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Entretien avec Ronan Collin et Kévin Gougeon, cofondateurs de N’Go Shoes : « Il faut arrêter de surconsommer »

Ils avaient 25 ans quand ils ont créé N’go shoes, spécialiste des sneakers éthiques et écoresponsables. Cinq ans plus tard, Ronan Collin et Kévin Gougeon font travailler cinq personnes à Nantes, soutiennent le savoir-faire d’artisanes vietnamiennes et s’apprêtent à fêter les cinq ans d’activité de leur entreprise désormais certifiée Be corp. L’occasion de s’arrêter sur le chemin parcouru et de se projeter dans l’avenir.

Ronan Collin et Kévin Gougeon, cofondateurs de N’Go Shoes

Ronan Collin et Kévin Gougeon, cofondateurs de N’Go Shoes © N’go

Comment est née votre envie entrepreneuriale ?

Kévin Gougeon : Nous sommes des amis d’enfance. Nos deux moteurs ont été le désir d’avoir plus de sens dans ce que l’on faisait et l’envie d’aventure. On n’a pas suivi de cursus pour être entrepreneurs, on n’a pas fait d’école de commerce. Moi j’ai fait des études pour être expert-comptable et j’ai travaillé dans un cabinet pendant cinq ans. Ronan, lui, a travaillé au Vietnam pour une ONG. On a tous les deux pas mal voyagé. On a notamment fait un premier voyage ensemble au Pérou après le bac, durant lequel on a aidé à construire une crèche dans un bidonville. C’est d’ailleurs là-bas que l’on a découvert l’artisanat ethnique. Et c’est, en tout cas pour ma part, ce qui m’a donné envie de voyager de nouveau. En 2015, durant un séjour au Mexique, je me retrouve une fois encore à traîner dans les marchés de créateurs avec, en parallèle, l’envie de changer de boulot… Du coup, naît une vague idée autour de l’artisanat et j’en parle à Ronan, qui revient du Vietnam. Il connaît bien ce pays, les coopératives d’artisanat, parle la langue et donc tout naturellement c’est ce pays que l’on retient. Il y repart en 2016 et l’on monte tout depuis là-bas. Au moment où il repart, on ne s’est pas encore fixés sur la chaussure. On sait juste que l’on veut travailler avec des artisans, dans une démarche équitable, mettre en place un cercle vertueux, tant pour les parties prenantes internes qu’externes.

Ronan Collin : Une fois au Vietnam, tous ceux que j’ai rencontrés étaient des fabricants ou étaient liés à des fabricants de chaussures car ils ont un énorme savoir-faire là-dessus. J’ai soumis l’idée à Kévin et il m’a dit : « fonce ! ».

Comment a démarré l’aventure N’go shoes ?

RC : On n’était pas du tout du métier, donc on a dû l’apprendre. Ça a pris du temps et il nous reste encore plein de choses à découvrir ! Au départ, on voulait fabriquer des chaussures 100 % naturelles. On s’est un peu cassé les dents en utilisant des matières premières comme le chanvre, le coton bio, en utilisant de la teinture végétale. Au bout de quelques jours, elles étaient complètement abîmées, ça déteignait… Je faisais tout à la main, dégorger, sécher sur mon toit… c’était très artisanal ! On a donc décidé de partir sur des fournisseurs plus qualifiés et plus durables dans le temps. Car, au final, on parle toujours de matériaux pour l’écologie, mais ce qui fait une marque écoresponsable c’est la durabilité de ses produits. C’est là-dessus que l’on continue d’ailleurs de travailler aujourd’hui avec toute l’équipe, pour cette raison aussi que l’on a embauché un contrôleur qualité. Aujourd’hui, une paire de nos sneakers dure en moyenne un an.

KG : On est une société commerciale, mais en même temps, on ne veut pas pousser à la surconsommation et donc, derrière, à la surproduction. D’ailleurs, on ne fait pas de promotions, pas de soldes, sauf sur les fins de série. On n’est pas non plus dans une logique de sortir x collections comme dans la mode pour pousser à la vente. Chez nous, un modèle qui fonctionne, on le garde, il est permanent à toutes les saisons sur plusieurs années. Notre meilleure vente aujourd’hui est d’ailleurs un modèle qui date de fin 2018.

 

On parle beaucoup de relocalisation industrielle. Quel est votre avis au vu de votre activité ?

KG : La RSE est aujourd’hui très orientée environnement, mais on oublie de parler des conditions de travail et du volet social. C’est caché derrière la relocalisation industrielle. Sauf qu’elle ne concerne qu’une extrême minorité. Même si on y arrive, ça va prendre des années et il faudra énormément de machines et surtout suffisamment de personnes qui ont le savoir-faire sur ces machines. En attendant, n’oublions pas qu’il y a des millions de personnes dans le monde qui sont exploitées et vivent extrêmement mal. Notre cœur de bataille est aussi là. Oui, on travaille sur notre bilan carbone, les matières premières recyclées, mais on n’oublie pas non plus les personne…