Couverture du journal du 02/12/2024 Le nouveau magazine

Le business des boissons saines se développe en Vendée

Mois sans alcool, cure détox... De nombreux Français se motivent chaque année pour adopter un mode de vie plus sain. Une véritable économie autour des boissons natures aux vertus médicinales est en train de se créer et la Vendée n’échappe pas au phénomène. Rencontre avec trois entrepreneurs locaux qui se sont lancés sur ce créneau porteur.

Catherine Tran, Yuki

Catherine Tran, la fondatrice de la marque Yuki © Sophie Comte

Kombucha, kéfir… Qui sont ces nouvelles stars en passe de remplacer les rayons jus de fruits dans les pays anglo-saxons et asiatiques ? Au pays du bien manger, le bien boire est une préoccupation en pleine croissance. D’après une étude, la France est le pays qui compte le plus grand nombre de nouveaux consommateurs de boissons sans alcool, avec une augmentation de 25 % sur l’année 2022. Initiée dans les grandes villes, la tendance gagne les territoires comme à La Roche-sur-Yon où Catherine Tran développe Yuki – une marque de thé pétillant – depuis octobre 2023.

Quand innovation rime avec plaisir

D’origine vietnamienne, l’entrepreneure a commencé tôt sa carrière dans l’industrie alimentaire, à 18 ans. Celle qui a été cheffe pâtissière et barista en Nouvelle-Zélande a finalement posé ses bagages en Vendée, où elle a d’abord ouvert un restaurant asiatique. « J’ai toujours proposé à mes clients des produits sains et de qualité, travaillés selon des recettes faites maison », explique-t-elle. En revanche, ma vitrine des boissons ne reflétait pas mes valeurs. On y trouvait principalement des produits sucrés et transformés, des sodas, avec ou sans édulcorants, des jus de fruits industriels contenant des sucres ajoutés. » Elle poursuit : « C’est en me connectant à mes racines que j’ai repensé au thé que ma famille me préparait selon une recette ancestrale, transmise de génération en génération. J’en bois depuis l’âge de six ans, je connais le goût, l’odeur, les bénéfices de chaque thé sur la santé. J’ai alors commencé à réfléchir à une boisson à base de thé vert, suffisamment innovante pour me démarquer. »

« On voit les commandes renouvelées tous les 15 jours et Yuki s’est installée jusqu’à Paris ! » Catherine Tran, la fondatrice de Yuki.

Yuki est née en 2023, après des mois de recherche et développement. Il s’agit d’une boisson artisanale pétillante à base de thé vert et de fruits naturels. Pour la production, la jeune femme privilégie le made in France en se tournant – dans un premier temps – vers un maître limonadier depuis cinq générations, basé à Orléans. Elle commercialise quatre recettes bienfaitrices auprès des boulangeries, restaurants, magasins de producteurs locaux et entame les discussions avec la grande distribution. « On voit les commandes renouvelées tous les 15 jours et Yuki s’est installée jusqu’à Paris ! Nous sommes régulièrement sollicités pour savoir où acheter nos produits directement, s’enthousiasme-t-elle. C’est pourquoi nous allons ouvrir prochainement un espace de vente dans nos locaux. Une façon de nous rapprocher de nos clients pour mieux comprendre leurs attentes et envisager des axes d’amélioration. J’aimerais aller encore plus loin, confie la dirigeante, et ouvrir un magasin de produits frais asiatiques, dont Yuki, centrés sur la santé. »

Le Nolo : une demande des consommateurs

Pierre Brodu, créateur des boissons OPÉ’tilles © Brasserie Opé

La vogue des boissons sans (« no ») ou à faible teneur en alcool (« low ») invite les producteurs à redoubler de créativité pour proposer des produits en phase avec la demande. C’est le cas de la Brasserie Bio artisanale OPÉ, aux Sables d’Olonne, dirigée par Pierre Brodu. « On a commencé à avoir pas mal de demandes sur de la bière bio sans alcool, explique-t-il. Néanmoins, j’étais confronté à un verrou technique : à partir du moment où il y a fermentation, il y a de l’alcool ! C’est aussi ce qui permet le travail aromatique d’une bière. On est donc rarement à 0,0 %, sauf dans les processus industriels où l’on vient retirer l’alcool après fabrication, ce qui n’est clairement pas notre créneau. » Il précise : « Il faut savoir que légalement, une bière sans alcool en contient entre 0,5 et 1,2 %. En fin de compte, c’est un marché de niche excluant tous ceux qui ne peuvent pas consommer d’alcool pour des raisons de santé ou religieuses. C’est là qu’on a eu l’idée d’une boisson fruitée accessible à tous ! »

