Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Le boom des magasins éphémères à Nantes

Née à Paris avec la Fashion Week, la vague des pop-up stores déferle désormais sur la Cité des Ducs. Particulièrement visible à Noël, période propice à la vente de créations en tous genres, cet engouement pour les magasins éphémères booste le commerce du centre-ville avec une offre différenciante. Mais si ce phénomène bouscule les codes du commerce traditionnel, Nantes manque encore d’espaces pour voir ce marché exploser.

Les artisanes du collectif “Les Faiseuses” ont pris leurs quartiers au pop-up store Bolobolo jusqu’au 13 décembre. Elles entourent Christophe Antiphon, le créateur de cet espace éphémère. ©NLP IJ

Les artisanes du collectif “Les Faiseuses” ont pris leurs quartiers au pop-up store Bolobolo jusqu’au 13 décembre. Elles entourent Christophe Antiphon, le créateur de cet espace éphémère. ©NLP-IJ

Dire que les boutiques éphémères ont le vent en poupe à Nantes en cette fin d’année serait un euphémisme. Effectivement, depuis quelques semaines, les pop-up stores poussent comme des champignons dans les rues du centre-ville. Si ce phénomène s’accentue depuis quelques années, il n’a pas échappé à Christophe Antiphon, à la tête de l’agence de création graphique Mademoiselle : « J’avais un espace de 20 m2 disponible donnant sur la rue Armand-Brossard, dans le quartier Bouffay. Plutôt que de le sous-louer, j’ai voulu l’utiliser de façon intéressante pour en faire un espace qui vit. L’idée étant que la boutique ne soit pas juste un espace que les créateurs viennent occuper un temps, mais un concept plus large, qui permette de créer une notion de programmation riche et variée, tout en offrant de la visibilité aux visiteurs sur les prochains temps forts du magasin. Tout ça contribue à en faire un lieu vivant, où il y a toujours quelque chose de différent à voir, et c’est la diversité de l’offre qui fait la richesse du lieu. »

Bolobolo : un espace pop-up, la communication en plus

En mai 2022, Christophe Antiphon a opté pour la création d’un magasin éphémère, baptisé Bolobolo. « Le concept, c’est offrir un espace pop-up à la location aux exposants, tout en les accompagnant sur la communication : mailing, campagnes de posts sur les réseaux sociaux, street-marketing, customisation de la boutique et de la vitrine… Un accompagnement clé en main pour que l’événement soit bien identifié, qu’il fonctionne et que les exposants ne se retrouvent pas seuls lorsqu’ils débarquent à Nantes. »

Preuve de cet engouement pour le pop-up store, Bolobolo a ainsi accueilli près de 70 événements depuis son ouverture. « En général, il s’agit de location à la semaine de créateurs et d’artistes, qui sont souvent installés en collectif. Cette notion de collectif leur permet non seulement de mutualiser les coûts de location, de mieux remplir la boutique, mais également de partager leurs réseaux pour faire venir un maximum de connaissances. »

« Tester leur concept avant d’ouvrir une boutique »

Si le pop-up store héberge en majorité des créateurs et artistes, « Bolobolo s’adresse également à des TPE ou PME indépendantes qui voudraient tester leur concept avant d’ouvrir une véritable boutique, poursuit Christophe Antiphon. Le local a ainsi accueilli il y a quelques mois une femme d’origine indienne qui envisageait d’ouvrir à Nantes un commerce d’artisanat indien autour du cachemire. »

Bolobolo s’adresse aussi potentiellement aux associations, « car j’aime l’idée que cet espace puisse devenir un lieu pas forcément marchand, mais plutôt de plaidoyer, confirme Christophe Antiphon. On peut enfin envisager d’ouvrir le lieu à d’autres types d’exposants, comme des offices de tourisme ou même des appellations d’origine contrôlée. Ou imaginer par exemple que la ville de Bordeaux s’appuie sur cet espace pour attirer des Nantais durant les vacances. »

 

L’association nantaise de commerçants Plein Centre propose jusqu’au 23 décembre un marché pop-up qui réunit une trentaine de créateurs locaux dans le passage de la Chatelaine

L’association nantaise de commerçants Plein Centre propose jusqu’au 23 décembre un marché pop-up qui réunit une trentaine de créateurs locaux dans le passage de la Chatelaine. ©NLP-IJ

