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La gouvernance d’entreprise face aux transformations

Environnementales, sociétales ou technologiques, les transformations qui affectent les entreprises sont nombreuses. Quels en sont les impacts sur leur gouvernance ? Lors d’une matinale organisée par l’Observatoire économique social et territorial de la Vendée (OESTV), le 8 décembre à La Roche-sur-Yon, les groupes familiaux Tesson et Herige ont livré leurs témoignages sur le sujet.

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Priscille Gauthier, présidente du groupe Tesson, et Daniel Robin, président du conseil de surveillance du groupe Herige. ©Marie Laudouar-Herige

« La gouvernance est au service de l’entreprise. Il ne faut pas hésiter à la faire bouger en fonction des phases de l’entreprise ou des caps stratégiques qui sont pris. Ça ne doit pas être un carcan dans lequel l’entreprise est enfermée. La gouvernance doit être agile pour que chacun y trouve sa place et puisse apporter quelque chose à l’entreprise. » Priscille Gauthier est présidente du groupe Tesson, société familiale centenaire, basée aux Sables d’Olonne et tournée vers les métiers de la logistique et du numérique1. Invitée de la dernière Matinale de l’OESTV, organisée le 8 décembre à la CCI Vendée, elle a ainsi rappelé la base d’une gouvernance réussie dans un monde en transformation.

L’enjeu de la transmission

La transmission à la génération suivante est sans aucun doute l’une de ces transformations majeures dans la vie d’une entreprise. Préparer et structurer sa gouvernance pour pérenniser ce qui a été créé par les générations précédentes est donc essentiel. C’est la leçon tirée il y a trois décennies par le groupe vendéen Herige, qui évolue depuis 115 ans dans le monde du bâtiment2. « La gouvernance actuelle s’est imposée à la suite du décès de mon cousin Jean-François Caillaud, dirigeant du groupe familial, témoigne Daniel Robin, président du conseil de surveillance. Aucun jeune n’avait l’envie de prendre sa suite. Alors, nous avons décidé de nous organiser en conseil de surveillance et directoire, et confié l’opérationnel du groupe à des managers extérieurs à la famille. Ce système de gouvernance nous permet de garder un œil sur la gestion, les orientations. »

Il y a trois ans, Herige est même allé plus loin en rédigeant une charte sur sa vision du groupe, avec un volet “gouvernance” et un volet “RH”, qui formalise le cheminement que doit suivre un futur jeune actionnaire familial qui voudrait rentrer dans le groupe. « L’objectif est de les sensibiliser à la vie du groupe, de leur permettre de s’impliquer s’ils le souhaitent, tout en bénéficiant de l’éclairage d’administrateurs et managers extérieurs sur la stratégie de l’entreprise telle que l’on doit la penser face aux transformations actuelles et futures. »

De son côté, le groupe Tesson a mis en place une bourse familiale. « L’idée est de faciliter l’accès au capital des jeunes générations et la sortie du capital des anciennes générations, indique Priscille Gauthier. Le principe ? Lors de la valorisation annuelle, les 50 actionnaires familiaux se prononcent sur leur volonté d’acquérir ou de céder leurs actions. »

Répondre aux enjeux de demain

Face aux transformations sociétales et environnementales, les entreprises disposent de plusieurs outils. Le premier, c’est l’adoption d’une stratégie RSE. « Notre comité RSE regroupe une quinzaine de salariés issus des différentes branches d’activité, aussi bien des gens de terrain que des représentants des services juridiques ou financiers, explique Priscille Gauthier. Il ne faut pas avoir peur d’aller chercher des profils atypiques car nos entreprises doivent autant que possible représenter la société dans toute sa diversité. L’idée est en effet de faire remonter les préoccupations du terrain pour prévoir ensuite des actions ponctuelles ou plus globales. »

Comme Daniel Robin, Priscille Gauthier a participé au parcours de la CEC Ouest (Convention des entreprises pour le climat), « un parcours enrichissant et engageant qui nous a permis de penser notre stratégie sur le long terme et d’évoluer vers un modèle régénératif. Nous allons ainsi repenser notre cap 2030 pour intégrer les notions de limites planétaires et d’enjeux sociaux. C’est un changement de paradigme majeur qui embarque tous les collaborateurs et va impacter durablement nos activités. »

Approche similaire pour Herige qui, dans une logique de croissance profitable et durable, s’est doté d’un plan de transformation 2020-2025. La RSE en constitue l’un des trois volets, aux côtés de l’économie circulaire, de la data et de l’intelligence artificielle. Baptisée “Graine d’Avenir”, cette stratégie RSE se déploie à tous les niveaux de l’entreprise à travers des comités dédiés au sein du conseil de surveillance et dans chaque branche d’activité. Elle est adossée à une trajectoire climatique : Herige s’est en effet engagé à réduire de 42 % (par rapport à 2020) ses émissions carbone d’ici 2030. À ce jour, le groupe a également formé 1 000 de ses 2 800 collaborateurs à la fresque du climat.

Pour répondre durablement à ces enjeux, Tesson et Herige ont été amenés à se réorganiser, allant jusqu’à se séparer de leur activité historique. C’est le cas du groupe sablais qui a cédé en 2019 sa branche frigorifique pour se concentrer sur le digital et le conseil énergétique, mettant ainsi ses compétences et son expérience au service de toute une filière.

Herige vient de lui emboîter le pas en annonçant il y a quelques jours entrer en négociation en vue d’une cession de ses activités de négoce de matériaux de construction, afin d’avoir une stratégie de croissance qui repose davantage sur « une offre adaptée aux enjeux de rénovation énergétique et d’économie circulaire. »

Présidente de l’Institut français des administrateurs (IFA) et animatrice de cette table ronde, Cécile Vacher conclut : « Pour accélérer la transformation des entreprises, il faudra beaucoup d’innovation sociale, technique et financière. Il faudra transformer les modèles économiques, décorréler la création de valeur des émissions de gaz à effet de serre et de l’utilisation de ressources primaires. Et à chaque prise de décision, un focus sur l’impact environnemental et sociétal sera indispensable. »

1. Il y a trois pôles d’activité : Logistique et spiritueux, Digital, Énergie et environnement.

2. Il y a trois activités : le négoce de matériaux de construction, la menuiserie industrielle et le béton prêt à l’emploi.