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Charles Clérice de Meynard, président de Colbert Groupe : « On veut doubler le chiffre d’affaires en cinq ans »

2023 est une année importante pour Colbert groupe qui, au moment de fêter 100 ans d’activité, change d’échelle. Spécialisé dans l’accompagnement des entreprises et de leurs dirigeants à travers quatre domaines - courtage en assurances, gestion de patrimoine, conseil en stratégie retraite et immobilier -, il ne cesse de grandir et affiche de fortes ambitions sur le grand Ouest. Son président depuis 2015, Charles Clérice de Meynard, évoque pour nous les évolutions passées, présentes et à venir du groupe. Avec une constante : la volonté de préserver ses valeurs.

Charles Clérice de Meynard, Colbert groupe

Charles Clérice de Meynard, président de Colbert groupe - ©Benjamin Lachenal

Vous célébrez vos 100 ans cette année. Comment a débuté l’histoire ?

À l’origine, il y a la naissance en 1923 d’un cabinet d’agent d’assurances créé par Maurice Allain des Beauvais, qui ensuite a été transmis à son fils, avant de se transformer en société de courtage. Puis il y a eu l’intégration de la troisième génération. En 2005, Jean-Luc Jaunatre, qui possédait deux cabinets de courtage à Nantes, a souhaité se rapprocher du cabinet Allain des Beauvais pour constituer un cabinet plus fort et devenir DG.

C’est à ce moment-là que vous êtes entré dans l’entreprise ?

Il m’a demandé de le rejoindre, mais je n’y étais pas très favorable au départ car j’avais monté mon cabinet, Colbert Patrimoine Finance (CPF), en m’installant à Nantes en 2000. J’arrivais alors de Paris où j’étais resté une dizaine d’années. Je ne connaissais personne, je n’avais aucun client, pas de réseau et donc j’ai pris l’annuaire et j’ai écrit à tous les courtiers de la place de Nantes en leur disant que j’étais prêt soit à m’associer soit à acheter un cabinet. Je n’avais pas d’argent, mais la conviction que si l’affaire était bonne je trouverais une banque pour me financer. Jean-Luc Jaunatre m’a rappelé quelques semaines plus tard en me disant que ça pouvait l’intéresser. On s’est rencontrés, on a discuté et au bout d’une heure on s’est mis d’accord sur l’ensemble : je partagerais ses bureaux, gérerais sa clientèle, tout en continuant de développer ma propre boîte. Ça a commencé comme ça !

Chaque société a son ADN, mais elle fait partie de la même famille, avec des valeurs communes : la bienveillance, la confiance et le respect.

Pendant un an, je ne me suis pas payé mais, comme je le dis souvent, si on est honnête et qu’on travaille beaucoup, la chance ne peut pas toujours passer à côté de vous. Et donc j’ai fini par décrocher mon premier gros client.

Au bout d’un an, nous avions considéré avec Jean-Luc Jaunatre que nous avions les mêmes valeurs et que nous pouvions avoir un projet commun. Parallèlement, je ne voulais pas vendre ma société car j’avais 100 % du capital et je préférais ça que de détenir 5 % d’une société plus importante. Donc finalement je n’ai apporté que 50 % de Colbert Patrimoine Finance et les autres cabinets ont fusionné en 2006 pour devenir Colbert Assurances.

Vous avez eu très tôt une stratégie de croissance externe volontariste…

Il y a deux moteurs possibles pour se développer : la croissance organique ou externe. Or, la croissance organique se développait assez peu car nous n’avions pas de commerciaux à l’époque. L’idée, c’était donc de grossir par croissance externe. Car, si vous achetez à un prix correct et que vous avez une assez bonne rentabilité, c’est mieux que d’embaucher des commerciaux : le commercial, vous n’êtes pas sûr de le garder, il est souvent payé sur les affaires créées mais pas sur les affaires perdues et vous ne vous endettez pas pour le payer. Alors qu’en rachetant un cabinet, d’une part vous vous endettez donc vous avez une échéance plus faible, et d’autre part vous pouvez faire d’une pierre deux coups en rachetant un cabinet avec du personnel qualifié. De cette façon, si vous faites bien votre travail, vous pouvez multi-équiper vos clients sur d’autres assurances ou d’autres produits. Par exemple, notre première acquisition en 2009 c’était Patrimonia, un cabinet d’assurance de personne qui ne faisait rien en assurance de biens et en gestion de patrimoine, ce qui nous offrait la possibilité d’équiper les clients sur d’autres produits.

