En invitant à plus de simplicité et de sobriété dans la conception des produits, la low tech questionne plus largement nos modes de consommation. Si elle ne s’oppose pas à la technologie de pointe, elle prône en revanche une utilisation à meilleur escient de celle-ci. « La low tech est d’abord une réflexion sur nos usages, nos besoins et sur la bonne technologie à mettre en œuvre pour y répondre », rappelle Maxime Bernard, fondateur de Collaborative Lab (conseil en innovation collaborative) et animateur de l’atelier.
L’entrepreneur invitait à se questionner sur nos objets du quotidien de plus en plus connectés. A-t-on réellement besoin d’autant de fonctionnalités ?
Au-delà de la conception, une transformation culturelle
« Le premier critère de la low tech est l’utilité, explique Maxime Bernard. Elle pose la question du besoin essentiel. Ai-je besoin d’un smartphone le plus performant possible pour prendre des photos à 24 mégapixels que personne ne va pouvoir utiliser ? Ou ai-je plutôt besoin d’un smartphone pour communiquer dans toutes les conditions ? » À l’inverse, il y a des choses sur lesquelles la technologie aide beaucoup et où il n’est pas question de revenir en arrière nuance-t-il. « L’exemple de la santé est assez peu discutable : la technologie est un vecteur de progrès et d’efficacité. Je ne suis pas certain que l’on soit collectivement prêts à revenir aux examens médicaux d’il y a quelques centaines d’années. »
Vient ensuite la question de la durabilité des produits et services conçus avec la low tech : « On va chercher à faire des choses allant le plus loin possible dans le temps et qu’on va pouvoir réparer soi-même. » Enfin, troisième et dernier point de définition : l’accessibilité ou la simplicité de conception. « Dans une démarche low tech, pas besoin d’avoir un doctorat pour démonter un produit et le réparer, plaisante l’entrepreneur. Cela peut aller jusqu’à l’accessibilité des plans en open source. Pour ma part, j’y vois une analogie avec le monde des logiciels libres qui expliquent comment ils sont construits et comment on peut contribuer collectivement à leur amélioration. On s’éloigne clairement de la société de consommation telle qu’on la connaît pour aller vers plus d’autonomie en nous rendant acteur du produit ou service, avec toujours cette idée d’utiliser et de réparer afin de faire durer le plus longtemps possible. » Il ajoute : « Sortir de cette relation client-fournisseur ne va pas sans heurts. Nous ne sommes pas tous prêts à rentrer dans ces modèles. Je peux très bien comprendre que certains n’aient pas envie ou pas le temps de faire eux-mêmes. Plus qu’une rupture franche, le positionnement de la low tech se situe davantage dans une démarche de transition, voire de petits pas. »
L’innovation au service de l’autonomie
Maxime Bernard a ensuite poursuivi son analyse en évoquant l’exemple de l’entreprise finlandaise Lytefire, conceptrice d’un four solaire. « Ce four est commercialisé selon trois niveaux différents : vous pouvez acheter soit le produit fini, soit les plans pour le réaliser vous-même. Une solution intermédiaire consiste à acheter les plans et à trouver un partenaire dans leur réseau pour la fabrication. » En quelques années, la marque est devenue le fournisseur officiel des torréfacteurs et boulangers adeptes du low tech. En France, ils sont à peine une quinzaine à utiliser cet outil dont Michel Mouillé, animateur en éducation à l’environnement chez L’Idée d’en Faire, à Montaigu, et torréfacteur solaire.
« J’ai créé LUG, ma marque de substituts au café que je torréfie avec un concentrateur solaire Lytefire », déclare-t-il. Concrètement, 5 m2 de miroirs reflètent les infrarouges émis par le soleil qu’il concentre sous un four. « Cela passe à travers une vitre, créant ainsi un effet de serre, précise l’entrepreneur. Je peux monter à 250 degrés en 45 minutes quand il y a du soleil ! C’est un outil performant et efficace, compte tenu du contexte économique lié à l’augmentation des coûts de l’énergie ! »
Ce bricoleur touche à tout a installé un cylindre de torréfacteur dans le four dans lequel il torréfie environ 50 kg par mois de substitut au café (des mélanges à base d’épeautre, mogettes et lentilles) ainsi que des graines apéritives bios et locales (pois chiche, graines de courge et de tournesol). « Je vends ma production en direct et dans les petites fermes bio, sur le secteur de Montaigu », explique-t-il. Ayant signé un contrat de formateur avec Lytefire Finlande, Michel Mouillé anime également des ateliers de sensibilisation dans les collèges, lycées, les écoles d’ingénieurs et depuis peu, les entreprises. « Enfin, je suis titulaire d’une licence innovation. Depuis que le four solaire est fabriqué en France (Loire-Atlantique), je travaille avec la marque et le chaudronnier local dans une démarche d’innovation collective pour améliorer et lancer de nouveaux outils. »
Revoir le modèle économique
« Encore une fois, on est sur un modèle très différent du torréfacteur à gaz qui brûle de l’énergie pour faire griller les graines, complète Maxime Bernard. La consommation de ressources naturelles n’est absolument pas la même en termes de fabrication et d’usage. Quand il n’y a pas de soleil, c’est assez compliqué d’utiliser un torréfacteur solaire mais on peut trouver des opportunités ailleurs. C’est davantage une réflexion globale où l’on vient questionner le modèle économique encore plus que la solution technique. Dans ce sens, on revient sur cette transformation culturelle, conclut-il. Il s’agit d’anticiper les productions, d’être moins dans le court terme et le flux tendu. Je trouve cela très intéressant de voir comment un produit peut revoir complètement un modèle économique pour qu’il devienne plus durable. »