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Management : Notre leitmovit ? réflexion, décision, actions

Dirigeant du cabinet de conseil en management Propulsar, Luc Chrétien a co-fondé la délégation ligérienne de l’association Condorcet.

© InfoJud.

Quelle est l’histoire de Condorcet ?

L’association a débuté dans les années 2000. Elle a
eu une première vie avec Francis Mer. L’ancien dirigeant d’Usinor et ex-ministre de l’Economie et des Finances
croyait en l’innovation managériale. À ses débuts,
l’association a donc suivi une approche de logique de compétences. 

En quoi cela consiste-t-il ?

Dans une usine de 1000 collaborateurs par exemple, au lieu d’attendre qu’un poste se libère pour répondre à la progression d’une personne, en particulier sur un poste d’opérateur, la logique de compétences lui permet d’évoluer en responsabilités et en rémunération : l’entreprise comme le collaborateur y trouvent leur compte.

La deuxième vie de l’association a débuté avec le changement de président et l’arrivée de Michel Meunier, président du CJD au niveau national. C’est lui qui a élargi la notion de logique de compétences à celle de développement du capital humain.

Quelle est la différence ?

La logique de compétences est en fait une orientation particulière, alors que le capital humain est une notion plus vaste. Miser sur le capital humain, c’est donner plus de responsabilités et d’initiatives aux collaborateurs.

C’est un concept assez proche de celui de l’entreprise libérée ?

L’entreprise libérée est dans la même mouvance. En revanche, la solidité du concept n’existe pas et on voit des erreurs manifestes, voire des mensonges dans certaines entreprises qui s’en revendiquent. C’est dû à une absence de référentiel. Si l’on accorde des libertés, il faut des processus, sinon ça ne marche pas. L’entreprise ne peut pas être un lieu anarchique car alors elle ne fonctionne pas.

Mais, en même temps, le désordre est nécessaire pour que des initiatives puissent émerger. Cet équilibre-là est très sensible. On considère qu’il faut 80% d’alignement et 20% de désordre. Ce qui est le plus détestable, c’est la désorganisation, c’est constater que votre travail ne sert à rien et que, quand vous lancez quelque chose, ça s’écroule par inertie. Ce que les gens aiment en revanche, c’est parvenir à un résultat à une vitesse assez élevée, agréable, stimulante, sans aller dans l’excès inverse qui aboutit au burn out.

En somme, on peut dire que la notion de valorisation du capital humain favorise l’intrapreneuriat ?

Il y a une évolution avec le numérique et d’autres nécessités d’entreprise, telles que la personnalisation des produits et services beaucoup plus importants. Et dans ce contexte, on voit bien que l’approche verticale ne convient pas. Or, c’est celle qui prévaut dans la plupart des entreprises. Il faut donc changer cette approche en permettant aux collaborateurs de prendre des initiatives.

Nous avons d’ailleurs rencontré le Président Macron pour évoquer avec lui une facette plus particulière : la mise en place de la notion de droit des entreprises, en opposition au droit des sociétés qui est celui des associés, des actionnaires. Le droit des entreprises s’élargit à toutes les parties prenantes et notamment aux collaborateurs.

Est-ce que cette question concerne davantage un profil de dirigeant ?

Il n’y a pas d’âge pour se préoccuper de sa zone de pouvoir. On parle ici de batailles d’ego, de territoires. Les structures verticales permettent aux dirigeants d’avoir la maîtrise du territoire complet. Or, ce n’est plus à l’ordre du jour : l’organisation marché ne le permet plus et le numérique tend à rendre les relations plus horizontales.

On voit bien que les collaborateurs la plupart du temps souhaitent prendre des initiatives et être entendus. Or, il y a une vraie difficulté pour les dirigeants à passer de la notion de pouvoir à celle d’autorité en devenant « auteur devant les autres », en exprimant une vision, une ligne d’orientation claire et en laissant les collaborateurs prendre des initiatives.

Condorcet est une association nationale. Existe-t-il des spécificités régionales ?

Au niveau des Pays de la Loire, l’association existe depuis un an et nous avons choisi de travailler sur trois axes.

Le premier est celui de la communication. Pour faire savoir que nous existons, nous avons décidé d’organiser des conférences, des tables rondes. La première est d’ailleurs prévue le 1er octobre sur le thème « L’absentéisme, un coût caché à 100 Mds€ ». Nous avons volontairement choisi un angle très précis, lié à notre sujet. Il faut savoir qu’un tiers de l’absentéisme en entreprise est dû à des raisons d’inconfort au travail. C’est beaucoup d’argent et des dépenses prises en charge par la collectivité…

Le deuxième axe privilégié est celui de la mise en place d’audits. Car, pour pouvoir identifier le capital humain,
il faut d’abord le mesurer. Cela implique un audit du potentiel humain. Si les grandes entreprises possèdent déjà des instruments, ce n’est pas le cas dans les PME. Dans ces structures, une sensibilisation est nécessaire. Et ce n’est pas parce qu’on en parle dans certaines que la valorisation du capital humain est pratiquée…

Le constat qui est fait lors de ces audits est toujours le même : celui d’un écart entre l’équipe dirigeante, toujours plus optimiste sur la situation de l’entreprise, son fonctionnement et les autres collaborateurs. Derrière, cette différence d’appréciation génère des écarts d’attitude. On recommande de faire l’audit de façon régulière, tous les trois ou quatre ans. Cela permet de mesurer la progression. 

Et le troisième axe ?

C’est une émanation d’une initiative lyonnaise. Baptisé Le Lab, il s’adresse aux dirigeants sensibles à l’innovation managériale. Ils participent à des réunions régulières sur les problématiques managériales des uns et des autres, mais on voit bien qu’il y a parfois une difficulté à entrer dans la concrétisation, d’où Le Lab.

À un moment donné, si l’un d’eux souhaite aller plus loin, alors on lui conseille Le Lab. Car nous ne sommes pas juste un think tank : nous sommes orientés vers l’action. 

On propose une intervention avec un consultant auprès de l’équipe dirigeante pour apporter un début de solution.
Ce que l’on constate, c’est qu’en sortie de Lab, 100% des dirigeants demandent à être accompagnés par un cabinet pour réaliser la transformation de leur entreprise. C’est
tout l’intérêt de l’association : on accompagne les dirigeants pour les faire passer d’une position de statu quo au lâcher prise.

Propos recueillis par
Nelly LAMBERT