Pourquoi avoir choisi Nantes pour ouvrir le premier e-garage de France en octobre 2022 ?
Parmi les cofondateurs, il y avait un Rennais, un Nantais et moi-même, originaire de Paris. Il est donc logique d’avoir cherché à implanter notre atelier dans l’Ouest. Après avoir visité différents sites, on a choisi de s’installer à Carquefou. Car il y avait, notamment, un nombre important de voitures électriques et hybrides hors garantie sur ce territoire.
De quel constat est né Revolte ?
Pour qu’une voiture électrique décarbone, il faut qu’elle roule plus longtemps qu’une thermique. Avec le mix énergétique français actuel, si une électrique atteint 400 000 ou 500 000 kilomètres, elle devient 80 à 90 % plus vertueuse qu’une thermique. La manière la plus impactante de réduire les gaz à effet de serre sur la mobilité, c’est donc d’allonger la durée de vie des voitures électriques. C’est exactement l’ambition de Revolte, faire durer cent ans les voitures électriques pour espérer laisser une planète vivable à nos enfants.
Pourquoi avoir choisi de prendre part à l’aventure Revolte ?
À l’origine du projet, il y a Raphaël Daguet, le créatif qui a pensé, pendant le confinement, à créer une marque automobile engagée autour du slogan « pour que ça dure cent ans », et mon ami Lucas Mesquita, le financier. À l’époque, j’étais en poste chez Cityscoot, une start-up qui produisait des scooters électriques et chez qui je voulais déployer des vélos électriques. Mais le Covid nous a empêchés de lancer le projet. Lucas m’a alors proposé de rejoindre Revolte sur la partie marketing et j’ai sauté sur l’occasion.
Comment avez-vous financé la start-up au départ ?
L’ensemble des cofondateurs ont mis de l’argent de leur poche. On s’est retrouvé avec 110 k€ pour démarrer et créer notre premier proto. Cet apport nous a également permis d’obtenir des prêts bancaires pour ouvrir l’atelier de Carquefou.
Justement, comment a démarré l’activité à Carquefou ?
Notre ambition était de devenir un constructeur automobile et de proposer des voitures faciles à réparer et modulables. Nous avions également envisagé de proposer du rétrofit, qui consiste à convertir des véhicules thermiques en électriques. Mais après avoir échangé avec des clients, garagistes et experts, on a découvert que le service après-vente sur les véhicules électriques était très en retard, voire inexistant. Le sentiment global des automobilistes pionniers de l’électrique était l’abandon. Ils n’avaient personne vers qui se tourner pour réparer leur véhicule, si bien que bon nombre de voitures électriques étaient inutilisables alors qu’elles n’avaient même pas dix ans. On a donc pivoté sur un modèle de réparation et d’entretien.
Le sentiment global des automobilistes pionniers de l’électrique était l’abandon
Étiez-vous attendus sur ce créneau ?
Oui, mais par un cercle très restreint de pionniers de l’électrique… Peut-être cent ou deux cents personnes. On s’attendait à un démarrage compliqué, car l’atelier était très grand. Nous avons été inquiets les trois premières semaines mais on a eu la chance d’avoir rapidement des articles de presse et de bénéficier du bouche-à-oreille. Si bien qu’on s’est vite retrouvé avec un flux de clients trop important avec une centaine de personnes sur liste d’attente. On est toujours sous l’eau depuis !
Quelles sont les prestations les plus courantes que vous assurez et qui sont vos clients ?
Notre métier, c’est principalement d’apporter de la valeur sur des voitures électriques et hybrides hors garantie. On est en quelque sorte le « Dr House » du diagnostic et de la réparation sur ces véhicules qui arrivent en général chez nous avec des pannes très complexes : moteur, chargeur, batterie, faisceau… La grande majorité de nos clients sont des particuliers qui n’ont pas réussi à faire réparer leur voiture ou qui nous sollicitent pour la réparer à un coût moindre que chez le constructeur. Nous travaillons également comme sous-traitants pour d’autres garages qui nous confient les voitures de leurs clients.
