Une fois de plus, le sport nous livre une pratique duplicable dans le domaine managérial. Jamais un entraîneur ne se prive de signifier à un sportif son insatisfaction, de le sanctionner voire de s’en séparer.
Je sais ce que vous allez répondre, une entreprise n’a pas les mêmes exigences et contraintes. Dans le contrat de départ, les sportifs savent que l’on attend des résultats rapidement et que leur contribution est éphémère. Des centaines de personnes attendent qu’une place se libère. On pourrait remplacer l’intégralité d’un effectif en un claquement de doigts. L’entreprise a aussi une vertu sociale et des valeurs accrues autour de l’humain et de la bienveillance. Pour autant, ces valeurs sont-elles antinomiques de la performance ?
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Que se passe-t-il lorsque vous conservez un élément non pertinent pour la réussite de l’entreprise ? Et par non pertinent, j’intègre deux sous-ensembles :
- Les personnes dont le niveau n’est pas au rendez-vous malgré toutes les stratégies mises en place pour accompagner leur développement (formations, coaching, plan de progression…). Les personnes dont l’attitude est contraire aux valeurs, à l’état d’esprit collectif notamment.
- Votre entreprise à bien des égards ressemble à une embarcation, plus ou moins fragile, plus ou moins fine à diriger. Le cap, c’est votre stratégie. Pour que le bateau avance, les conditions nécessaires sont l’intensité de l’énergie produite et sa coordination.
Quelle est la conséquence d’une désynchronisation ou d’une intensité moindre ? Le bateau dévie ou n’avance plus. Vous le mesurez assez finement au travers de vos indicateurs pour ne pas voir cette réalité. Pourtant, il y a toujours une part de nous suffisamment optimiste pour croire que la situation peut s’améliorer d’elle-même, que le temps jouera en votre faveur. C’est faux, pour deux raisons :
Ceux qui produisent le plus d’énergie sont déjà au maximum et vont finir par s’épuiser, produire moins ou tout simplement changer de bateau pour voir si leur énergie peut générer plus de vitesse ailleurs. Vous n’avez pas trouvé les leviers de motivation intrinsèques de ceux qui ne rament pas dans le bon sens. Tant qu’on les laisse ramer à leur rythme, rien ne les fera radicalement changer de braquet.
Croyez-vous ne pas pouvoir vous permettre d’enlever des éléments dans votre effectif de peur de perdre encore plus en productivité ? Enlevons cette crainte de votre esprit. Retournons au sport, les équipes se retrouvant en infériorité numérique ont la capacité de se transcender. Ce petit supplément d’âme au service du collectif et du projet soude les équipes, impliquées à donner le meilleur d’elles-mêmes en faisant preuve de solidarité. Personnellement, je préfère ramer dans un bateau avec moins de personnes, mais totalement impliquées pour :
- La motivation : passer huit heures par jour dans une ambiance de travail préservée.
- La solidarité : sentir que l’équipe avance au même rythme et contribue de manière uniforme aux efforts selon ses propres moyens, compétences, attributions. C’est toute la différence entre l’égalité et l’équité. Tout le monde comprend qu’une nouvelle recrue a besoin d’aide, de temps et d’intégration pour atteindre le niveau escompté.
- La confiance et le plaisir : se sentir à sa place dans une équipe qui obtient des résultats est bien plus valorisant que de rechigner chaque matin en allant au travail dans une forme d’apathie.
Risques :
À terme, vous ne conservez que les éléments les moins engagés, voire verrez naître des non-dits, de la jalousie, de la défiance et des conflits.
Repérer les éléments inadaptés :
Ils se plaignent des conditions, critiquent le travail des autres, s’estiment meilleurs. Ils prennent volontiers des responsabilités tant qu’ils peuvent se décharger sur les bonnes âmes.
Attitude à adopter : endossez votre casquette d’arbitre.
Ce n’est pas toujours une partie de plaisir que de prendre ce rôle. Être arbitre, ce n’est pas forcément distribuer les biscottes. Le rôle confère de l’autorité, de la justesse, pour peu qu’à l’instar des meilleurs professionnels en noir, vous cherchiez constamment à trouver le bon équilibre entre un jeu fluide, un état d’esprit préservé et un contrôle sur le cadre.
Plus il sera établi en amont et moins vous aurez à intervenir. Ce qui signifie clairement une chose essentielle : les bons arbitres se font respecter sans tergiverser. Ils savent communiquer leurs décisions avec pédagogie. Comment sait-on qu’un arbitre a bien officié ? On ne parle pas de lui à la fin du match. Même s’il prend des décisions difficiles, ce qui prime avant tout, c’est l’intégrité et la réactivité sur la prise de décision.
La bienveillance tant prônée à juste titre ces dernières années ne doit pas se transformer en complaisance. Que se passe-t-il lorsqu’un arbitre est trop laxiste ? Le jeu s’envenime, l’état d’esprit s’échauffe et les décisions ne sont plus respectées. Le seul levier restant consiste à abuser de son autorité en sortant tous les cartons d’un coup, ce qui contribue rarement à apaiser les esprits.
Commencez par chercher les leviers de motivations intrinsèques : tout ce qui ne concerne pas l’argent ou les gratifications. Repérez également si des événements personnels (séparations, décès par exemple) viennent troubler le niveau d’implication. Allez chercher les freins, les nœuds dans les interactions avant que les conflits se forment. Mettez en avant et encouragez ceux qui s’inscrivent dans les valeurs de l’entreprise par leur attitude et leurs actions. Vous inciterez tout le monde à suivre le mouvement Dès le début, soyez ferme sur les attentes, le cadre exigé ET les sanctions assorties. Donnez la preuve que vous savez prendre des décisions difficiles, sifflez la fin de la récréation si nécessaire, sans attendre que la situation s’enlise. Le temps est votre ennemi.