Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Amaury Hanotaux, DG du Min de Nantes Métropole : « Le Min ne dort jamais »

Homards, chapons, foies gras, huîtres… Les stars des repas de fêtes ont rendez-vous au Marché d'intérêt national (Min) de Nantes Métropole, acteur incontournable de l'agroalimentaire dans l'Ouest, installé à Rezé depuis quatre ans. À la veille des fêtes, son directeur général, Amaury Hanotaux, veille à ce que tous les rouages ​​de cette structure fonctionnent au mieux pour les grossistes et leurs clients.

Amaury Hanotaux Min de Nantes Métropole

Amaury Hanotaux, DG du Min de Nantes Métropole. © Benjamin Lachenal

Vous êtes arrivé à Nantes pour assurer l’installation du Min à Rezé en 2019. Diriger cette structure s’est révélé un défi. Avec le recul, comment jugez-vous le chemin parcouru ?

Originaire de Saint-Léger-en-Yvelines, j’ai travaillé dans la gestion des centres commerciaux. Tout d’abord, en tant que directeur technique sécurité adjoint chez Unibail Rodamco, au centre commercial Vélizy 2, l’un des plus grands en France. Promu directeur technique sécurité, j’ai suivi l’ouverture de Rivetoile à Strasbourg, de Docks Vauban au Havre, puis de Docks 76 à Rouen, avant de gérer Saint-Sever à Rouen également. Suite à une opportunité professionnelle pour ma femme sur Saint-Nazaire, j’ai décidé de la suivre en Loire-Atlantique. À cette époque, le Min de Nantes recrutait son directeur d’exploitation… J’ai été embauché en août 2018, avec pour mission principale et prioritaire de déménager le Min de l’île de Nantes à Rezé. J’avais cinq mois pour accompagner tous les opérateurs dans leur déménagement et démarrer le nouveau site dont la construction s’achevait. Il a fallu apprendre à connaître la structure de la société, mettre en place une équipe opérationnelle, me familiariser avec les marchés publics… La Semminn est une SAEM, à la fois société anonyme, donc privée, mais aussi d’économie mixte, donc soumise à la réglementation des marchés publics pour l’exploitation et la commercialisation. C’était un formidable défi, une superbe opportunité. J’ai travaillé jours et nuits et le week-end pour réussir ce déménagement. En fait, ce challenge m’a plu car c’est mon mode de fonctionnement. Le train-train quotidien, je ne sais pas faire. Il me faut en permanence des défis à relever. C’est mon carburant : j’adore ça et j’en ai besoin !

Dans ce grand défi, qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?

Cinq mois avant le démarrage du site, il y avait beaucoup de choses à faire. Sachant que j’avais déjà suivi l’ouverture de trois grands centres commerciaux, j’avais une certaine expérience pour un démarrage d’activité sur un nouveau site. Mais là, il ne s’agissait pas que de lancer un nouveau site, il fallait déménager 150 entreprises en quatre week-ends, sans que l’activité ne s’arrête. Pascal Bolo, PDG de la Semminn à l’époque, m’a fait confiance, tout comme les services de la métropole avec Laurent Jacquet. Nous avons pu avancer très vite. L’équipe a rapidement mis en place les bases pour le fonctionnement et l’exploitation, et fait signer tous les contrats avec les locataires conformément aux protocoles de transferts. Il a également fallu que j’apprenne un nouveau mode de fonctionnement, moi qui ne connaissais pas ce milieu. Contrairement à un centre commercial, il s’agit d’un environnement avec une clientèle professionnelle. Ici, tout le monde se connaît, opérateurs, clients, c’est un vrai petit village, avec plus de 1 000 salariés. On croise en permanence des visages connus. Là encore, ce fut un gros travail que de tous les connaître et fonctionner ensemble. À Vélizy 2, on recevait l’équivalent de la population de la France chaque année sur le site. Aujourd’hui, sur le Min, nous accueillons plus de 4 500 acheteurs réguliers et 450 000 véhicules par an. Le Min Nantes Métropole est le deuxième de France après Rungis, sur un site de 20 hectares, intégré au pôle agroalimentaire Nantes Agropolia qui, lui, fait 55 hectares. Ce sont généralement des poids lourds, des camionnettes, et aussi des véhicules légers. Ici, le chariot élévateur et le transpalette remplacent le caddie® !

Et il est stratégiquement placé !

