La rupture conventionnelle constitue un moyen de rupture du contrat de travail en adéquation avec les évolutions du rapport au travail, alliant souplesse et flexibilité tant dans sa formalisation que dans ses modalités. Le succès de la rupture conventionnelle n’est, d’ailleurs, pas démenti : en 2022, a été franchi le cap symbolique des 500 000 ruptures conventionnelles conclues sur l’année, en augmentation constante depuis sa création en 2008.
Les atouts indéniables de la rupture conventionnelle individuelle
La rupture conventionnelle demeure en premier lieu un dispositif permettant de faire l’économie d’un préavis et qui ouvre droit pour le salarié au règlement d’une indemnité spécifique au moins égale à l’indemnité de licenciement ainsi qu’à l’indemnisation chômage.
Au-delà du coût, c’est bien la simplicité et la sécurisation de ce mode de rupture qui guident le choix de recourir à un tel dispositif. Sauf à invoquer un vice du consentement, la rupture conventionnelle, qui n’a pas à être motivée, ne peut être remise en cause devant le Conseil de prud’hommes.
Enfin et surtout, la rupture conventionnelle constitue un mode de rupture apaisée des relations de travail.
Et pourtant…
Un dispositif victime de son succès ?
L’actualité récente questionne sur la pérennité du dispositif, qui pèse sur le système d’indemnisation chômage. La rupture conventionnelle individuelle est un vrai sujet d’attention du gouvernement.
Le premier coup de canif a été porté par la hausse des prélèvements sociaux sur l’indemnité spécifique de rupture. Depuis le 1er septembre 2023, la contribution patronale a été en effet portée à 30 % contre 20 % auparavant.
La Première Ministre ne semble pas vouloir s’en tenir là, et a annoncé initier une « réflexion » autour de la rupture conventionnelle et des mesures qui permettraient d’en réduire l’utilisation et/ou l’accès à l’indemnisation chômage… Au risque de compromettre sérieusement l’attrait d’un dispositif qui fonctionne !
La rupture conventionnelle collective, outil sur-mesure d’une réduction des effectifs
Instaurée par les ordonnances Macron en 2017, la rupture conventionnelle collective est, un dispositif récent, resté à l’origine peu utilisé. Elle a connu une certaine progression à l’occasion de la crise sanitaire de 2020 et tend depuis à se développer dans un contexte de crise économique et géopolitique impactant la stratégie et l’organisation des entreprises.
Le dispositif permet, au moyen d’un accord collectif d’entreprise, de proposer à des salariés occupant certaines catégories de postes définies par l’accord de présenter leur candidature pour quitter l’entreprise.
En cas d’acceptation de l’employeur, la rupture du contrat de travail est entérinée d’un commun accord et ouvre droit aux salariés à l’indemnisation chômage et aux indemnités de rupture prévues par l’accord collectif, qui doit préalablement être soumis à la validation de l’autorité administrative.
Contrairement aux plans de départs volontaires dont elle s’inspire, la rupture conventionnelle collective n’implique pas de justifier de difficultés économiques, au sens du Code du travail. D’ailleurs, tout licenciement pour motif économique est proscrit pendant toute la durée de vie de l’accord.
À l’occasion de l’élaboration d’un accord de rupture conventionnelle collective, l’employeur doit prêter un soin tout particulier aux conditions financières et aux mesures d’accompagnement destinées à favoriser le reclassement dans l’emploi des salariés : de telles mesures conditionneront à la fois le succès du dispositif et son attractivité, ainsi que la validation de l’accord par l’administration.
Un dispositif dans le viseur de l’administration
Lors de l’examen de l’accord, la Dreets, Direction régionale de l’économie, de l’emploi et du travail et des solidarités, exerce un réel droit de regard sur le contenu des mesures proposées aux futurs candidats au départ. Loin d’un blanc-seing, l’administration fait valoir ses observations, qui vont parfois au-delà des exigences posées par le Code du travail.
L’administration impose ainsi à l’employeur de tout mettre en œuvre pour éviter que les salariés qui quittent l’entreprise dans le cadre d’un dispositif de rupture conventionnelle collective se retrouvent in fine demandeurs d’emplois, soucieuse notamment que les candidatures ne puissent être acceptées par l’employeur que si le salarié démontre avoir un projet professionnel solide (promesse d’embauche, formation-reconversion financée en totalité ou pour partie par l’entreprise, projet sérieux de reprise ou création d’entreprise soutenu par des aides concrètes de l’employeur telles que la prise en charge des frais de conseils, d’expertise-comptable…).
Et, plus le nombre de départs envisagés dans l’accord sera important, plus l’administration sera regardante sur les mesures d’accompagnement proposées et les critères de choix appliqués aux salariés candidats au départ.
Enfin, il n’est pas rare que l’administration sollicite de l’employeur un engagement à ne pas notifier de licenciement économique sur une période plus longue que la durée de l’accord de rupture conventionnelle collective.
Une réelle réflexion sur la consistance de l’accord de rupture conventionnelle collective s’avère donc indispensable, au risque de se voir opposer un refus de l’administration. Le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ?
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