Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Vendée : des brasseries artisanales en plein boom

Le marché des brasseries indépendantes est en plein essor en Vendée où les fabricants de bières artisanales fleurissent souvent en milieu rural. Quid de leur modèle économique ? La rentabilité est-elle au rendez-vous ? Et comment parviennent-ils à se démarquer de la concurrence ?

« Lorsque je me suis installé en 2019 après une reconversion professionnelle (il était fonctionnaire municipal, NDLR), j’étais seul. Puis, la brasserie La Coopine s’est installée la même année. À l’époque, j’avais comptabilisé une vingtaine de brasseurs en Vendée », explique Jochem Sprong, gérant de la brasserie Smeele. © Smeele

En plein essor, le phénomène des brasseries artisanales se généralise en Vendée : 35 établissements étaient recensés au 1er janvier 2024, contre 19 en 2019, d’après la Chambre de métiers et de l’artisanat du département.

Un marché saturé ?

La première à s’être installée en 2001 à Chanverrie : Mélusine (groupe Newbeers), pilotée par Laurent Boiteau. « Lorsque j’ai repris la suite de mon père en 2009, il y avait 200 brasseries en France. Aujourd’hui, elles sont entre 2 500 et 3 000. Signe que le marché arrive à une certaine saturation. » De quoi se demander s’il reste de la place pour de nouveaux arrivants.

Située à moins de dix kilomètres des brasseries La Louette (Les Herbiers) et Mortania (Mortagne-sur-Sèvre), Mélusine est « en croissance constante ». Elle emploie 18 salariés (hors commerce) et a écoulé 31 000 hl en 2023 pour un CA de 7,5 M€ (+12 % sur un an). Le patron anticipe un volume d’affaires de 8,5 M€ cette année à la suite de la signature récente d’un contrat d’exclusivité avec le Puy du Fou (pour un volume annuel de 2 500 hl environ). Labellisée “Brasseur indépendant” depuis 2016, cette brasserie propose une quinzaine de bières en grande distribution (1/4 du volume total), dans les bars-restaurants et auprès des épiceries et magasin bio. 80 % du volume est écoulé dans la région. Le brasseur vendéen assure que son affaire est rentable mais reconnaît qu’il est nécessaire d’investir de plus en plus dans le marketing, voire de se diversifier. Mélusine va ainsi accueillir un bar de 100 m2 cette année dans son local qui fait aujourd’hui office de boutique. Et un projet serait également en réflexion pour s’installer à l’année sur le site du Hellfest.

Développer le BtoC

Cet exemple montre que, par volonté de se démarquer des brasseries industrielles, les structures artisanales vont au-delà de la simple fabrication. Certaines proposent aussi des visites guidées avec dégustations. C’est le cas chez Smeele à Luçon. Son gérant Jochem Sprong, d’origine néerlandaise, y voit une occasion de booster son volume d’affaires. « Ça marche très bien », assure-t-il, sans chiffres à l’appui. Lui aussi constate que le marché des microbrasseries connaît une croissance soutenue, témoignant de l’intérêt grandissant pour les bières artisanales et les saveurs locales. Aujourd’hui, cette “petite” brasserie, qui a produit 400 hl en 2023 et pourra compter sur une équipe de trois personnes à la rentrée, offre la possibilité de venir acheter ses produits directement sur le lieu de brassage. Ses produits sont également distribués dans des commerces locaux (épiceries fines…) ou des professionnels (restaurateurs, cavistes, bars) de la région (environ 70 % du CA- non communiqué). Et afin de toucher un public plus large, Smeele vient de lancer un site de vente en ligne. Jochem Sprong vient aussi de s’associer avec le restaurant local Au Fil des Saisons pour créer « une bière de gastronomie » qui accompagne tout un repas. Elle a été dévoilée le 12 avril. Son nom : Cuvée Épicure. Afin de développer le BtoC, d’autres pistes sont en réflexion : « Obtenir une licence de débit de boissons, organiser des événements, proposer davantage de visites guidées… »

Gagner en visibilité

Se démarquer passe aussi par des concours… Après une première médaille décrochée en 2019, Maxime Bonnin, chez La Cibulle (cinq salariés), enchaîne les récompenses. La dernière en date : une médaille d’or au concours général agricole du Salon international de l’agriculture de Paris obtenue cette année. « Je capitalise sur ces récompenses qui boostent notre communication. Mais les retombées ne sont pas très significatives malgré un léger effet sur la vente directe », reconnaît-il. Ancien chargé d’affaire dans le milieu industriel, ce passionné de bière a aussi choisi d’en faire son métier avant de se lancer en 2016 à l’âge de 35 ans. « De plus en plus de brasseries voyaient le jour. Soit il fallait y aller tout de suite, soit jamais. Là, c’était le bon moment. » À l’époque, il était le sixième brasseur à s’installer avec l’envie de revitaliser le bourg de Maillé, au cœur du Marais poitevin, dont il est originaire. D’après lui, son affaire est rentable. La commercialisation se fait en GMS (20 % du CA établi à 500 k€ en 2023 [+4 %]), en circuit local via des caves, cafés et restaurants (20 %) et à la brasserie (20 %). Cette année, afin de « proposer une alternative », il va lancer des produits sans alcool (limonade, soda…), en plus d’une petite activité de torréfaction de café. Et il compte sur son nouvel outil de production pour tripler sa production (1 200 hl par an actuellement) tout en faisant du tourisme brassicole son cheval de bataille.