Dans l’ancien Min on avait l’hyper proximité du centre-ville, avec les restaurants et marchés du centre. Nous nous sommes déplacés de seulement sept kilomètres, ce n’est pas très éloigné, mais le périphérique reste une barrière psychologique. Pour autant, il y a beaucoup d’avantages. C’est d’abord plus simple d’accès pour la livraison des produits aux grossistes ; ce qu’on appelle le premier kilomètre. Avant, il fallait entrer en cœur de ville sur l’île de Nantes, c’était plus compliqué et plus long. Pour les acheteurs, c’est aussi un accès plus rapide et plus simple grâce au périphérique. Cela nous a également permis d’élargir notre zone de chalandise. Avec un bâtiment tout neuf, cela change la donne pour les grossistes. C’est un outil optimisé et efficace pour bien travailler, conçu avec et pour les opérateurs et clients. Les grossistes avaient également anticipé la livraison du dernier kilomètre vers le centre-ville, et grâce au nouveau site, ils ont pu continuer à développer leurs capacités logistiques de livraison. Ils ont le savoir-faire, et cela a toujours été leur métier, de trouver les meilleures solutions pour leurs clients. Les flux du Min ont augmenté de 15 % depuis le déménagement. Nous arrivons dans une nouvelle phase, avec une nouvelle génération de restaurateurs et commerçants sédentaires, épiceries… qui viennent moins régulièrement à 5h du matin tous les jours pour acheter leurs produits. Ils vont plutôt demander à se faire livrer. Cela dépend des typologies des commerçants et restaurateurs. Par exemple, les restaurants étoilés continuent de venir sur le Min pour voir et choisir leurs produits. Et les commerçants de marché se déplacent toujours tôt le matin pour acheter sur le carreau1 des producteurs et auprès des grossistes.

Toutes activités confondues, le mois de décembre représente 30 % du chiffre d’affaires de l’année. C’est une période cruciale : on ne peut pas louper Noël.
Amory Hanotaux

Quelle est l’ambiance pour les fêtes ?

Le Min fonctionne avec des pics d’activité tout au long de l’année, en fonction des secteurs. La Saint-Valentin est une période très importante pour les horticulteurs et les restaurateurs. Il y a ensuite la fête des mères, puis le démarrage en avril/mai de la période forte des fruits et légumes. Cela représente un gros pic de mai à août, principalement pour les commerçants de marché et les restaurateurs de la côte, puis ça se termine vers fin octobre, le creux se situant autour de la Toussaint. Ensuite l’activité redémarre rapidement avec la perspective de Noël et l’arrivée des sapins mi-novembre, puis des produits alimentaires festifs. Il y a une montée en puissance au fur et à mesure des semaines. L’activité s’accentue très fortement la dernière semaine avec un pic, deux à trois jours avant Noël pour les produits ultra-frais. C’est une période importante, une fébrilité naturelle se met en place, chacun adapte ses effectifs à l’activité croissante. En décembre, il y a plus de monde pour préparer les commandes : on passe de 1 000 à près de 1 200 personnes sur site. À 22 heures, les transporteurs arrivent, puis les salariés, entre 1h et 3h du matin. L’activité poisson commence vers 2h30, puis l’activité fruits et légumes à partir de 4h30, avec une photo vers 6h. À cette heure-ci, c’est également l’activité de tous ceux que l’on appelle les “magasins cash”, qui travaillent avec les restaurateurs. Les commandes préparées partent à ce moment-là, pour être livrées. Les fleuristes entrent en activité à 7h. La partie fruits et légumes s’arrête à 10h, puis la fête fleurs à 15h30 et enfin le cash à 16h30. À partir de 17h, l’activité est au plus bas. Mais le Min ne dort jamais car il y a toujours des prises et préparations de commandes… C’est incessant, du lundi au vendredi. Le samedi matin, le marché est plus faible. Certains commerçants, qui ont des chambres froides, reviennent des marchés le dimanche.

MIN de Nantes Métropole

Le MIN accueille en son sein prs de 140 entreprises dont 40 producteurs locaux. Photo MIN Nantes Mtropole. © MIN de Nantes Métropole

Quand considérez-vous que la “fête est finie” ?

Le Min tourne très vite pendant la période des fêtes, avec un volume de marchandises plus important, plus de livraisons et de clients. On sentira le premier creux, d’un à deux jours, entre Noël et le 1er de l’an. La période la plus atone de l’année se situe entre le 5 et le 10 janvier. Puis tout le monde se retrouve ensemble pour les vœux et un temps convivial important. Toutes activités confondues, le mois de décembre représente 30 % du chiffre d’affaires de l’année. C’est une période cruciale : on ne peut pas louper Noël.

Comment pourrait-il être possible de louper Noël ?