Quel est le ticket moyen d’une réparation chez Revolte ?
Il se situe entre mille et cinq mille euros et Revolte n’a jamais réalisé un devis au-dessus de dix mille euros. Ce sont des sommes importantes mais il faut garder en tête que plus d’une voiture sur deux arrive chez nous avec un devis au-dessus de dix mille. Et certains dépassent les trente mille euros !
Où en est Revolte aujourd’hui ?
Nous assurons désormais trois activités : la réparation côté garage, la formation à la mécanique électrique au sein de l’académie Revolte et le réseau des garages branchés que nous avons lancé en début d’année. Les réparations représentent 75 % de notre chiffre d’affaires (750 k€ en 2023), l’académie 20 % et le réseau les 5 % restants. Revolte affiche une croissance qui a plus que doublé tous les ans depuis notre création. On est désormais une trentaine, on a assuré près de deux mille réparations et formé près de deux cents personnes. Et on a aujourd’hui trois ateliers, notre vaisseau amiral à Carquefou, un atelier d’électronique en Ille-et-Vilaine et un atelier relais en Île-de-France. Sur la partie garage et formation, on a atteint la rentabilité. En revanche, on n’est pas encore à l’équilibre sur le réseau des garages branchés. L’objectif est qu’on y parvienne en 2026.
Lire aussi
Premier e-garage de France : « Un démarrage exceptionnel »
Qu’est ce qui démarque Revolte d’un garage traditionnel ?
On est des « pure players » électriques. On a une équipe, des procédures, des outils, du software et une logique d’apprentissage continu. Quand on s’attaque à une panne, on ne peut pas se permettre de remplacer uniquement le composant défaillant. On doit avant tout la comprendre. C’est pour cette raison que l’on accepte de prendre des voitures dans l’atelier avec des pannes pour lesquelles personne n’a trouvé de solution. Quand on l’identifie, on la documente et l’on trouve des outils pour mieux la traiter à l’avenir. On passe donc, petit à petit, d’une logique de pionnier à celle d’un laboratoire de recherche avancée.
C’est avec cette ambition que vous avez lancé, en ce début d’année, le « réseau des garages branchés » ?
Exactement ! Cette base de connaissances constitue le réacteur nucléaire de Revolte et c’est ce qui a le plus de valeur. Au départ, c’était une sorte de boîte noire qu’on gardait pour nous, mais on a décidé de l’ouvrir aux garages en leur proposant, via un abonnement mensuel, de devenir membre du réseau des garages branchés. Faire partie de ce réseau permet de bénéficier d’une réduction sur nos formations, sur l’achat de matériel (borne de recharge, table élévatrice, pont). Et aussi d’avoir accès à notre plateforme de documentation en ligne pour assurer les premiers diagnostics et révisions, ainsi qu’au support technique.
L’objectif, c’est d’aider ces garages à monter en compétences sur une partie des pannes qu’on sait résoudre. Et au passage, ça nous permet de nous concentrer sur les pannes les plus complexes. Pour le moment, on a une quinzaine de garages abonnés et deux cent quarante préinscrits.
Vous êtes passés en moins de trois ans de trois à trente salariés. Comment recrutez-vous ?
On a créé notre parcours de formation, ce qui nous permet de recruter des profils moins capés que d’autres garages qui souhaiteraient se lancer dans l’électrique. En s’appuyant sur l’académie, on est capable de faire monter en compétence n’importe quel mécanicien. On a également la chance de recevoir de nombreuses candidatures spontanées, même trop par rapport à nos besoins. On a conscience que c’est parce qu’on est jeune et innovant, et que cela ne durera pas. Le recrutement deviendra, pour nous aussi, une des problématiques clés de demain.
Quels profils formez-vous au sein de l’académie ?
On forme des chefs d’atelier qui veulent comprendre l’électrique, car ils savent que ça va être un enjeu d’avenir pour leur garage et veulent se former avant d’envoyer leurs mécanos. Mais aussi des garagistes qui nous contactent pour se former vite en nous disant « j’ai 58 ans et je dois céder mon garage et je sais que si je n’ai pas commencé à prendre le virage de l’électrique, il ne sera pas vendable ».
