héritiers de la propriété) et reste révocable à tout moment entre la signature de l’acte et son décès.

Le mandant signe l’acte notarié de mandat posthume avec le mandataire choisi, qui peut être une personne physique (y compris un des héritiers) ou morale, notamment un professionnel.

Il est parfois judicieux de désigner plusieurs mandataires ; la gestion de l’entreprise laissée par le mandant pouvant être confiée à un mandataire et celle des autres biens à un autre. De même, s’il existe plusieurs entreprises, il est possible de désigner un mandataire par entreprise.


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Si des biens professionnels sont compris dans le patrimoine, le mandataire ne doit pas être frappé d’une interdiction de gérer. De plus, s’il s’agit d’une activité réglementée (officine de pharmacie, laboratoire médical…), le mandataire doit lui-même remplir les conditions d’exercice requises.

Les héritiers identifiés dans le mandat n’ont pas à y consentir ni même à être informés (mais rien ne l’interdit). Ils seront privés (ou leurs représentants, s’ils sont mineurs ou majeurs protégés) de la gestion des biens visés dans le mandat, mais leurs intérêts sont protégés par l’obligation de faire figurer dans l’acte de mandat les raisons qui ont conduit le mandant à retenir ce mode de gestion de son patrimoine. Cet « intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l’héritier ou du patrimoine successoral » doit à peine de nullité être précisément motivé. Cela peut résulter notamment de l’incapacité, de l’inexpérience, de l’éloignement ou de la mésentente des héritiers ne leur permettant pas d’administrer convenablement le patrimoine, ou du fait que le patrimoine transmis comprend des biens ou une entreprise dont la gestion requiert des compétences dont ne disposent pas les héritiers.

La mission du mandataire

Tant que les héritiers n’ont pas accepté la succession (et le mandataire ne peut pas le faire en leur nom), il ne peut accomplir que des actes purement conservatoires ou de surveillance, et des actes d’administration provisoire ; tels que les opérations courantes nécessaires à la continuation à court terme de l’activité de l’entreprise du mandant, ou le recouvrement des fruits et revenus des biens successoraux, mais à charge de régler les dettes ou de déposer ces fonds chez un notaire.

Lorsque les héritiers ont accepté la succession, le mandataire peut alors accomplir les actes d’administration et les actes de gestion du patrimoine qui lui a été confié : recouvrement des créances du défunt, placement de ces fonds, conclusion de baux, renouvellement du stock, du matériel, du bail commercial, voire du personnel de l’entreprise dont la gestion lui a été confiée.

Si l’entreprise du défunt est exploitée sous la forme d’une société et non comme entreprise individuelle, la mission du mandataire porte alors uniquement sur les parts ou actions de la société. Il peut alors exercer les prérogatives d’un associé, mais uniquement celles-ci. Le mandat social dont le mandant serait titulaire (gérant, président…) ne peut pas être transmis au mandataire par le biais du mandant posthume, mais le mandataire prendra part aux votes en assemblée générale, notamment pour nommer ou révoquer les dirigeants sociaux.

Le mandataire devra chaque année rendre compte aux héritiers de la gestion des biens (recettes/dépenses, résiliation ou conclusion de conventions importantes…). Si les héritiers sont privés de la gestion des biens, ils ont bien entendu droit aux bénéfices résultant de la gestion du mandataire (après remboursement des frais de ce dernier).

Limite importante à sa mission, le mandataire ne pourra pas décider de vendre les biens. À l’inverse, les héritiers peuvent vendre les biens sans que le mandataire ne puisse s’y opposer, ce qui entraîne alors l’extinction du mandat.

La rémunération du mandataire

La mission est en principe exercée gratuitement, sauf si le mandat prévoit expressément cette rémunération ainsi que sa nature, son montant ou son mode de calcul. Elle doit alors correspondre à une part des fruits et revenus perçus par la succession et résultant de la gestion du mandataire (ou, par exception seulement, à un capital).

La fin du mandat

Le mandat prend fin (notamment) par la survenance de l’un des évènements suivants :

  • La renonciation à la succession des héritiers intéressés ;
  • L’arrivée du terme prévu : en effet, le mandat est donné pour une durée qui ne peut excéder deux ans (ou cinq ans en raison de l’inaptitude, de l’âge du ou des héritiers, ou de la nécessité de gérer des biens professionnels), prorogeable par décision judiciaire. Il est également possible (dans ces limites temporelles) de fixer un terme précis tel que la majorité de l’héritier ;
  • La révocation judiciaire, à la demande d’un héritier intéressé en cas d’absence ou de disparition de l’intérêt légitime ou de mauvaise exécution par le mandataire de sa mission ;
  • La conclusion d’un mandat conventionnel entre les héritiers et le mandataire ;
  • La vente par les héritiers des biens visés par le mandat ;
  • Le décès de l’héritier intéressé ou du mandataire.

Le mandat à effet posthume est donc un outil précieux, mais qui connaît certaines limites, en ce qu’il ne permet pas au mandataire de vendre les biens ou de s’opposer au contraire à leur vente, et parce qu’il ne fait pas du mandataire le successeur automatique du mandant en tant que dirigeant social. Néanmoins, plusieurs correctifs peuvent être mis en place par le mandant de son vivant, grâce à la rédaction d’un testament ou à certaines modifications statutaires.