Comme au fur et à mesure des rachats nous avons généralement gardé les structures, nous sommes à même d’identifier le chiffre d’affaires de chacune. Non seulement nous avons développé leur chiffre d’affaires, mais notre stratégie a permis de faire du chiffre sur les autres activités.

 Pourquoi ce choix de garder des structures indépendantes ?

Pour plusieurs raisons. D’abord, j’aime bien associer et je préfère associer les gens dans leur métier. De cette façon, quand ils font du chiffre, ils en perçoivent les dividendes immédiatement, tandis que dans un groupe, certes vous équilibrez l’ensemble, mais vous « moyennez » et on n’est pas dans la méritocratie. Je trouve que c’est plus motivant de recueillir ce que l’on sème. Et puis, trop d’associés dans une même structure, ça peut être plus compliqué à gérer que quelques associés par structure.

Justement, Colbert groupe compte aujourd’hui 13 associés gérants. Quelle est la recette pour que cela fonctionne ?

Une association, c’est comme un mariage, avec un jour un acte de divorce ou de décès. Et donc, pour gérer la séparation, c’est quand même plus simple quand les personnes ont les mêmes valeurs et partagent le même métier… Chaque société a donc son ADN, mais elle fait partie de la même famille, avec des valeurs communes : la bienveillance, la confiance et le respect.

associés, gérants, Colbert groupe

Les associés gérants de Colbert groupe (de g.à d.) : Jacques Landreau, William David, Stéphane Malet, Nicolas Roblot, Laurent Brodu, Béatrice Jaunatre, Yannick Crossouard, Charles Clérice de Meynard, François-Xavier Neau, Julie Businello, Emmanuel Guiard, Anthony Chaffron, Pierre-Alexandre Reny.

 

En 2011, j’ai eu un différend avec certains de mes associés de l’époque et j’ai voulu me séparer en 2013. J’avais embauché une personne en gestion de patrimoine qui devait, sous certaines conditions, être associée au bout de deux ans. Comme elle avait atteint ses objectifs, j’ai donc voulu l’associer. Sauf qu’au moment de le faire, des associés ont émis des doutes. J’ai discuté avec eux pendant 18 mois… Comme je n’arrivais toujours pas à les convaincre, à un moment j’ai fini par dire que je ne pouvais pas rester. Pour moi, la parole vaut l’homme. Sinon, l’homme ne vaut rien. Je leur ai donc proposé de racheter les 50 % de CPF et de leur vendre mes parts chez Colbert Assurances, avec un délai de 12 mois pour me payer au lieu des 3 prévus dans le pacte d’associés. Sauf qu’entre-temps, de plus petit actionnaire j’étais devenu le deuxième plus gros. Au bout de quelques mois, Patrick Darricarrère, le président, et Jean-Luc Jaunatre, le DG, sont revenus vers moi en me proposant de reprendre Colbert Assurances. Je suis allé voir ma banque : elle était d’accord pour me suivre. Puis j’ai fait la tournée du personnel en leur proposant de monter sur le bateau. Et globalement, ils ont tous accepté de me suivre, sauf un. La messe était dite…

Quel était votre projet ?

Que Béatrice Jaunatre, Anthony Chaffron et Nicolas Roblot deviennent co-gérants associés de Colbert Assurances, que Béatrice accepte le poste de DG, et que d’autres salariés rentrent au capital dans le double objectif de maintenir les emplois et d’assurer la pérennité de l’entreprise.

C’était plutôt novateur comme stratégie à l’époque !

