Stéphane Chazé, pourriez-vous nous retracer votre parcours professionnel depuis vos débuts chez Cocerto jusqu’à la présidence il y a quatre ans ?
Stéphane Chazé : J’ai rejoint Cocerto en tant que jeune collaborateur en 1999, fraîchement diplômé du DCG (Diplôme de comptabilité et de gestion). Progressant au fil des années, je suis devenu chef de mission en 2003, puis j’ai obtenu mon diplôme d’expert-comptable en 2008, année où je suis également devenu l’un des plus jeunes associés du cabinet. En 2015, j’ai intégré le comité de direction, et en 2020, j’ai été nommé directeur général. Grâce à l’accompagnement des anciens présidents, notamment Jean-Pierre Cailler, j’ai pu accéder à la présidence de Cocerto en 2020. Mon parcours s’est entièrement déroulé à Nantes, tout comme mes études, ce qui m’a permis de m’imprégner pleinement de la culture du groupe et de bien connaître ce territoire.
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Jonathan Sturm, pourriez-vous partager avec nous votre cursus et les étapes clés qui vous ont mené à votre poste actuel de directeur général de Cocerto ?
Jonathan Sturm : Originaire de Strasbourg, j’y ai effectué toutes mes études. Diplômé à vingt-sept ans, j’ai rejoint le bureau de Paris, dont j’ai pris la responsabilité en 2014. À cette époque, le bureau comptait trois collaborateurs ; aujourd’hui, il en compte trente, soit une multiplication par dix en une décennie. En 2015, soit une année après mon arrivée, le dirigeant du moment m’a fait confiance et a permis que je devienne associé, seulement un an après mon embauche. En 2020, j’ai intégré le comité de direction aux côtés de Stéphane Chazé. Depuis le 2 avril 2024, j’occupe le poste de directeur général. J’ai eu la chance d’intégrer un groupe qui était prêt, et est toujours prêt, à faire confiance aux jeunes.
Comment s’organise la nouvelle gouvernance du groupe ? Quels sont les principaux objectifs et priorités que vous avez identifiés, et comment envisagez-vous de les atteindre ?
SC : Notre modèle de gouvernance a été mis en place en 2015 et se compose de trois entités distinctes : la Direction, le Comité de direction et le Comité stratégique. Le Comité de direction, composé de quatre membres, pilote le quotidien du groupe. Laurent Guimont (Ille-et-Vilaine), Alain Guédon (Vendée) et moi-même avons des parcours exclusivement au sein de Cocerto. Bien que nous privilégiions le plus souvent la cooptation interne, Jonathan nous a rejoints après son arrivée et s’est parfaitement intégré. Ce comité de direction a une vision très centrée sur le groupe tout en maintenant une ouverture vers l’extérieur pour favoriser l’innovation et la croissance.
Quant au comité stratégique, il est composé de sept membres, des associés englobant les cinq départements du groupe et représentant presque tous les métiers.
JS : Entre 2015 et 2024, nous avons renouvelé la quasi-totalité de nos associés tout en restant autonomes et en abaissant l’âge moyen des associés à quarante-quatre ans, ce qui est un avantage par rapport à d’autres cabinets. L’année dernière, nous avons intégré trois jeunes associés et nous poursuivons notre renouvellement pour assurer l’avenir et garantir notre indépendance. Ce projet, initié en 2015, avait un premier objectif atteint en 2020 et nous nous projetons désormais à 2030.

Stéphane Chazé, président de Cocerto. Photo Benjamin Lachenal
Pouvez-vous nous dévoiler les grandes lignes du plan Cocerto 2030 ?
JS : Nous avons trois axes de croissance. Le premier concerne l’élargissement de notre offre de services en matière de conseil, d’expertise comptable, sociale et juridique. Le second, c’est le développement de nos applications informatiques, incluant notre logiciel de gestion de la relation client (CRM), celui de la production interne et enfin notre outil collaboratif client. Le troisième axe est la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), avec des missions que nous proposerons à nos clients et qui vont progressivement augmenter.
Ces trois éléments, soutenus par l’informatique, constituent notre plan 2030. Nous nous concentrons sur des services à plus forte valeur ajoutée. Aujourd’hui, nous réalisons un tiers de notre chiffre d’affaires avec ce type de mission et les deux tiers avec des prestations d’expertise-comptable et commissariat aux comptes réglementaires. Nous souhaitons inverser ce ratio en nous appuyant sur la digitalisation de nos processus et la facturation électronique. Deux sujets qui vont transformer notre environnement. Nous devrons former nos collaborateurs et intégrer de nouveaux talents spécialisés dans l’analyse de données numériques, l’informatique et la RSE.
