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Agri-Éthique, une décennie au service du commerce équitable tricolore

Né en 2013 en Vendée, Agri-Éthique est aujourd’hui le premier label de commerce équitable français. Malgré un contexte économique incertain, son déploiement se poursuit au sein des filières agricoles du pays, en lien avec les industriels, les artisans et les consommateurs pour promouvoir une démarche vertueuse. Devenue récemment société à mission, l'entreprise porteuse du label se fixe désormais de nouveaux objectifs pour les dix années à venir afin de consolider son modèle et accélérer sa transition agro-écologique.

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La démarche Agri-Éthique a débuté par la mise en place d'une filière blé tendre. ©Agri-Ethique

Dix ans après sa création, Agri-Éthique continue de creuser son sillon pour valoriser l’agriculture bleu-blanc-rouge. Comptant aujourd’hui 53 filières certifiées et près de 1 700 exploitations agricoles partenaires, il représente 457 M€ de CA de produits vendus, soit 61 % du CA global du commerce équitable en France (746 M€). Le label est géré par une SA (1,1 M€ CA 2023) filiale de la coopérative agricole vendéenne Cavac (1), qui emploie aujourd’hui huit salariés. Son modèle économique est basé sur les cotisations prélevées sur les contrats conclus.
« Dès le départ, la mise en œuvre de ce projet était pour nous une question de bon sens, se souvient Franck Bluteau, président et membre fondateur d’Agri-Éthique, également vice-président de la Cavac et agriculteur à Jard-sur-Mer. Lors de nos premières réflexions, nous sortions de l’année 2011 où le tonnage était élevé sur le marché du blé et entrions dans l’année 2012 où nous avons subi un rebond important. Nous avons alors cherché un moyen de garantir un prix rémunérateur aux producteurs français. À l’époque, le commerce équitable était réservé aux filières dites Nord-Sud, pour le cacao, le café, ou encore les bananes. Nous nous sommes rendu compte que nous étions en train de mettre en place une démarche de commerce équitable Nord/Nord. »

Un partage de valeur, du producteur au porteur de marque

Cette démarche a débuté avec le lancement d’une filière blé/farine/pain. La coopérative vendéenne a ainsi invité autour de la table deux minoteries (Planchot, dans le bocage vendéen et Girardeau, basée à Boussay, en Loire-Atlantique) ainsi qu’un industriel, l’entreprise La Boulangère. « L’idée était de trouver un modèle économique qui puisse déconnecter la filière blé du marché des matières premières, commente Ludovic Brindejonc, directeur général d’Agri-Éthique. On est le seul label en France à faire signer des contrats du producteur jusqu’au porteur de marque. C’est extrêmement important que l’ensemble des acteurs soient responsabilisés via cet engagement. »
Selon Bertrand Girardeau, PDG de la minoterie éponyme, « le pacte blé Agri-Éthique France est une bonne réponse à la fluctuation du marché et offre un juste équilibre de la valeur ajoutée entre le meunier, l’agriculteur et le boulanger. » Pascal Pubert, directeur général de La Boulangère y voit lui aussi un contrat gagnant-gagnant. « Au-delà d’être un mécène de l’agriculture locale, cet accord représente pour nous un véritable moyen de sécuriser nos approvisionnements et de garantir la qualité de nos produits. Cet exemple de réussite nous a donné envie d’aller plus loin en appliquant le modèle à d’autres filières, à commencer par celle des œufs de plein air. » En 2016, année de la mise en place d’un contrôle annuel par l’organisme tiers indépendant Certipaq, Agri-Éthique lance deux autres filières, blé noir et œufs/ovoproduits. « Quand nous avons pu prouver aux filières qu’il était possible et bénéfique de faire du commerce équitable français sur d’autres produits, cela a été exponentiel, nous avons senti un véritable engouement », se félicite le président d’Agri-Éthique dont le travail a depuis permis la labellisation de filières supplémentaires : viande, fruits, légumineuses, lait…

