Pouvez-vous présenter le projet d’Equium ?
Notre ambition est de proposer une solution écologique et sobre pour couvrir un besoin humain basique, le confort thermique, en s’appuyant sur une technologie durable, la thermoacoustique, différente de celle utilisée depuis 120 ans dans les frigos et pompes à chaleur (PAC).
Quel est le principe de la thermoacoustique ?
Il s’agit d’un phénomène naturel complexe, à la croisée des chemins entre trois disciplines : la thermique, l’acoustique et la mécanique des fluides. Il correspond à la propension d’une onde sonore à échanger de la chaleur avec un solide ou un liquide.
C’est en faisant de la cryogénie (1) que ce principe a été découvert. Les machines des chercheurs se mettaient en résonnance et cassaient subitement. C’est comme ça que mon père, qui était enseignant et chercheur en cryogénie, s’est passionné pour la thermoacoustique.
Cela signifie que le son transporte de l’énergie thermique ?
Effectivement, les ondes acoustiques sont un vecteur de transfert thermique (chaud ou froid) quelle que soit leur puissance. Lorsque vous parlez, vous générez 10-6 W de chaleur. Lorsque vous hurlez, c’est 10-4 W. Enfin, à très forte puissance (200 dB), on transporte des kW de chaleur. Le principe est le suivant : une onde acoustique est le mouvement d’un gaz autour d’un point fixe. En avançant, les ondes se compriment et s’échauffent. Et en revenant à leur position initiale, elles se détendent et se refroidissent. On a mis 15 ans de R&D, pour comprendre et créer des machines qui utilisent cette propriété thermique naturelle du son que l’on appelle la compression harmonique.

Equium est en pleine industrialisation de sa pompe à chaleur harmonique.
Pouvez-vous expliquer de manière simple son fonctionnement ?
Nos machines sont constituées d’un haut-parleur très spécifique qui génère une onde acoustique de forte puissance dans un gaz de travail neutre, l’hélium. Cette onde traverse deux échangeurs de chaleur, l’un, connecté à la source froide extérieure, l’autre, connecté à la source chaude intérieure (radiateur, plancher chauffant). En passant entre ces échangeurs, l’onde acoustique pompe de la chaleur, selon la fréquence de résonance du système de 100 Hz, soit 100 fois par seconde. Bien entendu, l’onde acoustique reste confinée à l’intérieur du système, ce qui permet à nos machines d’être silencieuses.
Quelle innovation ce principe vous a-t-il permis de développer ?
Nous avons développé une brique technologique, cœur d’un nouveau type de PAC : la PAC harmonique. Elle est plus performante et durable, mais aussi plus simple à installer, maintenir et utiliser qu’une PAC classique. Nous apportons ainsi une alternative aux compresseurs mécaniques de vapeur utilisant des fluides frigorigènes nocifs pour la planète et à fort potentiel de réchauffe- ment climatique.
Quelles sont vos objectifs avec la création de cette PAC d’un nouveau genre ?
Nous souhaitons participer à la réindustrialisation de la France en développant une filière unique française de pompes à chaleur harmoniques fédérant des acteurs institutionnels, universitaires, industriels et financiers du territoire. Cela permettra le développement d’emplois locaux à haute valeur ajoutée (18 ont déjà été créés) en ayant un fort impact économique, social et écologique. Le tout pour répondre aux objectifs du Giec de réduction de 55 % des émissions de CO2 en Europe d’ici 2030.

Ce démonstrateur permet aux ingénieurs de produire en temps réel du froid à partir d’une onde sonore.
En quoi vos pompes à chaleur sont-elles écologiques ?
Nos systèmes sont sans gaz à effet de serre. Ils affichent donc une empreinte carbone très faible et sont conçus à par- tir de matériaux 100 % recyclables. Leur durée de vie est de l’ordre de 30 ans, soit deux fois plus qu’une pompe à chaleur classique. De plus, nos systèmes ne nécessitent pas de maintenance et sont très efficaces. On va donc rendre le même service qu’une pompe à chaleur classique mais avec une régulation plus flexible à l’instar du pilotage du son qui génère un meilleur confort thermique, tout en affichant un impact CO2 50 % inférieur et une consommation d’énergie moindre de 20 %. Le tout pour un coût et un encombrement équivalent.
Chez nous, on appelle ça faire du simplexe : simple à utiliser, extrêmement complexe à réaliser.
En quoi peut-on considérer qu’il s’agit d’une innovation de rupture ?
Pour produire du chaud et du froid, on utilise depuis le XIXe siècle la compression…