 

Lancée à l’été 2023, OPÉ’tille est une gamme à part avec sa propre identité. Elle est produite artisanalement à la brasserie, mais ne contient aucun alcool. « Côté recette, on est parti sur de la purée de fruits (environ 15 %) et des plantes aromatiques bio infusées dans de l’eau comme du basilic, de la menthe poivrée ou encore du poivre du Timut aux notes acidulées qui rappellent le pamplemousse. En diluant les fruits dans l’eau infusée, on perd en gourmandise, c’est pourquoi on remet un peu de sucre tout en restant très faibles (5 g pour 100 ml) par rapport à des sodas classiques (plus de 10 g) », argumente-t-il. Et de conclure : « Le marché se développe, mais il y a encore peu d’alternatives au niveau artisanal sur le sans alcool, si bien qu’il nous arrive de rentrer dans une cave par ce biais. Quand on s’exporte, nous ne sommes plus les seuls locaux sur le créneau de la bière bio, en revanche, on le redevient avec nos OPÉ’tille ! En six mois, le brasseur en a vendu environ 3 000 litres à une cinquantaine de clients. En 2024, il vise la barre des 10 000 litres et envisage de nouveaux projets pour étendre sa gamme de produits « nolo » : thés glacés, boissons à base de malt… « Nous faisons des tests pour trouver les bons mélanges et dosages, suffisamment différenciants pour fonctionner. »

Le boom des boissons fermentées

Dans la famille des boissons saines, le kombucha 1 connaît un succès grandissant depuis quelques années déjà : antioxydante, boosteuse d’immunité, peu calorique… Cette boisson fermentée, originaire d’Asie, se produit également en Vendée.

Alexia Arrivé, la cofondatrice de Fermenting & Co © Fermenting & Co

Aux Sables d’Olonne, Alexia Arrivé s’était déjà lancée dans la fabrication maison de kéfir, une autre boisson saine et naturelle. « En faisant des recherches, j’ai découvert le kombucha, raconte-t-elle. De la même manière qu’il existe une mère de vinaigre, il existe une mère de kombucha dans laquelle on trouve les levures et les bactéries sauvages qui vont se nourrir de thé et de sucre pour se transformer en la boisson finale. C’est dans ce processus de fermentation qu’il y a libération des vitamines et des minéraux. J’ai commencé à en faire pour moi et mes proches, avant de partir vivre en Australie. Là-bas, la boisson était partout : dans les restaurants, les bars, les rayons des supermarchés. Puis le Covid est arrivé et j’ai dû modifier mon projet de vie en rentrant en France. C’est là que j’ai eu l’idée de créer mon entreprise artisanale de kombucha. À l’époque, mon cousin avait fait ses études en Amérique, il avait pris l’habitude lui aussi d’en boire régulièrement, mais ne se retrouvait pas dans l’offre française naissante. On a lancé l’aventure Fermenting & Co ensemble, en 2021.

« Par rapport à la première année où l’on nous regardait un peu comme des ovnis, on sent que de plus en plus de gens connaissent et s’intéressent au kombucha », Alexia Arrivé, cofondatrice de Fermenting & Co.

Depuis, les produits sont référencés dans un peu plus d’une centaine de points de vente, situés dans le grand Ouest principalement. « L’année dernière, on a produit 17 000 bouteilles de kombucha, une petite production artisanale, en phase avec nos valeurs. Raisonnablement, j’espère doubler la production cette année pour pouvoir, à terme, recruter un CDI. » Elle ajoute : « Nous n’utilisons que du fruit frais bio que l’on transforme nous-mêmes et travaillons exclusivement avec un réseau d’épiceries fines, Biocoop, cavistes, bars et restaurants. »

« Par rapport à la première année où l’on nous regardait un peu comme des ovnis, on sent que de plus en plus de gens connaissent et s’intéressent au kombucha. Nous avons imaginé quatre saveurs et fabriquons également des ginger beers (limonade de gingembre fermentée) et des infusions fermentées (sans thé), afin de proposer une gamme 100 % française (à part quelques rares projets, le thé ne se cultive pas en France, NDLR). »

Parmi ses axes de développement, la jeune dirigeante vise notamment les restaurants étoilés. « Nous avons déjà trois clients qui travaillent notre kombucha en granité ou en sauce. Ce travail en cuisine les intéresse beaucoup, au même titre que celui sur les accords mets/boissons sans alcool. »

1 Si le kombucha ne présente pas de danger pour la santé, sa consommation est notamment déconseillée aux femmes enceintes (c’est un produit non pasteurisé avec des traces d’alcool liées à la fermentation) et aux personnes présentant des problèmes de foie.