SC : Cocerto a deux caractéristiques ancrées dans son ADN. Tout d’abord, une offre de service juridique conséquente. Deuxièmement, nous sommes depuis longtemps autonomes en matière d’édition de logiciels de production. Bien que cela demande des investissements importants, nous avons d’abord développé notre CRM et notre progiciel de gestion comptable pour une utilisation exclusive en interne. Depuis quatre ans, nous avons ouvert ces applications en mode Saas pour nos clients sous forme d’abonnement. Notre objectif, d’ici 2030, est de les déployer et de les commercialiser en masse auprès d’entreprises tierces et d’autres cabinets d’expertise comptable.
JS : Dans cette même dynamique, nous développons également notre outil collaboratif client. Ce projet repose sur trois piliers : notre CRM, notre outil de production interne et le Workplace. Ce dernier intègre déjà tous les flux digitaux entrants de nos clients, et nous venons d’y ajouter une application mobile pour la transmission de documents numérisés ainsi qu’un logiciel de gestion commerciale en ligne. Une fois implémenté, Workplace répondra à toutes les obligations de facturation électronique et permettra de fluidifier les échanges. Nous accompagnerons nos clients dans l’acculturation à ces outils innovants. Nous sommes en mesure de personnaliser ces applications en fonction des besoins de chaque client grâce à Tetralink, le pôle informatique Cocerto, et son équipe de dix développeurs.
Pourriez-vous nous expliquer le positionnement de Cocerto et nous parler de la clientèle que vous adressez ?
JS : Les cabinets historiques de Nantes, Rennes et La Roche-sur-Yon ont une clientèle composée principalement de PME. Les bureaux plus jeunes, initialement orientés vers les TPE, montent en puissance et se structurent aujourd’hui avec des clients TPE de belle taille et des PME.
SC : Dans notre métier, certains confrères font principalement de la « tenue comptable », d’autres très peu, et certains pas du tout. Nous intervenons plutôt sur des tâches de révision pour la finalisation du bilan, le traitement des opérations fiscales et les montages juridiques, des services à plus forte valeur ajoutée. C’est sur ces services que nous axons notre développement.
JS : Nous sommes toujours en interaction directe avec le chef d’entreprise en phase finale, même si parfois notre premier contact pour certaines missions, voire le point d’entrée, est le directeur administratif et financier (DAF). Nous couvrons le spectre personnel de manière quasi systématique. Offrir un scope complet au chef d’entreprise, aussi bien sur le plan professionnel que personnel (optimisation fiscale, gestion de sa succession et de sa SCI…) fait partie de notre ADN.
Cette proximité avec le chef d’entreprise constitue-t-elle le socle de vos valeurs ?
SC : Bien entendu. Il y a d’abord la proximité géographique. Nous essayons de travailler le plus possible chez les clients. Nos collaborateurs sont nomades et équipés pour travailler sur le terrain. Cela permet d’instaurer une relation plus proche et plus directe avec nos interlocuteurs et de gagner en efficacité. Pour cela, nous avons bâti un maillage territorial à proximité des clients avec des bureaux au plus près. Par exemple, bien que nous ayons déjà deux sites à Nantes, nous prévoyons d’en ouvrir un troisième dans le secteur sud-ouest de la ville.
JS : Il y a aussi la proximité de nos experts-comptables. Car, ce qui est vrai pour l’Ouest, l’est un peu moins pour Paris. Nos bureaux parisiens sont situés près de la gare Saint-Lazare, et pour des raisons d’accessibilité, nous travaillons plus souvent au cabinet, à distance ou en visioconférence. Cependant, nous maintenons une grande proximité avec nos clients. Nos experts-comptables traitent directement les dossiers. De plus, ce sont des chefs d’entreprise eux-mêmes, ce qui leur permet de comprendre les problématiques de leurs clients. C’est aussi cette proximité-là que les chefs d’entreprise plébiscitent.
Retrouve-t-on cette proximité en interne vis-à-vis de vos collaborateurs ? Et quelle est votre stratégie de marque employeur ?
SC : Nos valeurs reposent sur l’humain. Notre politique de recrutement et de formation favorise la montée en compétences de nos collaborateurs. La majorité de nos experts-comptables diplômés sont issus de nos équipes. Chaque année, nous intégrons, dans le cadre de l’alternance, les futurs cadres du cabinet. Les collaborateurs d’aujourd’hui sont les cadres de demain, les experts-comptables et associés d’après-demain.
JS : Nous proposons à nos collaborateurs une transparence, des valeurs humaines et un environnement respectant ces valeurs. Nous avons une politique de rémunération et de partage de valeurs importantes.
SC : Chaque collaborateur a un objectif de chiffre d’affaires, avec une partie variable de sa rémunération en fonction de cet objectif et des niveaux d’impayés. Grâce à notre CRM, ce chiffre est consolidé tous les « 15 » du mois. Chaque collaborateur, chaque sous-groupe, chaque bureau a des objectifs de production variables communs à tout le groupe. Ils sont récompensés sur le chiffre d’affaires et les impayés, et disposent d’outils leur permettant de suivre leur avancement en temps réel, en toute transparence. C’est assez atypique !

