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Saison 2024 : « Un mauvais cocktail » pour le GHR

Les 2es rencontres du Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration (GHR) se tenaient mi-septembre à Nantes. L’occasion pour Catherine Quérard, restauratrice et hôtelière ligérienne mais aussi présidente nationale de l’organisation professionnelle qui représente 180 000 salariés, de dresser le bilan d’une saison estivale « compliquée » et d’évoquer les perspectives de fin d’année.

La présidente nationale du GHR Catherine Quérard lors des 2es rencontres de l'organisation professionnelle à Nantes, les 15 et 16 septembre derniers. NICOLAS LE PORT - IJ

Un des temps forts des rencontres était la présentation des résultats de l’étude de Food Service Vision sur la saison estivale 2024. En quoi s’agit-il d’un été complexe pour le secteur ?

On a réalisé de très mauvais chiffres en juillet. Sur août, ils ont eu tendance à revenir à la normale mais sont loin de compenser les manques à gagner du début de saison… Cela s’explique par plusieurs raisons. Nous avons d’abord dû composer avec une météo très capricieuse, du printemps jusqu’à août. Ensuite, il y a eu le résultat des législatives, qui a créé un phénomène de sidération chez les Français et a eu tendance à les clouer chez eux. Si bien que les réservations de dernière minute sur fin juin et toute la première quinzaine de juillet n’ont pas fonctionné… Le troisième sujet, c’est le pouvoir d’achat. On a constaté que les clients faisaient attention à leurs dépenses : ils ne prenaient pas de café ou renonçaient aux desserts. Globalement, on sent les Français inquiets pour l’avenir et les bas de laine repartent à la hausse.


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Paris 2024 a incontestablement constitué une parenthèse olympique enchantée pour les Français. Le GHR en a-t-il bénéficié ?

Non, pas en termes de chiffre d’affaires ni de fréquentation. Les lieux emblématiques situés loin des sites olympiques parisiens en ont même souffert, à l’image du musée du Louvre, dont le chiffre d’affaires a chuté de 20 % durant les Jeux.

Si les établissements du GHR n’ont pas bénéficié de l’effet Paris 2024, qui en sont les grands gagnants ?

Avant tout les chaînes présentes dans les fan zones. Ces espaces commercialisés à des professionnels qui ne sont souvent pas du cru viennent directement concurrencer les restaurants des alentours. Comme ces zones sont barricadées et que la clientèle ne peut plus en sortir, cela crée un effet gouttière qui aspire tout. Pour les établissements situés à proximité directe de ces zones, ça a été catastrophique. À Paris, certains établissements dont l’accès était impossible à cause des barrières ont dû faire face à des baisses de 80 % de chiffre d’affaires. Si bien que certaines grosses brasseries parisiennes sont à plus de 2 millions d’euros de pertes sur la saison.

L’étude de Food Service Vision montre que la restauration du midi en semaine est celle qui souffre le plus en ce moment. Pourquoi ?

C’est effectivement le cas et la restauration rapide ressent aussi un fléchissement depuis quelques mois. C’est la conjonction du télétravail, de la baisse du pouvoir d’achat et de l’utilisation des titres-restaurant dans les grandes et moyennes surfaces de façon élargie qui sont à l’origine de cette tendance. Pour rappel, les tickets-restaurant sont nés dans les années 1970 de la volonté de permettre aux salariés de pouvoir manger un plat chaud le midi quand il n’y avait pas de cantine dans leur entreprise. Avec l’amendement pâtes et riz, qui permet depuis 2023 de faire l’ensemble de ses courses avec des titres-restaurant, ce sont entre 500 et 800 millions d’euros de manque à gagner par an pour notre secteur d’activité. Une somme colossale qui est d’autant plus inquiétante que le taux de pénétration des titres-restaurant dans la GMS est passé de 21 à 25 % en un an.

« L’arrière-saison s’annonce plutôt pas mal »

Y a-t-il malgré tout des éléments positifs dans ce contexte compliqué ?

Oui ! Beaucoup de Français ont décalé leurs congés en raison des JO. Donc on espère que le mois de septembre sera un bon cru et que l’activité sera dynamique jusqu’aux vacances de la Toussaint. Mais globalement, l’arrière-saison s’annonce plutôt pas mal. Avec Paris 2024, la France a bénéficié d’une vitrine extraordinaire à travers le monde dont devrait profiter le GHR dans les mois à venir.

En tant que présidente nationale du GHR, quelles seront vos priorités pour la fin d’année et 2025 ?

D’abord garantir la pérennité et la compétitivité de nos entreprises car nous sommes un secteur à très forte intensité de main-d’œuvre. Il y a ensuite la question de la fiscalité. Aujourd’hui, nous n’avons pas la capacité d’assumer des impôts et taxes supplémentaires. Donc nous attendons avec impatience le budget de l’État pour 2025.

Nous devrons également travailler sur un nouveau modèle social français. Car l’actuel avec des ressources basées uniquement sur les salaires n’est pas viable. Il y a aussi la question de l’attractivité des métiers du secteur et le pouvoir d’achat de nos salariés. Et il faudra enfin surveiller de près les prix de l’énergie et des matières premières. Car l’étude de conjoncture montre qu’une reprise de l’inflation est possible d’ici la fin de l’année. Donc attention !

Que retenez-vous de ces rencontres du GHR ?

Qu’elles sont essentielles car elles permettent la connexion entre le territoire et une branche professionnelle particulièrement touchée par les crises dans un contexte où nos chefs d’entreprise ont actuellement le nez dans le guidon. L’idée de ces rencontres, c’est avant tout de faire prendre conscience à nos professionnels que s’en sortent que ceux qui sortent.

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