On va aussi accueillir des « cotech », des mécaniciens de haut niveau qui sont les meilleurs diagnostiqueurs de leur atelier et des juniors qu’on nous envoie pour qu’ils deviennent le « monsieur électrique » du garage. Enfin, on forme quelques chefs d’entreprise et gestionnaires de flotte pour qu’ils acquièrent les bases de l’électrique ou parce qu’ils hésitent à rejoindre notre réseau.
Justement, comment souhaitez-vous voir évoluer « les garages branchés » ?
On s’est demandé si on avait envie de racheter au tribunal de commerce des garages aux quatre coins de la France pour lancer notre activité ou si on préférait aider les garages à revenir à l’origine de leur métier, la réparation. On est beaucoup plus à l’aise avec la deuxième vision et notre objectif est que le réseau atteigne rapidement deux cents membres.
Si on se retrouve comme on l’espère avec des milliers de garages branchés d’ici quelques années en Europe, on sera ainsi plus efficaces et rapides. Et on pourra surtout démultiplier notre impact pour allonger la durée de vie des électriques et hybrides.
Lire aussi
Revolte passe la seconde !
Quels sont les principaux défis que vous avez relevés depuis la création de Revolte ?
Les principaux challenges que nous avons relevés sont liés à l’accès aux pièces et à la connaissance. Car au départ, on a réparé beaucoup de véhicules dont le constructeur n’existait plus. Ça a été un casse-tête : il a fallu trouver des outils hardware et software, des ordinateurs capables de supporter ces outils… Sans oublier la compétence technique qu’on est souvent allé chercher auprès de personnes qui avaient bossé pour ces constructeurs disparus.
Comment les constructeurs perçoivent-ils votre activité ?
On en a rencontré un certain nombre et les discussions ont toujours été fluides. Pour les « historiques », qui ont leur réseau de réparation, nous sommes en concurrence sur certaines pannes. Nos discussions sont saines et on leur conseille de nous faire travailler en sous-traitance. Sur les néo-constructeurs qui ont leur réseau comme Tesla, ce n’est pas facile d’avoir la force de frappe pour affronter la vague qui se profile. Mais le jour où notre réseau atteindra cent garages branchés, on est convaincu qu’on pourra les aider à réparer leurs véhicules. Enfin, pour les néo-constructeurs sans réseau, on est déjà en contact avancé avec plusieurs d’entre eux. On est par exemple partenaires d’Energica, une marque italienne de motos électriques.
Quels sont vos enjeux actuellement ?
Doubler ou tripler la taille de l’équipe et multiplier nos sites tout en conservant l’état d’esprit de pionnier, la solidarité et la capacité d’innovation en s’appuyant sur notre laboratoire de recherche avancée. L’autre enjeu est de réussir à faire coexister deux métiers au sein de nos équipes : les mécanos qui proviennent en général de PME et les startupers qui savent itérer des produits rapidement. Il faut réussir à embarquer tout le monde dans le projet.
Enfin, vu qu’on commence à être une référence dans le monde des voitures électriques hors garantie, les clients sont de moins en moins patients. Ça nécessite une réorganisation, y compris dans la manière de communiquer. Il faut leur rappeler que les pannes sont toujours très complexes, que les pièces détachées peuvent être difficiles à trouver, et que malgré toute notre bonne volonté, on ne peut pas faire de miracle.
Est-ce que le concept de Revolte existe déjà à l’étranger et envisagez-vous un développement à international ?
Nous sommes les seuls à proposer à la fois de la réparation, de la formation et des services via le réseau de garages. Et effectivement, on compte déployer Revolte à l’international. Mais on va y aller étape par étape. On va commencer par se focaliser sur le marché français des voitures électriques et hybrides hors garantie : on parle de quelques centaines de milliers de véhicules aujourd’hui, mais d’un million d’ici deux ou trois ans ! Notre activité va donc sérieusement s’accélérer dans les années à venir.
