Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

La gestion du collectif, la master class venue de l’ovalie

Manager des groupes conséquents peut vite devenir un casse-tête dans la gestion de projet, sans compter les difficultés liées aux besoins inerrants de chaque génération. Comment s’organisent les collectifs dans des disciplines sportives impliquant un grand nombre de joueurs ?

Benoit Pineau

Benoit Pineau. © Benjamin Lachenal

Instinctivement, nous avons tendance à penser qu’en ajoutant des ressources à un collectif, la performance va se décupler, partant du célèbre adage : tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.

Sauf qu’en réalité on va moins vite. Cette notion paraît à contrecourant de la philosophie actuelle adepte de l’intelligence collective, de l’inclusion, de la bienveillance. Le paradoxe de la loi de Brooks nous enseigne que plus on ajoute de collaborateurs, plus l’efficacité baisse. En ajoutant des ressources, on multiplie davantage les problèmes que les solutions.

« Neuf femmes ne font pas un enfant en un mois. » Fred Brooks

Ceci est dû principalement à deux facteurs : l’impossibilité de répartir certaines tâches et la complexification liée au nombre d’interactions créées. Une équipe de sept personnes (handball) implique 24 canaux de communication, 55 dans une équipe de 11 personnes (football), et 105 pour une équipe de 15 personnes (rugby). Pour autant, c’est le sport dans lequel la communication semble la plus cohérente.

Observons ce modèle du genre à travers ce que nous ont offert les différentes délégations du ballon ovale dans la gestion d’un collectif conséquent :

  • Les lignes avant et arrière sont séparées (huit et sept joueurs) pour conserver les seules interactions pertinentes dans le jeu.
  • Le rugby prône la réussite du projet au-dessus de toute considération individuelle. Seuls les médias s’inquiètent de l’absence du meilleur joueur du monde. C’est davantage handicapant de perdre un élément dans une équipe restreinte : un joueur blessé lors d’un double de tennis verra inexorablement l’équipe abandonner.
  • Dans un collectif conscient de l’enjeu, chacun des membres connaît sa place, sa fonction, son apport. Les postes sont hyper spécialisés et les compétences sont utilisées de manière optimale. Dans chaque phase de jeu, les joueurs savent que leurs partenaires seront présents pour les soutenir, en touche, en mêlée, dans les rucks… apportant ainsi la confiance inébranlable dans le soutien de ses partenaires.
  • Les joueurs sont autonomes dans l’action. Ils choisissent eux-mêmes les options de jeu. Un seul élément prend les décisions car la responsabilité incombe à son rôle. L’entraîneur, depuis son poste d’observation global, analyse et ne vocifère aucune consigne pendant le match. Seuls les temps d’interruption permettent aux assistants de distiller quelques ajustements.
  • À chaque temps de jeu interrompu, le collectif se regroupe pour réaffirmer le plan de jeu et réinstaurer la confiance.

 Quel est le nombre le plus approprié pour un collectif ?

Il dépend essentiellement de la maturité du groupe et de l’avancement de la phase du projet. Plus le nombre de personnes augmente dans une organisation, plus les erreurs seront nombreuses. La tentation est grande d’adopter un réflexe courant : intensifier les contrôles et les process, ce qui revient à ajouter du poids dans une embarcation.

Dans les concepts d’intelligence collective, on ne cherche pas à intégrer tout le monde. On crée un groupe efficace selon les besoins nécessaires à l’accomplissement d’un projet et on met en face uniquement les ressources et les compétences indispensables. Les éléments supplémentaires ne feront que peser sur l’organisation du groupe. À l’image d’une chaîne, la solidité ne dépend que de la résistance du maillon le plus faible, pas de sa longueur.

L’incompétence et l’inadaptation se paient cher, surtout dans un contexte du marché de l’emploi tendu et des difficultés de recrutement et de fidélisation. Il serait nuisible de négliger que les salariés cherchent surtout à se réaliser professionnellement dans un collectif stimulant qui atteint des résultats. Dans une équipe qui perd, les meilleurs éléments passent énormément de temps à rattraper les erreurs des autres, s’épuisent, se lassent et partent vérifier si un autre terrain de jeu offre des perspectives plus en phase avec leurs ambitions et compétences.

Un groupe de quatre à six personnes est donc idéal pour accomplir la plupart des missions, parfois plus selon la complexité et le contexte organisationnel, structurel, l’autonomie, le niveau de difficulté, le temps consacré… l’enjeu. Les militaires ont résolu l’équation, le lien est descendant, vous pouvez commander une unité conséquente avec un mode de gestion directif.

Pour des projets à plus longue échéance, surtout dans les phases de conception et d’apport d’idées, de création de dynamique, une contribution large et diversifiée sera bénéfique.

Dans les organisations classiques, un manager ne devrait pas gérer plus de sept personnes surtout s’il doit accomplir des productions.

La limite pour un collectif fluide se situe autour de 10. Vous l’aurez deviné, le sport le plus difficile à coacher se joue à 11 ! Challenge compliqué pour faire tourner le ballon, sans parler des questions d’ego. Qui donne la direction ? Le seul qui s’égosille vainement au bord du terrain : l’entraîneur !

Avez-vous déjà vécu des réunions avec trop de participants ? Plus il y a de personnes présentes, plus on dilue l’impact et l’implication de chacun et tout le monde finit par se désengager en espérant que les autres prennent la parole. Dans un groupe de travail, le rôle de chacun doit être clairement défini pour l’avancée du projet et la motivation de ses participants.

 

Les initiatives utiles 

  • Fluidifier les process et les outils de communication.
  • Définir des rôles transversaux en éclatant les hiérarchies dans la gestion de projet (mode agile).
  • Accompagner l’autonomie des collaborateurs, définir clairement les rôles, les attentes.
  • Partager un projet commun porteur de sens, impliquer dans un projet motivant plus important que le groupe.
  • Prendre de la hauteur.
  • Encourager la prise d’initiative, l’audace.

Accompagnements individuels & collectifs, ateliers d’intelligence collective, formations.

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