Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Nouveau cap pour le port de Nantes Saint-Nazaire

Après la crise sanitaire, la situation s’est encore dégradée en 2021 pour le Grand port maritime de Nantes Saint-Nazaire. En cause : l’arrêt de la raffinerie Total et la baisse d’activité du méthanier Elengy. De quoi pousser la direction à mettre en place une nouvelle stratégie tournée vers la transition énergétique, avec 500 M€ d’investissements à la clé.

Le port de Nantes Saint-Nazaire

Le port de Nantes Saint-Nazaire s’étend sur 60 kilomètres et couvre une superficie de 2 700 hectares. © D. R.

Après une année 2018 où le trafic du port Nantes Saint-Nazaire a atteint les 30 millions de tonnes et généré 28 500 emplois (lire l’encadré), les années 2019 à 2021 ont réservé bien des surprises à cet équipement structurant du territoire. En 2019, de forts mouvements sociaux liés à la réforme des retraites ont impacté l’ensemble des trafics. Néanmoins, le port a tout de même traité près de 30 millions de tonnes sur l’année. L’année 2020 a été plus compliquée puisque la pandémie a brutalement ralenti l’activité économique mondiale et a redéfini les chaînes logistiques. Cela s’est traduit par une baisse des trafics de véhicules, mais aussi de produits aéronautiques, et de conteneurs. L’année s’est clôturée sur un trafic de 28 millions de tonnes (-7 % par rapport à 2019).

En 2021, la situation s’est encore dégradée, et ce pour deux raisons majeures. D’une part, la raffinerie Total energies a entamé son grand arrêt. Elle suspend tous les six ans son activité de manière à contrôler les installations et remplacer les éléments défectueux. D’autre part, le terminal méthanier Elengy a connu une baisse conjoncturelle d’activité. Avec la crise sanitaire en plus, le trafic 2021 du port a dégringolé à 19 millions de tonnes, soit le niveau des années 1980.

Olivier Tretout, directeur général du Grand port maritime Nantes Saint-Nazaire

Olivier Trétout, directeur général du Grand port maritime Nantes Saint-Nazaire © D. R.

500 M€ D’INVESTISSEMENTS SUR DIX ANS

Cette fragilité sur les flux énergétiques a souligné le besoin d’adapter le fonctionnement de la structure, ce que confirme Olivier Trétout, le directeur général : « Dans les faits, le modèle économique sur lequel le port fonctionne depuis 50 ans, c’est-à-dire gaz, pétrole, charbon, est en fin de vie. Sur le fond, ce sont la transition énergétique et la prévention du changement climatique qui nous ont amenés à repenser complètement le rôle du port sur les moyen et long termes. On se donne dix ans pour faire évoluer en profondeur notre modèle économique, précisément grâce aux investissements. »

Ces derniers, prévus sur les dix prochaines années, sont massifs, « de l’ordre de 500 M€, confirme le directeur général. Il s’agit d’investissements colossaux, à l’échelle de ceux réalisés il y a quelques décennies sur le parc nucléaire français ». Sur cette enveloppe, 150 M€ seront consacrés aux opérations d’entretien et de remplacement d’éléments de patrimoine portuaire, comme des grues ou une des portes écluses de la forme Joubert. Le côté terrestre du port ne sera pas en reste puisque 130 à 150 M€ d’investissements sont prévus sur cette même période. « Cela passera par la valorisation domaniale, c’est-à-dire l’aménagement et la construction de nouveaux entrepôts en location à destination des industriels et logisticiens », précise le responsable.

DES PARCS ÉOLIENS FLOTTANTS OFFSHORE EN PROJET

Concernant le volet énergétique, « nous sommes déjà engagés sur le parc éolien de Saint-Nazaire qui est en cours de déploiement en mer, poursuit Olivier Trétout. Nous pensons d’ailleurs pouvoir en réaliser un deuxième dans les années à venir avec la création du parc Yeu Noirmoutier pour lequel les discussions sont déjà bien avancées. En parallèle, nous travaillons sur le déploiement de parcs éoliens offshore flottants éloignés des côtes. Sur ce projet d’envergure, nous avançons main dans la main avec les autres ports de la façade atlantique (La Rochelle, Lorient, Brest) car il s’agit d’un enjeu national. À l’heure actuelle, le ticket d’entrée est difficile à estimer mais il se situerait entre 100 et 200 M€. »

Pour financer ces opérations, le port s’appuiera sur les ressources financières actuellement générées par les énergies carbonées, au minimum 110 M€ de subventions (Europe, État, Région, plan de relance), ainsi que sur un prêt bancaire d’environ 100 M€. Avec ce nouveau cap « vert », le premier port de la côte atlantique entend ainsi répondre aux enjeux de la transition, conforter son rôle de porte maritime du grand ouest, tout en atteignant les 100 M€ de chiffre d’affaires dès 2025 (71,8 M€ en 2021). « On n’a peut-être pas de pétrole dans la région mais on a des idées pour s’adapter à cette nouvelle donne. Et on a surtout la chance d’avoir du vent marin devant chez nous qu’il suffit d’aller chercher », conclut Olivier Trétout.

28 500 EMPLOIS ET 109000 PERSONNES CONCERNÉES

Quatrième grand port maritime français, le complexe industrialo-portuaire (CIP) de Nantes Saint-Nazaire est un employeur conséquent de la région puisque, selon les derniers chiffres de l’Insee, il faisait travailler 28 500 personnes dans 730 établissements en 2018, soit 8,8 % de plus qu’en 2015 (+2 300 salariés). Ce dynamisme, notamment porté par la construction maritime où les commandes s’enchaînent aux Chantiers de l’Atlantique, a permis au port de générer 3 Mds€ de valeur ajoutée en 2018, soit 5 % de la richesse dégagée par les Pays de la Loire.

Les activités maritimes (gestion du port, organisation des transports, construction maritime et transports par voie d’eau) représentent 9 000 salariés quand les non maritimes (établissements de l’industrie, services et transports tirant parti des infrastructures portuaires) revendiquent 19 500 salariés. Par leur consommation sur leur lieu de résidence, l’ensemble des salariés du port génèrent à leur tour de la richesse. Leurs communes de résidence bénéficient ainsi de retombées économiques locales. L’effet induit contribue au maintien ou à la création de 13 000 emplois dans la région.

Le poids économique du port dans la région dépasse donc largement ses seuls effectifs salariés. Au total, en prenant en compte les salariés, les emplois induits, ainsi que les familles de l’ensemble des personnels, 109 000 personnes sont ainsi concernées par l’activité du port Nantes Saint-Nazaire.