Mieux appréhender les attentes clients

Interrogé sur les raisons qui poussent les exposants à faire appel à sa structure, le créateur de Bolobolo énumère : « Elles sont nombreuses. Pour les exposants, c’est d’abord un moyen d’être en contact direct avec leurs clients et de mieux appréhender leurs attentes. En particulier pour ceux qui vendent leurs créations exclusivement en ligne et qui ne sont pas habitués à avoir de retours. C’est également un moyen pour les exposants d’ancrer leur image de marque à travers l’univers qu’ils ont créé au sein du pop-up store. Et bien souvent, ça leur permet aussi d’avoir une parution dans la presse. »

Ce ne sont pas les membres du collectif d’artisanes “Les Faiseuses”, qui proposent un marché de Noël du 1er au 13 décembre chez Bobobolo, qui diront le contraire : « En période de fêtes, on ne peut plus faire l’impasse sur notre pop-up store, reconnaissent d’une voix les cofondatrices Aude Herrard, Laëtitia Piffeteau et Élodie Joly. C’est devenu pour nous une tradition car ce lieu nous offre de la visibilité alors qu’on travaille habituellement chacune dans notre atelier. Bolobolo est parfaitement adapté aux collectifs comme le nôtre, car l’engagement (trois jours minimum, NDLR) n’est ni trop long ni trop cher (location à partir de 26 €/jour, NDLR). C’est un moyen de vendre nos créations, mais aussi de sortir de la solitude que bon nombre de créateurs subissent au quotidien. Et c’est une façon de rencontrer nos clients et d’aller au-delà du cadre de la communication sur les réseaux sociaux. » C’est enfin l’occasion de jouer collectif : « On en profite systématiquement pour faire découvrir à nos clientes respectives les créations de nos collègues. »

« Dynamiser le centre-ville avec une offre innovante »

Ce boom des magasins éphémères a également tapé dans l’œil de l’association de commerçants nantais Plein Centre, comme le confirme Sara Gangloff, sa déléguée générale. « C’est pourquoi nous proposons pour la deuxième année consécutive un marché pop-up d’une trentaine de créateurs (bijoux, céramique, vêtements adultes & enfants, jeux de société, maroquinerie, tableaux, instruments de musique…), ouvert tous les jours jusqu’au 23 décembre, de 10h à 19h, dans le passage de la Châtelaine. On a désormais une clientèle fidèle qui revient au marché d’une année sur l’autre. C’est un moyen de dynamiser et rendre plus attractif le quartier Graslin-Crébillon avec une offre innovante, tout en mettant en lumière dans le centre-ville des créateurs locaux qui n’en ont pas forcément l’habitude. »

« Créer de l’engouement autour du côté éphémère »

Illustratrice et créatrice nantaise qui s’est fait connaître avec son iconique bisou, un logo en forme de cœur surmonté du mot bisou qu’elle décline dans le cadre de nombreuses collaborations (Balzac Paris, Aigle, Champion…), Mathilde Cabanas est elle aussi une adepte de cette formule : « J’ai ouvert des pop-up stores à Nantes en 2018, 2019 et 2022. Et je viens cette année d’en organiser un à Bruxelles. » Si la créatrice a opté pour ce type de concept, « c’est pour créer de l’engouement autour du côté éphémère de la boutique. Les clients se disent qu’elle n’est là que pour une courte durée et qu’il faut qu’ils y aillent avant qu’elle ferme ! De plus, le pop-up store leur permet de toucher les produits en vrai, d’éviter de payer des frais de port, tout en rencontrant au passage son créateur. Pour nous en tant que marque, c’est beaucoup moins cher qu’une boutique traditionnelle louée à l’année. C’est également intéressant pour moi de pouvoir y rencontrer mes clients, d’avoir leurs retours et leurs attentes produits. C’est pourquoi je reste systématiquement présente dans mes pop-up store. Et pour les faire vivre, j’essaye à chaque fois d’organiser des animations : des petits apéros, la présentation de nouveaux produits… »

« Pour que ça marche, il faut partir du principe que personne ne vous attend ! »

