Couverture du journal du 02/12/2024 Le nouveau magazine

Aéronautique : la décarbonation passe par la région nantaise 

Airbus Atlantic, EDF, Xsun, WaltR et d’autres entreprises, grands groupes ou start-up installées dans la région, sont engagées dans une course contre la montre pour décarboner le transport aérien. Leurs innovations vont transformer ce dernier à l’horizon 2035.

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Le drone d’Xsun, start-up basée à Guérande, a volé jusqu’à 12 heures en totale autonomie grâce à ses panneaux solaires © Xsun 

N’allez pas croire que chacun travaille de son côté. Si les équipes sont concentrées sur leurs recherches, c’est un véritable écosystème qui s’est mis en place au fur et à mesure dans la région nantaise. Les liens tissés sont évidents quand on écoute les responsables de ces différentes unités réunis le 5 décembre dernier à l’aéroport Nantes Atlantique à l’issue d’un job dating organisé par le club de Loire-Atlantique “Les entreprises s’engagent” et Vinci Airports.  

Les recherches engagées sur la décarbonation portent principalement sur les avions, les infrastructures et l’énergie employée. « Chez Airbus, nous avons une feuille de route autour de trois axes. Le premier est la gamme d’avions dite Néo, qui consomment moins (-30 %) et sont moins bruyants (-30 %), mais c’est une solution à court terme. Le deuxième axe porte sur les carburants de synthèse, carburants durables d’aviation (SAF : sustainable aviation fuel) qui permettent moins d’émissions de CO2 (-27 %), une solution déjà effective pour toutes les rotations avec les Beluga et une liaison affrétée par Air Corsica. Et enfin, il y a l’avion de demain, l’avion hydrogène, qui fait rêver les ingénieurs et relève d’un vrai défi technologique », résume Yves-Olivier Lenormand, responsable des relations institutionnelles au sein d’Airbus Atlantic, filiale à 100 % d’Airbus spécialisée en aérostructures. 

Premier vol à l’hydrogène en 2028 

« La décarbonation est un changement majeur dans l’histoire de l’aéronautique. Il existe une dynamique extrêmement forte pour produire de l’hydrogène renouvelable, vert et bas carbone, et nous avons tous les usages de stockage. Dans le secteur de l’aérospatiale, Ariane utilise la molécule d’hydrogène pour propulser ses fusées à 28 000 km/h en toute sécurité. Il existe tout un écosystème en cours de développement permettant à l’échéance 2035 de faire fonctionner nos avions avec de l’hydrogène pur. À force d’intensifier la production d’hydrogène, on parviendra à un prix compétitif de la molécule. L’utilisation de l’avion doit pouvoir avoir des perspectives économiques intéressantes », résume Loïc Buffet, chef de projet hydrogène chez Airbus Atlantic.  

À force d’intensifier la production d’hydrogène, on parviendra à avoir un prix compétitif de la molécule.  Loïc Buffet, Airbus Atlantic 

« Nous visons l’entrée en service commerciale d’un avion zéro émission de carbone en 2035, mais nous avons beaucoup d’étapes intermédiaires, avec des échéances tous les ans. À Nantes, nous produisons aujourd’hui des réservoirs à hydrogène qui sont des prototypes de petite échelle. Nous allons intégrer de plus en plus de personnes. Toutes les composantes d’un nouvel avion à hydrogène sont en train d’être fabriquées en Europe. Un premier vol est prévu en 2028 sur une plateforme constituée avec un A 380 modifié pour accueillir un cinquième moteur à hydrogène avec une pile à combustible. D’autres essais seront menés en combustion en brûlant directement de l’hydrogène dans un turbo réacteur », ajoute l’ingénieur d’Airbus Atlantic.   

 Carburant de synthèse : une unité de production dans l’estuaire 

La difficulté reste la faiblesse de la production de carburant durable. C’est la raison du projet Take Kair qui vise l’installation dans l’estuaire de la Loire d’une unité de production de carburants synthétiques durables, à l’initiative d’EDF, d’Holcim, IFP Energies nouvelles et Axens. Air France KLM s’engage dans l’opération pour alimenter ses avions avec ce nouveau carburant. « Nous nous inscrivons dans la feuille de route de décarbonation de l’aérien. Car il y a une vraie difficulté à se procurer ce carburant de synthèse. L’accord de développement du projet Take Kair a été signé cette année au Bourget. Il s’agit de capter du CO2 issu de la fabrication du ciment de l’unité Holcim en Mayenne, de produire de l’hydrogène et, à travers un certain nombre de procédés, de recréer du kérosène, en le produisant directement ici sur notre territoire dans l’estuaire de la Loire », rappelle Hervé Rivoalen, directeur régional d’EDF. La construction de l’unité de production, un investissement de 600 M€, devrait intervenir en 2026 pour un début de production en 2028 ou 2029 de l’ordre de 35 000 tonnes de kérosène. 

Des drones solaires pour éviter les vols carbonés   

Mais dans le domaine de l’innovation, les “petits” tirent aussi leur épingle du jeu. À Guérande, la start-up Xsun, créée en 2016, a déposé plus de vingt brevets, en Europe et aux États-Unis, levé 15 M€ et bénéficié du soutien de Bpifrance en tant que concepteur et exploitant de drones solaires innovants à forte endurance, 100 % autonomes.  

« Ce drone est électrique et grâce à ses panneaux solaires sur les ailes il va pouvoir se recharger en vol et augmenter son autonomie. Nous avons réalisé un vol dans des conditions record jusqu’à 12 heures. L’intérêt est de ne générer aucun CO2 en vol avec une charge utile à bord de 4 kg qui permet d’acquérir des données pour différents types de missions, permettant d’éviter des vols en avion ou en hélicoptère au-dessus de la terre ou de la mer pour obtenir les mêmes données », précise Patrick Raballand, directeur de production qui, après 15 ans chez Airbus, a rejoint Xsun créée par Benjamin David.  

L’usine de production doit voir le jour sur 750 m2 à Kerquessaud à Guérande. 

 Traquer la pollution à la source 

Pour sa part, Arnaud Dedieu a cofondé WaltR en 2018, une entreprise issue du Centre National des études spatiales (CNES), pour traquer la pollution à la source. Une unité de cinq personnes profite de l’incubateur Centrale Audencia à Nantes pour se développer localement en proposant des solutions de tracking des émissions polluantes par imagerie. « Cela permet de voir le déplacement des polluants et remonter aux sources d’émissions. Car pour agir le plus efficacement possible pour réduire la pollution, il faut agir sur ces dernières. Nous utilisons les satellites européens de la galaxie Copernicus. Nous pouvons mailler l’ensemble de la ville de Nantes, remonter aux principales sources d’émissions dans la métropole et permettre à celle-ci d’intervenir sur les sites les plus critiques. Pour un suivi en temps réel d’une zone, nous pouvons passer sur des caméras hyper spectrales disposées au sol. C’est le cas dans les aéroports, avec des traqueurs d’émissions des moteurs auxiliaires des avions au sol qui représentent 10 % des émissions des plateformes ». Preuve que le combat de la décarbonation se fait sur tous les fronts et toutes les altitudes.