En 2015, ça ne se faisait pas trop en effet, dans ce secteur-là en tout cas. Nous avons créé une holding : SIE, pour Salariés investisseurs externes, qui est actionnaire de tout ce qui se passe en-dessous et dans laquelle il y a aujourd’hui près de 25 % des salariés. Sachant que l’objectif serait d’arriver à 80 %. Nous venons d’ailleurs de rouvrir le capital pour permettre à ceux qui ne sont pas encore associés de le devenir et à ceux qui le sont de se renforcer.

Pourquoi avoir fait ce choix à ce moment-là ?

Parce qu’il faut un partage de la richesse et un alignement des intérêts. Et cet alignement, il passe par la rémunération directe et indirecte. Et puis je voulais aussi fidéliser les collaborateurs. À partir du moment où vous êtes associé, vous ne voyez plus votre travail et l’entreprise comme avant. Ça vous donne envie de faire encore mieux, pour vous et pour les autres.

Ces dernières années, vous avez accéléré dans votre stratégie de croissance externe. Dans quelle optique ?

Nous avons en effet réalisé six opérations en trois ans. Il y a une accélération, parce qu’il y a un projet derrière. On veut créer des Colbert business office qui soient des entités indépendantes sous la même maison et proposent nos quatre activités assurances, gestion de patrimoine, immobilier et retraite. Facile à retenir puisque cela forme le mot Agir ! L’idée, c’est que le chef d’entreprise qui rentre par une de ces quatre portes puisse ensuite bénéficier de toute notre palette de services, avec une équipe d’experts et à moins d’une heure de trajet. Grâce à cette proximité, nous sommes capables de réactivité.

Sur quels critères vous basez-vous pour vos opérations ?

J’étudie pas mal de dossiers, entre cinq et dix par an. Aujourd’hui d’ailleurs, ma plus forte valeur ajoutée pour le groupe, ce n’est pas tant la vision, qui commence à être partagée, que l’acquisition de cabinets, car je mène ces opérations depuis une dizaine d’années.

Je recherche des cabinets stables et qui connaissent leurs clients car quand on fait de la croissance, ce n’est pas juste pour grossir, mais pour faire bien. D’autant que nous avons vocation à rester un acteur régional, sur le grand Ouest. Nous sommes aujourd’hui 80 et dans nos projections nous serons peut-être 120 à 150, mais nous n’irons pas beaucoup au-delà. Après, ce n’est plus humain. Lors d’un séminaire groupe, il y a quelques semaines, un des collaborateurs s’étonnait que je connaisse le prénom de chacun. Alors que pour moi, c’est juste la moindre des choses !

Il faut continuer à faire grossir le groupe, mais pas n’importe comment, pas avec n’importe qui et pas à n’importe quel prix.

Le sujet en faisant de la croissance externe, c’est de renforcer nos compétences et éventuellement d’apporter une palette de services supplémentaire. Nous nous intéressons aux niches car c’est une porte d’entrée. Nous voulons des spécialistes dans leur métier, des experts qui font leur activité huit heures par jour.

Enfin, nous nous intéressons à des cabinets qui partagent nos valeurs humaines.  On ne veut pas aller sur des choses qui ne nous ressemblent pas car alors on fera mal et on ne prendra pas de plaisir.

Pour se développer ainsi, il faut avoir les reins solides…

Pour tous les financements demandés depuis 2009, nous n’avons jamais eu besoin d’apport. Les banques nous font confiance. Parce que nous sommes sérieux et nous avons le respect de la parole donnée : on dit ce qu’on fait et on fait ce qu’on dit. Comme nous gardons les structures, les banques voient bien l’évolution du chiffre d’affaires depuis le rachat. Il n’y a donc pas de sujet.

Quelle est votre stratégie à moyen et long terme ?

Nos axes stratégiques sont les suivants : continuer de nous développer, rester local et indépendants. Il faut continuer à faire grossir le groupe, mais pas n’importe comment, pas avec n’importe qui et pas à n’importe quel prix, car l’idée c’est de conserver notre ADN.