Pour le réseau de garages branchés, on a déjà eu des demandes de l’étranger et des partenaires nous ont proposé de traduire toutes les connaissances qu’on a consignées. Ça n’est pas l’urgence… On préfère d’abord renforcer le réseau avec d’autres garages francophones et on a d’ailleurs un premier garage belge qui vient de nous rejoindre.
Devenir le vaisseau amiral de la décarbonation automobile
Quels sont les principaux objectifs de Revolte à cinq ans ?
Avoir des milliers de garages branchés dans toute l’Europe et devenir le vaisseau amiral de la décarbonation automobile. On souhaite également que la marque soit reconnue à l’international pour la réparation mais aussi pour aider les automobilistes à choisir leur prochain véhicule. On pense également être légitime pour s’exprimer sur le sujet de l’indice de réparabilité, qui existe déjà dans l’électroménager et qui doit arriver prochainement dans l’automobile. S’il voit le jour, on s’appuiera sur lui pour aider les constructeurs de véhicules électriques à convaincre leurs clients qu’ils sont meilleurs que les constructeurs traditionnels sur la durée de vie des véhicules.
On est également en train de réfléchir à notre expansion et on envisage de créer un atelier de formation plus conséquent pour toucher plus de garages et ajouter plus de pannes réparables à notre catalogue. Étant donné qu’on ne peut pas demander à des mécaniciens de Mulhouse ou Nice de venir à Nantes, on va devoir penser au maillage de nos centres de formation, avec la création de nouveaux ateliers qui abriteront des centres de formation et des espaces techniques. Le prochain doit ouvrir en Ile-de-France. Ensuite, on ira naturellement mailler le reste du territoire.
Quels sont les derniers freins à lever pour optimiser la durée de vie des véhicules électriques et hybrides ?
Une voiture est un objet complexe qui peut perdre son droit à rouler. Le manque de pièces détachées est le premier frein. Car si on n’est plus en mesure de trouver des pièces neuves, d’occasion ou reconditionnées, les voitures ne seront plus réparables. Aujourd’hui, il n’existe pas d’obligation de durée de disponibilité des pièces détachées dans l’automobile. On a d’ailleurs pas mal de véhicules à l’atelier où la pièce défaillante n’est plus disponible alors que la voiture n’a pas dix ans.
L’autre frein, c’est l’accès à la data. Il y a une guerre pour savoir à qui elle appartient et si le constructeur a le droit d’empêcher le propriétaire d’une voiture d’y accéder. Sur ce point, les néo-constructeurs sont dans une logique d’ouverture. C’est le cas de Tesla, où le client peut désormais accéder à certains codes défauts de son véhicule et sur lequel un diagnostic à distance est possible. C’est un véritable tournant. Néanmoins, il ne faut pas trop attendre, car il serait dommage de raconter dans vingt ans à nos enfants que la voiture électrique a été une arme de décarbonation massive mais que les quinze premières années ont été un enfer de fake news et de complexité.
Est-ce que demain Revolte réparera d’autres engins électriques et proposera du rétrofit ?
Ce serait hyper logique pour nous de proposer du rétrofit, car au départ on souhaitait devenir constructeur automobile. De plus, on a les capacités, le personnel habilité et les formations nécessaires. On dispose également d’une documentation qu’on peut intégrer dans un outil accessible en interne comme en externe. D’ailleurs, on a déjà bossé sur le rétrofit pour Noil, une start-up qui convertit à l’électrique des mobylettes et des Solex. On continue les échanges avec les rétrofiteurs et on sera ravi de les aider quand ils passeront à l’étape industrielle.
En revanche, sur le métier de réparateur de cycles et petites mobilités, Revolte a moins sa place en raison du coût horaire de notre main-d’œuvre. Mais avec l’avènement des vélos-cargos, qui coûtent quasiment tous plus de 3 000 €, on se dit qu’il y a sans doute quelque chose à faire…