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Transmettre son entreprise : un parcours à sécuriser de bout en bout

Dans un environnement économique marqué par l’instabilité, la transmission d’entreprise devient un exercice complexe. Rareté des financements, incertitudes sur la valorisation ou encore difficultés à anticiper les risques : autant d’éléments qui fragilisent les projets de cession et de reprise. Il devient nécessaire de sécuriser le processus juridique et contractuel de la transmission. Le pôle éditorial du DJCE de Rennes et Harold Avocats croisent les regards académiques et pratiques afin d’identifier les fondements, mécanismes et outils juridiques nécessaires à la sécurisation des opérations de transmission.

personnes en réunion de travail dans un bureau

Transmettre son entreprise-SHUTTERSTOCK

Sommaire

Préparer la transmission de l’entreprise

L’objet de la cession

Les audits vendeurs

Les anticipations du vendeur

L’encadrement des négociations

La contractualisation des négociations

Les échanges d’offres non fermes

Le protocole d’accord

Le sort des comptes courants

La garantie d’actif et de passif

L’acte de cession définitif

L’importance d’anticiper er de s’entourer

Préparer la transmission de l’entreprise

L’objet de la cession : fonds de commerce ou cession de la totalité des titres

La cession de l’activité économique d’une entreprise peut résulter d’une cession du fonds de commerce ou des titres. La cession du fonds de commerce s’entend de la vente des éléments constitutifs de l’activité (clientèle, droit au bail, matériel) sans inclure les dettes ni les créances du cédant sauf stipulation contraire dans l’acte. La cession des titres concerne la vente des parts sociales ou actions de la société incluant l’ensemble de ses actifs, passifs, créances et dettes avec le cas échéant une garantie d’actif et de passif.

Le critère déterminant dans le choix entre une cession de fonds de commerce et une cession de titres est souvent d’ordre fiscal. En effet, les droits d’enregistrement appliqués à la cession d’un fonds de commerce varient entre 3 % et 5 %, contre seulement 0,1 % pour une cession d’actions.

Du point de vue juridique, les deux opérations emportent également des conséquences différentes. En effet, dans le cadre d’une cession de titres, ce sont les associés qui cèdent leur participation dans la société et perçoivent directement le prix sans impact sur la trésorerie de l’entreprise. À l’inverse, lors d’une cession de fonds de commerce, c’est la société elle-même qui vend l’ensemble de ses éléments d’actif affectés à l’exploitation, reçoit le prix de cession et peut ainsi le réinvestir. Cette opération entraîne toutefois des contraintes procédurales plus lourdes : droit de préemption de la commune, délai de séquestre, publicité légale et faculté d’opposition des créanciers. Ces aspects fiscaux et juridiques, doivent donc être appréhendés de manière globale lors de la structuration de l’opération.

Les audits vendeurs

Réaliser des audits internes avant la cession constitue une stratégie gagnante, tant pour le vendeur que pour l’acquéreur. En menant ces vérifications en amont, le cédant garde la main sur les informations transmises et sécurise le processus. Ce travail préparatoire permet aussi de fluidifier la transaction : l’acquéreur n’a plus à engager de lourdes démarches de due diligence, ou se contente de les valider. Un audit bien mené peut également peser sur la balance du prix, en valorisant l’entreprise grâce à une meilleure visibilité sur ses forces et ses faiblesses. Il offre en outre la possibilité d’anticiper certains ajustements, en corrigeant à temps les points de fragilité détectés. Autre avantage : la limitation des garanties d’actif et de passif exigées par l’acheteur, le risque perçu étant plus faible. Enfin, cette démarche permet de prévenir les mauvaises surprises de dernière minute – souvent fatales – liées à la découverte tardive d’un passif caché.

Les anticipations du vendeur

Le vendeur a bien souvent intérêt à anticiper la cession de ses titres et dispose à cet égard de plusieurs leviers juridiques afin de rendre la cession plus attractive. Il peut tout d’abord restructurer les actifs de la société dont les titres sont cédés afin de recentrer l’activité de la société. La société peut filialiser certaines activités accessoires en réalisant des apports partiels d’actifs à des sociétés nouvelles ou préexistantes avec pour effet d’augmenter la valorisation globale du groupe formé. La société peut procéder à la cession des actifs immobiliers afin de les séparer des actifs d’exploitation et ainsi les exclure du périmètre de la cession ce qui aura pour effet de réduire la valeur des titres de la société cédée.

Ensuite, si la société cédée est une société dont les titres sont des parts sociales, une transformation en SAS préalable à la cession pourrait être réalisée. Cette transformation présente deux intérêts majeurs : bénéficier de la liberté contractuelle de la SAS et des droits d’enregistrement à 0,1 % dans le cadre d’une cession d’actions (contrairement à 3 % pour des parts sociales).

À cet égard, dans un arrêt du 18 décembre 2024, la Cour de cassation a précisé que les taux de droits d’enregistrement applicables à la cession sont déterminés en fonction de la nature des titres au moment du transfert de propriété, peu importe la publication ou non de la transformation au RCS. Dès lors, tant que la transformation est réalisée avant la cession, l’acquéreur pourra bénéficier de droits d’enregistrement plus avantageux.

Par ailleurs, le vendeur peut envisager la réalisation d’un apport-cession des titres de la société à une holding. Cette opération consiste, dans un premier temps, à apporter les parts ou actions de la société d’exploitation à une holding contrôlée par le vendeur et soumise à l’impôt sur les sociétés, apport qui bénéficie d’un report d’imposition des plus-values. Dans un second temps, la holding procède à la cession des parts ou actions de la société d’exploitation à l’acquéreur. Cette cession doit s’accompagner d’un réinvestissement à hauteur de 60 % du produit de cession dans des véhicules d’investissements spécifiques afin de ne pas remettre en cause le report d’imposition des plus-values sur titres.

S’agissant d’une cession de son fonds de commerce, l’anticipation porte principalement sur les actifs et contrats inclus dans l’opération. Certains éléments sont automatiquement transférés, comme la clientèle, les contrats de travail et les contrats d’assurance. D’autres, comme le matériel ou certains contrats, doivent être expressément mentionnés. Un audit préalable est donc essentiel pour identifier les droits du bailleur (agrément, droit de préemption), les obligations liées aux contrats en cours (contrats de leasing) et les conséquences éventuelles de leur résiliation. Il faut également tenir compte des aspects sociaux comme l’apurement des congés payés ou la gestion des contentieux en cours. Les pactes d’associés et statuts pourront utilement être examinés pour purger les droits des autres associés en cas de cession.

L’encadrement des négociations

La phase précontractuelle constitue une étape déterminante du processus de cession d’entreprise sur les…