Dans le métier aujourd’hui, il y a des acteurs beaucoup plus gros que nous dans la gestion de patrimoine et d’autres beaucoup plus gros en courtage d’assurances. Mais nous, on est sur ces deux jambes, on est importants dans les deux et capables d’avoir une expertise dans tous les métiers. On a donc une carte à jouer. Le mixage de nos différents métiers nous permet d’apporter quelque chose de différenciant et nous allons compléter cela par la création fin juin de Colbert Family Office, avec des services dédiés à une clientèle fortunée, familiale et régionale à travers notamment de l’aide à la philanthropie, à la gouvernance et à la transmission.

Et votre principal chantier en ce moment ?

Avec l’ensemble des co-gérants nous sommes en train de mettre une organisation en place pour être capables de doubler le chiffre d’affaires en cinq ans.

Pour cela, on structure le groupe, qui vient de changer de nom pour devenir Colbert groupe. Des entités vont aussi changer de nom pour entrer sous la bannière Colbert. Par exemple, Immobilière Eurêka va devenir Colbert Patrimoine Immobilier, Adexia va devenir Colbert Property Management, Optinéo Retraite va devenir Colbert Expertise Retraite. Nous lançons en septembre un site internet groupe qui renverra sur les sites des différentes structures, mais qui permettra d’informer sur nos différents métiers.

Et puis à côté de ça, on structure l’organigramme. Nous avons par exemple embauché une responsable marketing communication chez Colbert Assurances, mais son salaire est réparti entre les différentes structures. Nous avons aussi pris un directeur commercial groupe qui est l’interlocuteur de tous les gérants et de tous les commerciaux. C’est la force du groupe que de pouvoir mutualiser ce type de postes que ne pourraient pas s’offrir les structures individuellement.

Comment faites-vous pour que toutes les équipes aient l’esprit groupe alors que vous avez absorbé beaucoup de structures ces dernières années ?

Nous étions 43 en 2015. Aujourd’hui nous sommes 80, et nous serons 90 à la fin de l’été grâce à une acquisition en cours.

Déjà, on a tous les mêmes valeurs au départ. Ensuite, on les met sous une même bannière, Colbert groupe, avec la même image, et surtout on les fait se connaître et travailler ensemble, via des séminaires, des comités opérationnels… Plutôt pour créer des bons moments, afin de générer du lien, un esprit collectif. Enfin, il faut une communication interne d’informations.

Vous travaillez aussi votre RSE ?

En 2021, notre démarche s’est renforcée avec l’adhésion à Planet’RSE [1]. Nos engagements se structurent aujourd’hui autour de cinq axes : la qualité de vie au travail et la valorisation des talents, la gouvernance partagée, la limitation de notre impact environnemental, mais aussi notre implication dans l’écosystème local via le soutien apporté à une dizaine d’associations. Nous sponsorisons ainsi plusieurs clubs sportifs dans le rugby, le volley, le cyclisme ou l’équitation. Nous soutenons également des associations locales en adéquation avec nos valeurs, comme la fondation Progreffe du CHU de Nantes ou l’association Berse, qui permet d’améliorer la vie des grands prématurés et de leurs parents grâce à une chambre dédiée où les parents peuvent venir travailler et dormir. Cela permet de créer le lien avec l’enfant, favorisant son développement. Depuis le début aussi nous sommes mécènes du restaurant Le Reflet.

Enfin, nous accompagnons aussi nos clients dans leur trajectoire RSE. Nous développons ainsi, avec le soutien de compagnies partenaires, une offre d’audit innovante dans le domaine de l’assurance.

 

[1] Association loi 1901 créée en 2014 pour promouvoir la responsabilité sociétale des entreprises et des organisations en élaborant des critères de notation utilisés pour évaluer chacun des membres sur le principe de l’engagement par la preuve.

 

Colbert groupe en chiffres

  • 1923 : création du cabinet d’agent général Maurice Allain des Beauvais
  • En 2023, 4 domaines d’activité :
    – Courtage d’assurances
    – Gestion de patrimoine
    – Conseil en immobilier (transaction, syndic et gérance en immobilier d’entreprise)
    – Conseil en stratégie retraite
  • 13 associés gérants pour 8 sociétés
  • 80 personnes (90 d’ici la fin de l’été)
  • 70 % de femmes
  • CA groupe 2022 : 12 M€