Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

RDI : le réseau au service de l’innovation qui gagne à être connu

Cette année, le Réseau de développement de l’innovation (RDI) va souffler ses 30 bougies. Malgré son ancienneté, le dispositif ligérien souffre d’un manque de visibilité auprès des chefs d’entreprise. Et pourtant, ceux qui l’ont utilisé semblent unanimes quant à sa pertinence.

Thierry Ricci, dirigeant de Natéosanté, est aussi le président de l'association qui porte le Réseau de développement de l'innovation régional. ©Benjamin Lachenal

Le Réseau de développement de l’innovation (RDI) est un dispositif visant à faciliter l’accès à l’innovation des PME ligériennes. Il existe depuis bientôt 30 ans. L’idée est née de la volonté du ministère de la Recherche et de l’Industrie de l’époque. Les Pays de la Loire avaient alors été l’une des premières régions à s’en saisir. Quelques années plus tard, l’État s’en est désengagé, mais le Conseil régional a choisi, lui, de le faire perdurer et le RDI a depuis traversé les différentes mandatures. Dans un environnement réglementaire pour le moins instable, cette durabilité est en soi une performance. Pourtant, cette pérennité est contrariée par un manque de visibilité.

L’innovation, un sujet complexe et évolutif

Le parti pris du RDI n’est pas celui d’être un guichet unique, mais un multiguichet. En tout, 118 structures [1] maillent ce réseau sur le territoire ligérien, mais au final ce sont près de 400 interlocuteurs qui sont en fait déployés au service de l’innovation. Soutenu financièrement par le Conseil régional, le RDI est animé par l’agence de développement économique Solutions&Co et piloté par une association. Avec une particularité : à sa tête, on y retrouve un chef d’entreprise. Depuis 2016, c’est Thierry Ricci, dirigeant de Natéosanté (spécialiste de la qualité de l’air intérieur), qui assume la fonction de président. Il a d’ailleurs lui-même bénéficié du dispositif. « J’y ai eu recours entre 2014 et 2016, sans trop le savoir. Je lançais alors mon purificateur d’air qui est devenu depuis le produit phare de Natéosanté, se souvient-il. J’ai fait tout le parcours, et c’est simplement en 2016 que j’ai compris que j’étais dans un réseau dont les membres communiquaient. J’ai eu l’impression d’avoir une équipe projet auprès de moi ». S’il s’est investi depuis dans le réseau, c’est justement avec le désir de « rendre ce qui m’avait été donné et faire en sorte d’éloigner cette image que les chefs d’entreprise peuvent avoir de perdre du temps avec des gens qui seraient éloignés de l’économie réelle. » L’innovation étant un sujet complexe et évolutif, les adhérents du RDI suivent en effet régulièrement des formations pour ajuster leurs compétences et continuer de proposer un soutien à forte valeur ajoutée aux porteurs de projets.

Financement d’un prototype

Clovis Richard, Baptiste Cormerais, CR Industry, Tract'Moi

Clovis Richard et Baptiste Cormerais, cofondateurs de CR Industry, ont bénéficié du RDI pour faire émerger leur marque Tract’Moi.

Clovis Richard et Baptiste Cormerais ont eux aussi fait appel au RDI et s’en félicitent. Ils ont obtenu à deux reprises un PL2I [2], mesure phare du RDI qui permet de financer une prestation externe en phase de faisabilité d’un projet d’innovation à hauteur de 70 % du montant de la dépense, dans la limite de 7 000 €.

Issus tous deux du monde agricole, ils identifient il y a trois ans, durant leur formation en école d’ingénieur, une problématique de mobilité pour les exploitants disposant de plusieurs bâtiments et/ou différentes parcelles. Ils imaginent alors une solution afin de les rendre autonomes dans leurs déplacements en leur permettant de transporter sur leur tracteur un véhicule d’appoint (vélo, moto, quad…). « Par le biais du Centre de ressources en innovation (CRI) de La Roche-sur-Yon, qui est un prescripteur du RDI, nous avons obtenu un PL2I alors que nous n’avions pas encore créé CR Industry. Il nous a permis de financer le premier prototype. Par la suite, nous avons de nouveau sollicité ce dispositif, en qualité de personne morale cette fois, ce qui nous a permis de structurer notre offre », observe Clovis Richard. Le produit commercialisé depuis l’été sous la marque Tract’Moi connaît aujourd’hui des débuts prometteurs et la jeune entreprise travaille désormais à la structuration de son réseau de distribution via les concessionnaires agricoles, en regardant aussi vers l’international. Pour Clovis Richard, ce dispositif de soutien à l’innovation s’est révélé parfaitement adapté : « Il a permis d’accélérer sur les sujets importants pour se lancer », résume-t-il.