Avec un confinement ! Cela a eu un gros impact sur la restauration hors domicile ! En revanche, le secteur des fruits et légumes a eu un pic d’activité car les personnes se sont mises à davantage cuisiner chez elles.
Nous craignons également d’avoir une panne technique sur la production du froid. Sans froid, tout peut s’arrêter. C’est la ligne rouge à ne pas franchir. Heureusement, nous avons un dispositif performant et neuf, ainsi que plusieurs solutions de secours.

Y a-t-il des tendances pour les produits ?

Pour Noël, le secteur des fruits exotiques monte en puissance, comme les poissons et crustacés, saumons, homards, écrevisses, huîtres… Sur l’ancien Min, nous avions le dôme de la marée qui n’existe plus sur le nouveau site. L’activité marée est toujours présente, mais aussi représentée sur le pôle agroalimentaire. Volailles, foie gras sont également des produits phares, avec la maison Masse pour la viande, les volailles, Berjac pour la viande, les poissons, crustacés et préparations. Nous avons des produits italiens avec Via del Sol, ou 2AS Carol pour les olives et graines, le saumon fumé avec Atlantique Saumon Fumé, les fromages avec Province Bio, les grossistes fruits et légumes, conventionnels et bios. Acaoyer vient d’arriver, il est spécialisé dans le chocolat de qualité et offrant une grande traçabilité. Noël sera son premier gros pic d’activité. C’est un produit qui fonctionne toujours très bien.

Quelle est l’évolution de la demande du consommateur ?

Il y a une baisse de la consommation de la viande et les personnes font de plus en plus attention à la provenance des produits, privilégiant aussi le local. Le bio connaît quelques difficultés même si nos grossistes spécialisés, qui représentent 30 % de l’offre en fruits et légumes du Min, se débrouillent bien. Pour autant, le point prioritaire reste le coût. On a beau sortir les meilleurs produits, s’ils sont trop chers, ils se vendront plus difficilement. Pour Noël on a quand même tendance à se faire plaisir et à acheter des produits que l’on ne prend pas tous les jours. On voit aussi arriver de nouveaux produits comme le kiwi fraise qui a un grand succès, tout comme le citron caviar. L’orange et la clémentine restent encore des grands classiques.

Le fait que le produit vienne du Min de Nantes est un gage de qualité. Nous devons communiquer dans ce sens.
Amaury Hanotaux

L’ancrage local, le travail avec les petits producteurs sont-elles des préoccupations ?

Les Min ont été initialement créés pour gérer l’approvisionnement de toute la production, dont la production locale, vers les commerçants. Nous faisons très attention aux nouveaux producteurs, pour les accompagner au maximum, soit pour venir vendre sur le carreau des producteurs, soit pour approvisionner les grossistes. À Nantes, nous avons une quarantaine de producteurs vendeurs sur le carreau et 150 producteurs approvisionneurs. Nous devons les accompagner car nous constatons que les gros deviennent de plus en plus gros, au détriment des plus petits. Nous sommes un des maillons pour les accompagner. Je les invite à découvrir le Min, ce qui me permet d’en rencontrer. Beaucoup croient que le Min n’est pas pour eux. Il a fallu briser cette barrière. Aujourd’hui, la Chambre d’agriculture travaille avec nous pour le parcours d’intégration des nouveaux.

Et auprès des restaurateurs ?

Nous sommes l’un des maillons. Nous complétons l’offre globale qu’ils peuvent avoir sur Nantes, avec comme atout, le fait de proposer des produits ultra-frais et des spécialités qu’ils ne trouvent pas ailleurs. Nous avons une relation grossiste-restaurateur personnalisée. Notre travail est de faire connaître le Min auprès des nouveaux restaurateurs ou de le faire redécouvrir à d’autres qui n’y vont plus. Par exemple, dans le cadre d’un partenariat, nous les avons reçus, avec les vignerons, dans le cadre de la soirée de clôture de l’événement “l’é.Paulée nantaise” 2. Nous sommes également partenaires des Tables de Nantes. Les restaurateurs sont d’abord les clients directs des grossistes. La Semminn est le gestionnaire du Min et donc mes clients sont principalement les grossistes. Le fait que le produit vienne du Min de Nantes est un gage de qualité. Nous devons communiquer dans ce sens. Nous rayonnons de Brest et Caen jusqu’à La Rochelle, en passant par Le Mans, Angers, Tours. Par ailleurs, nous nous intégrons dans le projet alimentaire territorial des différentes collectivités territoriales, dont, bien sûr, celui de Nantes Métropole qui vise une alimentation durable et accessible à tous…

MIN de Nantes Métropole

4 500 acheteurs se déplacent régulièrement chaque année au Min. © MIN de Nantes Métropole

Comment traitez-vous les déchets et les invendus ?