Un modèle agile

Ces premiers succès auraient pu être mis à mal par la crise sanitaire, puis le conflit ukrainien. « Les prix se sont envolés, jusqu’à 400 € la tonne de blé. Il a donc fallu faire preuve de pédagogie auprès des différentes parties prenantes », reconnaît Franck Bluteau. « Pendant les huit premières années, le label était adapté à un contexte de volatilité que l’on pourrait qualifier de raisonnable, souligne Ludovic Brindejonc. Mais aujourd’hui, nous subissons une ultra-volatilité qui ne va pas s’améliorer, entre la guerre en Ukraine, le contexte environnemental et la spéculation. Toutefois, nous comptons bien assurer la pérennité de notre modèle en faisant preuve d’agilité pour nous adapter au marché. » Avant 2020, l’engagement portait sur un prix fixe et garanti sur trois ans.
Désormais, place à un mécanisme de construction de prix annualisé, indexé sur les coûts de production. « Si l’on ne s’engage pas les uns avec les autres, cela ne peut pas fonctionner. Le but premier de notre implication était de ne pas subir les cours des matières premières. Aujourd’hui, il s’agit d’évoluer sur d’autres questions, à commencer par la réduction de notre impact environnemental », souligne Pascal Pubert, directeur général de La Boulangère. Partenaire de la première heure, l’entreprise agroalimentaire vendéenne poursuit son engagement et annonce l’intégration à partir d’avril 2024, de beurre bio et équitable dans les recettes de ses viennoiseries. Le contrat conclu avec une quarantaine d’éleveurs et la laiterie Eurial de Bellevigny portera sur un volume de 80 tonnes par an.

Les nouveaux champs d’action

Aujourd’hui, Agri-Éthique souhaite aussi aller plus loin pour consolider son modèle et mettre le cap sur sa transition à impact positif. « Nous avons mis sur la table trois axes de développement, détaille Ludovic Brindejonc. Tout d’abord sur le plan environnemental, nous avons conclu un partenariat avec l’association Pour une agriculture du vivant (PADV), pour la mise en place d’un indice de régénération des sols. Cet outil va permettre à nos producteurs d’évaluer leur état d’avancement en matière de biodiversité. Deuxièmement, pour renforcer notre système de garantie, nous avons lancé une démarche d’accréditation avec le Cofrac (Comité français d’accréditation), que nous espérons obtenir fin 2024. Enfin, nous venons d’obtenir la qualité de société à mission. À la clé, l’installation d’un comité constitué d’acteurs économiques, d’ONG ou encore d’associations de consommateurs qui vont venir nous challenger sur notre modèle et nos objectifs. » L’équipe d’Agri-Éthique, qui n’exclut pas d’exporter son modèle hors de l’Hexagone, au cœur des territoires d’outre-mer, et même au Québec, compte dans le même temps accentuer sa communication pour renforcer sa notoriété auprès des consommateurs, et obtenir une meilleure visibilité dans les circuits de distribution, avec le soutien du CEF (Commerce équitable France), collectif que le label a intégré depuis 2018.
1. La Cavac (Coopérative agricole Vendée approvisionnement céréales) réunit aujourd’hui 4 000 exploitations agricoles, soit 10 000 agriculteurs en Vendée, Loire-Atlantique, Deux-Sèvres et Charente-Maritime.

Quelques dates clés

2013 : Création du label Agri-Éthique en 2013, lancement de la filière blé/farine/pain
2016 : Mise en place d’un contrôle annuel par l’organisme Certipaq, lancement des filières blé noir et œufs/ovoproduits
2017 : Lancement de la filière lait/fromage
2018 : Intégration officielle au sein du collectif Commerce équitable France (CEF)
2021 : Plus de 1 000 boulangeries labellisées dans 81 départements
2023 : Lancement d’une filière de yaourt équitable avec “J’achète fermier !”
Agri-Éthique devient société à mission

En chiffres

  • 1 692 exploitations agricoles
  • 53 filières certifiées
  • 45 industriels
  • Plus de 1 000 boulangeries réparties dans 81 départements
  • 597 références produits porteuses de l’étiquette Agri-Éthique France – commerce équitable
  • 457 M€ de CA (produits vendus)
  • 61 % du CA des ventes du commerce équitable français