« Se faire challenger dans tous les domaines »

Olivier Lorieux, Med’n Care, RDI

Olivier Lorieux, cofondateur et président de Med’n Care

Même bilan positif pour Olivier Lorieux. Cofondateur et président de Med’n Care à Guérande, il intervient sur un marché lui aussi porteur : la téléconsultation mobile et assistée au service de patients isolés, sachant que 20 millions de Français vivent aujourd’hui dans un désert médical. Le déploiement de la plateforme de services en e-santé qu’ils ont imaginée avec Véronique Landais nécessite de s’appuyer sur les collectivités territoriales, en s’inscrivant dans un cadre réglementaire et éthique strict. Incubée à la pépinière Cap Entreprendre portée par la communauté d’agglomération Cap Atlantique, Med’n Care bénéficie d’un accompagnement par la CCI Nantes St-Nazaire. « Ils nous ont mis en réseau avec beaucoup d’acteurs clés, notamment Atlanpole, Solutions&Co et Bpifrance. Il y a tout un écosystème, il faut juste appuyer sur les bons boutons dans le bon timing, les uns et les autres intervenant à des moments différents de la vie du projet. Mais tous se connaissent et travaillent beaucoup ensemble pour faire émerger les projets, les soutenir et les structurer, témoigne-t-il. Cela implique de monter des dossiers assez chronophages, mais cela nous fait aussi nous poser les bonnes questions. » Le PL2I leur a ainsi permis de réaliser une étude de marché et de faisabilité et de travailler sur les premiers visuels de leur solution. « Cela nous oblige aussi à réfléchir sur notre modèle, notre pitch, nos produits, notre stratégie, nous permet de rencontrer du monde, de revalider nos éléments… et finalement de ne pas partir dans le mur, en faisant les choses par étapes afin d’être prêts au moment où la croissance arrive », détaille encore le dirigeant. Le président du RDI le confirme : « Cette aide s’adresse à des chefs d’entreprise qui ont parfois juste une idée, afin de leur permettre de valider si elle est bonne et vraiment innovante. Pas besoin d’avoir un numéro de Siret pour se faire challenger dans tous les domaines. »

L’innovation n’a pas d’âge

Véritable coup de pouce en anté-création, le PL2I accompagne aussi l’innovation à toutes les étapes de la vie des entreprises de moins de 50 salariés. D’ailleurs, 30 % d’entre elles sont des PME matures, de plus de dix ans d’existence. Car l’innovation n’a pas d’âge. « Ce n’est pas parce qu’on existe depuis longtemps que l’on ne doit pas innover, au contraire ! », pointe Thierry Ricci.

Autre atout : le PL2I accompagne l’innovation, technologique ou non : un tiers des projets accompagnés ne le sont d’ailleurs pas. En dix ans, les membres adhérents du RDI ont par ailleurs constaté une évolution des projets soutenus. Actuellement, les grandes tendances sont en phase avec les enjeux de notre époque : « Plus de la moitié des projets accompagnés en 2022 intégraient des problématiques de développement durable », relève Thierry Ricci, qui ajoute que la data et l’intelligence artificielle sont également des thématiques en pointe.

Reste que l’innovation est aussi un réflexe fragile, fortement dépendant du contexte conjoncturel et structurel. D’ailleurs, dans son rapport d’activité annuel pour 2022, le RDI a constaté moins de dossiers PL2I enclenchés en 2022, enregistrant même une baisse historique (lire l’encadré) qu’il explique par l’incertitude ambiante ainsi que par des préoccupations davantage axées sur la performance interne et le développement commercial. Si le bilan 2023 n’a pas encore été publié, il semblerait confirmer l’attentisme perçu en 2022. Pourtant, pour préparer l’avenir, l’innovation apparaît plus que jamais essentielle. « Souvent, on associe l’innovation à des moyens financiers, mais ceux-ci ne sont pas toujours nécessaires, elle peut aussi se trouver sous nos yeux », conclut Thierry Ricci.

[1] Ademe, Atlanpole, CCI, CMA, collectivités, INPI, La Cantine, Nantes Université, Novabuild, Oryon, Samoa, Solutions&Co…
[2] PL2I : Pays de la Loire initiative innovation.

En chiffres

  • 116 dossiers d’aides PL2I instruits en 2022 (pour 140 dossiers examinés), soit un taux d’acceptation de 82 %.
  • Sur les 116 dossiers :
    • 27 PL2I personnes physiques (contre une quarantaine ces dernières années) pour 173 k€ de subventions engagées, soit 6 439 € de subvention moyenne.
    • 89 PL2I personnes morales (contre une centaine en 2020 et 2021) pour 526 k€ de subventions, soit 5 911 € de subvention moyenne.