Leur gestion et leur valorisation sont primordiales. Le Min a trié et valorisé 2 232 tonnes de déchets et redistribué 457 tonnes d’invendus au Secours Populaire. 90 % des déchets sont triés et 100 % de ces derniers sont valorisés. Les 140 grossistes, commerçants ambulants, producteurs et vendeurs du Min ont accès à 26 locaux de pré-tri, répartis sur les 20 ha du site. Les déchets sont acheminés ensuite sur le site GRDF de Machecoul pour entrer dans un processus de méthanisation. Nous avons mis en avant la réutilisation de nos déchets, notamment les cagettes en bois qui sont triées et réutilisées par les producteurs. C’est comme cela que j’ai découvert qu’il y avait une vingtaine de types différents de cagettes. Depuis juillet, nous avons passé le cap de 10 000 cagettes réutilisées. Avant, elles étaient incinérées. Nous prévoyons une filière pour les cagettes plastiques, pour les réutiliser au maximum. La gestion environnementale est pour moi une préoccupation depuis très longtemps. Il faut la faire de manière logique. Tout déchet réutilisé est un gain, on ne paie pas sa destruction et au contraire on le revend. C’est aussi un vrai gain économique, comme l’attention à la consommation énergétique.

Quels sont vos projets pour le Min ?

Nous avons de plus en plus de demandes d’activité de transformation des produits, totalement ou partiellement. Le marché du produit brut, des fruits et des légumes, est mûr. En revanche, le produit de transformation permet de développer des marges supérieures pour les nouveaux entrants. Nous avons de plus en plus d’entreprises de transformation de produits que l’on trouve directement sur le Min. C’est une grosse évolution de marché. Par exemple, nous avons du saumon fumé, des ravioles, du chocolat, du rhum… le tout transformé sur place. C’est un aspect que nous mettons de plus en plus en avant. Il y a une appétence croissante dans ce domaine.

Nous développons également des activités de services pour accompagner les grossistes (maintenance du local, formation mutualisée, job dating…) et leur permettre de se concentrer sur leur métier. Nous accueillons de plus en plus toutes les activités autour des métiers du Min. Nous hébergeons ainsi les syndicats professionnels type Umih, les interpros… L’objectif est d’offrir tous les produits et les services aux clients de nos clients, sur un même lieu. Un assureur, la Mapa, spécialisée auprès des restaurateurs, est également en train de s’installer sur le Min. Les clients peuvent ainsi trouver tous ces services concentrés au même endroit et ainsi gagner du temps.

Le Min devient aussi un lieu d’échanges et de rencontres autour de nos métiers. Nous créons et accueillons de nombreuses animations et rencontres sur le site. Nous sommes aussi en train de mettre sur pied un espace convivial pour organiser des tables-rondes autour d’un espace comptoir. Enfin, nous réfléchissons avec les écoles hôtelières et les syndicats professionnels afin de créer une cuisine partagée (accessible aux professionnels et élèves, NDLR).

Avez-vous encore de la place pour vous développer ?

Nous avons un taux d’occupation élevé, près de 98 %. Nous avons déjà créé 2 000 m2 complémentaires depuis l’ouverture. Et l’objectif est de construire un nouveau bâtiment de 4 500 m2 d’ici 2027-2028. Nous affinons les études pour être au plus proche de l’activité qui va être demandée. Pour cela, nous avons rencontré de nombreuses entreprises. Ce nouveau bâtiment va nous permettre d’accueillir encore plus d’entreprises et de professionnels. Le marché évolue en permanence. Il faut aussi développer les solutions de digitalisation pour les grossistes et les producteurs locaux.. Aider les jeunes pousses fait aussi partie de notre travail. Nous avons toujours servi d’accompagnateur pour les jeunes entreprises, en leur proposant un environnement propice pour les aider à se développer. Cela a été le cas avec par exemple Miti, Méchinaud ou encore dernièrement Gueule de joie, qui propose des vins et spiritueux sans alcool. Nous avons un taux de rotation de 4,5 %, ce qui nous contraint à être agiles.

1. Espace de vente sur un marché de gros.

2. Événement durant lequel chaque restaurateur invite un viticulteur proposant un accord mets et vins du vigneron invité.

Le Min en chiffres c’est :

140 entreprises dont 40 producteurs locaux

1 200 emplois (800 en 2019)

4 500 acheteurs qui se déplacent sur le site (3 500 en 2019)

428 M€ de CA annuel

50 000 m2 de surfaces de vente

200 000 tonnes de produits commercialisés par an

2 232 tonnes de déchets triés

100 % des déchets valorisés et 90 % triés

31 000 m2 de panneaux photovoltaïques, dont 2 800 m2 dédiés à l’autoconsommation.