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Concurrence déloyale, parasitisme : protégez votre entreprise ! (Partie 2)

L’entreprise est souvent démunie face aux agissements déloyaux d’un concurrent. Après avoir passé en revue leurs différentes formes, Magali Tocco-Perin expose ici la démarche à suivre pour appréhender les preuves desdits agissements en vue de les faire cesser et sanctionner.

Magali Tocco-Perin, Avocate associée du Cabinet Squair. ©Cabinet Squair

Magali Tocco-Perin, avocate associée du Cabinet Squair. ©Benjamin Lachenal

Comment prouver les agissements d’un concurrent indélicat ?

Les premières recherches effectuées en interne et auprès des fournisseurs et clients ne suffisent souvent pas à établir la preuve des agissements du concurrent.

L’article 145 du Code de procédure civile offre la possibilité de demander au Président du Tribunal de commerce de désigner un Commissaire de justice, anciennement un Huissier de justice, avec pour mission de se rendre dans les locaux du concurrent indélicat et de rechercher la preuve de ces agissements sur tous supports, papier et informatique. Il s’agit d’une mesure très invasive, que l’on appelle « perquisition civile ».

Quelles sont les démarches à entreprendre pour être autorisé à pratiquer une telle mesure ?

La demande peut être formée par voie de requête, en l’absence de tout contradictoire, ce qui signifie que l’acteur économique indélicat n’est pas averti de la demande.

Afin d’être autorisée à pratiquer la mesure, l’entreprise victime doit établir qu’elle dispose d’un « motif légitime », que la jurisprudence définit comme des « raisons plausibles » de croire qu’une société indélicate commet des agissements déloyaux à son encontre. Elle doit aussi faire valoir qu’il est indispensable que ladite société ne soit pas, à ce stade, avertie de la mesure projetée et qu’un effet de surprise est nécessaire pour éviter tout dépérissement des preuves.

Enfin, la mesure demandée doit être circonscrite dans le temps et dans son objet. Il faut donc cibler une période et définir avec précision les éléments recherchés. La pratique a vu se développer l’usage de mots clés que le Commissaire de justice utilise pour effectuer les recherches informatiques. Il peut s’agir des noms des clients détournés, de ceux des salariés débauchés, ou encore de l’acronyme ou des sigles de l’entreprise requérante qui vont permettre d’appréhender les documents lui appartenant qui ont été détournés.

Comment se déroule la mesure ?

Une fois l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce, le Commissaire de justice, parfois aidé d’un expert informatique, accède aux locaux de l’entreprise indélicate. Il lui signifie l’ordonnance et recherche les éléments qui y sont désignés, qu’il appréhende.

Si la société visée par la mesure ne prête pas son concours à la mesure, le Commissaire de justice peut s’adjoindre les services d’un serrurier et des forces de l’ordre si l’ordonnance le prévoit. Mais surtout, le Tribunal de commerce saisi ultérieurement tirera toutes les conséquences de son opposition.

L’entreprise qui subit la mesure dispose-t-elle d’un recours ?

Bien sûr. Dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance, elle peut saisir le Président du Tribunal de commerce qui l’a rendue d’une assignation pour lui demander de rétracter la mesure.

Il lui faut alors apporter un autre éclairage au Juge et le convaincre que les conditions pour ordonner la mesure n’étaient pas remplies. L’entreprise visée par la mesure peut également invoquer la protection du secret des affaires pour que certains éléments appréhendés ne soient pas remis au requérant, et un tri des pièces peut avoir lieu.

Une fois les pièces appréhendées remises à l’entreprise victime, que peut-elle faire ?

Si les pièces appréhendées établissent bel et bien l’existence d’actes de concurrence déloyale ou de parasitisme, une action en référé peut être engagée pour demander au Président de la juridiction commerciale d’ordonner, sous astreinte, la cessation des agissements illicites.

Une indemnisation peut-elle être obtenue ?

Oui, mais pas en référé. Il faut pour cela saisir le Tribunal de commerce dans le cadre d’une procédure au fond, c’est-à-dire d’une procédure classique.

Ce qui est indemnisable, c’est le gain manqué et les pertes éprouvées. Selon le principe de réparation intégrale, le Tribunal doit ordonner la réparation de « tout le dommage, rien que le dommage ». Il tient compte pour ce faire, entre autres, de la baisse d’activité, de l’évolution du compte d’exploitation et des comptes client, de la perte de marge commerciale liée à un ajustement des prix rendu nécessaire par les actes de concurrence déloyale, de la perte de contrats, de la perte de chance liée aux développements futurs, de l’atteinte à l’image de marque liée à la vulgarisation du produit, des éventuelles dépenses engagées pour corriger les effets néfastes des agissements de l’entreprise indélicate.

Il est également possible de demander au Tribunal d’ordonner la publication d’un communiqué judiciaire aux frais de l’entreprise condamnée, dans des journaux ou sur son site internet.

Ne faut-il pas porter plainte au pénal ?

Parfois, les agissements caractérisent également des infractions pénales, comme par exemple le vol de documents, et une plainte pénale peut alors être également déposée.

 

Magali Tocco-Perin est avocate associée du cabinet Squair et exerce en contentieux commercial et droit pénal des affaires. Squair est un cabinet d’avocats indépendant présent notamment à Nantes, qui apporte une offre globale en droit des affaires à ses Clients. Squairlaw.com

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