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Garder le cap : quand le management s’inspire de la voile

Gouverner une entreprise et naviguer en mer partagent des valeurs communes : fixer un cap, affronter les crises et apprendre des expériences passées. Ces parallèles, abordés lors d’une table ronde d’ADN Ouest dans le hangar du skipper Arnaud Boissières en marge du Vendée Globe, montrent comment les dirigeants peuvent s’inspirer de la navigation pour guider leurs équipes.

Vendée, La Mie Câline, Arnaud Boissières, Vendée Globe

La bateau d'Arnaud Boissières, sponsorisé par La Mie Câline. ©Christophe Favreau La Mie Câline

Tout commence avec la définition d’une trajectoire claire, basée sur des valeurs solides. Pour Stéphane Vrignaud, fondateur d’Optesys Conseil, le cap de l’entreprise doit s’ancrer dans sa mission et ses principes, véritables boussoles pour les équipes. « Nos valeurs constituent notre étoile polaire et guident nos actions », explique-t-il. « Nous réajustons notre cap chaque année pour répondre aux évolutions du marché et aux attentes de nos clients. » Cette ligne directrice partagée permet de s’orienter et de garder le cap malgré les turbulences.


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Ce même cap se décline dans une approche structurée chez Beneteau, où Jean-François Pasquier, directeur des systèmes d’information, applique une méthode en trois temps : envisager, mobiliser, activer. Ce modèle tend à créer une image claire, capable de donner envie aux collaborateurs de se dépasser. « Une vision, c’est un cap concret et atteignable », précise-t-il. Pour assurer le suivi, les objectifs sont revus chaque trimestre, afin d’ajuster la trajectoire. Cette méthode génère de l’engagement, car chacun comprend sa mission et sa contribution au succès collectif.

Ajuster la voilure et garder le cap

Mais fixer un cap ne suffit pas. Comme en mer, le chef d’entreprise doit anticiper et se tenir prêt à gérer des crises, parfois imprévues. Jean-François Pasquier partage son expérience d’une cyberattaque contre Beneteau en 2021, où réactivité et organisation ont été vitales pour limiter l’impact : « C’était comme une guerre ; nous avons dû intervenir vite pour protéger l’activité. » Cette épreuve, bien que brutale, a renforcé la solidarité de l’équipe, un ingrédient clé pour affronter les tempêtes. La capacité à réagir rapidement, tout en maintenant une cohésion parfaite, est en effet indispensable pour traverser les zones de turbulence.

Les crises imposent aussi d’adapter la communication, qui doit évoluer en fonction des circonstances. Paul Bellavoine, PDG du groupe FBO, compare cela aux manœuvres en mer, où chaque membre de l’équipage doit comprendre son rôle. « En période de calme, la participation et l’échange sont importants », explique-t-il, « mais en situation de crise, la communication doit devenir plus directive. » Ce changement de ton, comme un ordre rapide lancé par un skipper, permet d’éviter les erreurs et de garder l’équipe engagée.

Apprendre de chaque traversée

Ce retour d’expérience, cette capacité à apprendre de chaque traversée, forgent des équipes plus solides et prêtes à affronter de nouveaux défis. Pour Stéphane Vrignaud, chaque fin de projet est une occasion de faire le point. « Ce qui compte, ce n’est pas de refaire l’histoire, mais de tirer les bonnes leçons pour l’avenir », souligne-t-il. Christophe Caradec, fondateur de Collmate, adopte une approche similaire en intégrant la voile au leadership d’entreprise. « Valoriser les talents de chacun dans des moments clés nourrit la motivation collective », poursuit-il. Cette réflexion permet de construire une dynamique où chaque membre de l’équipe se sent reconnu et impliqué.

Enfin, comme un skipper ajuste la voilure selon les conditions, un dirigeant doit savoir adapter ses priorités aux réalités du terrain. Jean-François Pasquier compare cette agilité à la gestion des risques en mer : « On ajuste la voilure en fonction du vent, tout comme on réévalue nos projets pour maximiser leur valeur ajoutée. » Cet équilibre entre robustesse et flexibilité est essentiel pour maintenir la performance et la cohésion, même face à l’incertitude. Paul Bellavoine renchérit sur l’importance de cette réactivité : « Lors d’un incident, chaque membre de l’équipe sait qu’il peut jouer un rôle pour minimiser les impacts. »

En s’inspirant de la voile, les dirigeants semblent mieux armés pour conduire leurs équipes à travers les défis actuels. Mais alors que les entreprises évoluent dans des environnements de plus en plus incertains, une question se pose : quelles nouvelles compétences devront-ils encore développer pour garder le cap demain ? L’avenir dira si ces stratégies insufflées des navigateurs suffiront ou si d’autres approches viendront compléter cet art du leadership, en constante adaptation.