Derniers bénéfices soulignés par la créatrice nantaise, ces boutiques affichent un très bon rapport investissement/bénéfices : « Elles me permettent de générer à chaque fois un bon chiffre d’affaires, en particulier avant les fêtes, où les Nantais vont sortir faire leurs courses pour Noël. C’est pourquoi je privilégie les produits et créations susceptibles de finir au pied du sapin. L’autre avantage du pop-up store, c’est qu’il me permet de conserver une grande liberté dans mon activité dans le sens où je propose ces boutiques où je veux et quand je veux, ce qui me laisse tout le temps nécessaire pour créer à mon rythme. »

Wizard’s Shop : quand le pop-up store devient durable

Preuve que le magasin éphémère peut aussi constituer une véritable rampe de lancement pour un commerce traditionnel : le Wizard’s shop de Nantes, un cabinet de curiosités dédié à l’univers du célèbre sorcier à la cicatrice : « Venant du BtoB, on voulait avec ma femme créer une expérience client et monter une boutique immersive, rembobine son créateur Pascal Vivier. On a toujours encouragé les grandes enseignes qui étaient nos clientes (Fnac, Leclerc, Citadium, Auchan, Micromania…) à le faire car il existait une dichotomie entre les attentes des acheteurs et l’offre des magasins. Mais rien ne se concrétisait… Du coup, quand Geek Store nous a laissé son magasin qui était en liquidation rue de la Fosse, on a tenté notre chance. On a démarré en 2019 avec un premier pop-up store autour de Harry Potter. La première journée, on s’est retrouvé avec 300 mètres de queue et le magasin était vide le soir. Devant le succès rencontré, on a renouvelé l’opération l’année suivante et on a obtenu 30 % de fréquentation en plus. Et ainsi de suite. À chaque fois, ça a été un carton, à tel point qu’on a fini par s’installer durablement rue Boileau puis on a déménagé dans le passage Pommeraye en février 2022 en signant un bail commercial classique. »

Un manque d’emplacements qui limite le marché

Surfant depuis sur cette vague pop-up également à Paris et Lyon, Pascal Vivier vient justement d’ouvrir son 12e magasin éphémère : « Il est situé à Nantes, en bas du passage Pommeraye, et est consacré à l’univers de Ghibli, le célèbre studio d’animation japonais fondé par Hayao Miyazaki et Isao Takahata en 1985. Il a ouvert le 13 décembre et propose plus de 500 références, dont 80 % de produits directement importés du Japon. »

Seule ombre au tableau constatée par l’expert du pop-up store : « Le manque d’emplacements dédiés aux magasins éphémères à Nantes. C’est ce qui limite ce marché aujourd’hui alors qu’il a encore beaucoup de potentiel. » Un constat partagé par Christophe Antiphon, le fondateur de Bolobolo. « De plus en plus de créateurs me disent que ce type d’initiative devrait être généralisé. Mais il n’y a pas suffisamment d’offres à l’heure actuelle à Nantes. Pour preuve, le calendrier de Bolobolo est déjà quasiment plein jusqu’à juin 2024. À l’avenir, j’espère réussir à cibler de plus grandes entreprises. En effet, j’attends que les grandes marques prennent conscience qu’un espace comme celui-ci peut aussi être l’occasion de créer un rapport plus intime et direct avec leurs clients. »

 

Les ingrédients d’un pop-up store à succès

Pascal Vivier pose devant le pop-store dédié au studio Ghibli ouvert le 13 décembre dans le passage Pommeraye. ©NLP-IJ

Pascal Vivier devant le pop-store studio Ghibli ouvert le 13 décembre à Nantes. ©NLP-IJ

Devenu au fil des années un véritable professionnel du pop-up store, Pascal Vivier, le créateur du Wizard’s Shop, a identifié les ingrédients de cette recette à succès : « La base, c’est d’amener une expérience client et de proposer une offre riche et variée. Après, il faut communiquer sur les réseaux car si personne ne connaît l’existence du pop-up store, ça ne sert à rien. L’emplacement est également essentiel : la boutique doit être située dans un endroit où il y a beaucoup de passage. Enfin, il faut voir les choses en grand pour donner un maximum de visibilité à la boutique éphémère. Car pour que ça marche, il faut partir du principe que personne ne vous attend ! »