Jonathan Sturm, directeur général de Cocerto. Photo Benjamin Lachenal
Comment percevez-vous l’évolution de la profession d’expert-comptable dans les années à venir, et quels sont les principaux défis et opportunités auxquels le secteur sera confronté ?
SC : Contrairement au début des années 2000 où la création d’entreprise était faible, aujourd’hui, la demande est solide. Nos cabinets ont une histoire et une culture, ce qui nous permet de recruter des clients par cooptation et prescription. Les projets de création, d’installation et de reprise fleurissent, et nous pouvons les accompagner grâce à la force de nos équipes sociale, juridique et informatique. Cependant, dans les cinq années à venir, la facturation électronique et la démocratisation de l’intelligence artificielle (IA) pourraient bouleverser notre fonctionnement. Nous devrons nous adapter et faire évoluer nos missions pour assurer ce nouveau virage.
Comment anticipez-vous l’arrivée de l’IA, notamment son apport en matière d’informations extra-comptables, de benchmark et de modèles prédictifs ?
JS : Les chefs d’entreprise attendent que nous soyons réactifs, mais il ne faut pas confondre réactivité et immédiateté. Nous devons transmettre des données fiables. Nous travaillons sur le traitement des flux entrants pour les restituer en quasi-instantané avec une fiabilisation en amont. Il ne faut pas sacrifier la fiabilité au profit de la rapidité, car des informations erronées peuvent biaiser le pilotage du chef d’entreprise.
SC : Un progiciel bien paramétré qui gère des encours, des stocks, des achats et autres pourra, à terme, réaliser une grande partie de notre travail actuel. Avant cela, il y aura une période de transition pendant laquelle il s’agira d’accompagner les entreprises. Nous sommes le tiers de confiance pour la facturation électronique et la structuration comptable. Et nous le resterons pour les sujets futurs. Cette transition représente une phase de prospérité pour les cabinets. Une fois la migration achevée et les outils IA opérationnels, nos missions récurrentes aujourd’hui deviendront minoritaires. Nous serons contraints de nous orienter vers des missions telles que la cybercriminalité, la RSE, l’audit d’acquisition, la gestion de patrimoine… La réflexion est ouverte !
JS : Les entreprises seront systématiquement contraintes par l’administration de déverser des flux d’informations croissants, que nous devrons contrôler. Nous serons davantage sur des métiers de data analystes. Cela implique de faire monter en compétences nos collaborateurs vers l’analyse de données. La facturation électronique apportera des informations extra-comptables que nous devrons examiner et interpréter avant de restituer les bons indicateurs. Nous aurons toujours du travail, mais il sera différent.
Vous êtes attachés à l’ouest de la France et à la proximité. Avez-vous des plans d’expansion géographique ?
SC : Afin de poursuivre notre maillage territorial, nous souhaitons nous implanter dans la Manche, le Maine-et-Loire et la Charente-Maritime. Nous voulons renforcer nos positions sur le secteur parisien et dans la région nantaise. Cela peut s’envisager par croissance externe ou par des experts-comptables cherchant à rejoindre le groupe. L’objectif est d’atteindre une taille suffisante pour lever certains fonds et intégrer de nouveaux services. Nous devrons absorber d’autres cabinets pour amortir le coût de l’informatique et assurer notre développement. L’ambition est de compter quatre cents collaborateurs en 2030.
Le groupe Cocerto en chiffres
- Chiffre d’affaires HT : 26,5 M€
- 6 300 clients
- 14 sites d’implantation : Paris, Rennes (2), Saint-Nazaire, Guérande, Châteaubriant, Clisson, Nantes (2), Montaigu, La Roche-sur-Yon, Les Sables-d’Olonne, Luçon, Bordeaux.
- 270 collaborateurs
- 18 associés
1971 : Création du cabinet Bertrand à Nantes. L’histoire du groupe débute lorsque trois experts-comptables, Jean-Yves Gourdon, Bernard Dupond et Didier Vrignaud reprennent le cabinet Bertrand et créent AEC Consultant1973 : Ouverture du bureau de La Roche-sur-Yon1976 : Inauguration du bureau de Rennes (Cesson-Sévigné)
1989 : Le développement du groupe prend de l’ampleur en Vendée avec l’ouverture du cabinet de Luçon (reprise des cabinets CPA consultants) et, dans les années 1990, Montaigu. En Loire-Atlantique, Clisson (1992) et Châteaubriant (1996) rejoignent l’entité
2000 : Le groupe s’implante sur la côte Atlantique. Le cabinet Bernard Guillon à Saint-Nazaire rejoint le groupe. Cette même année, il devient membre indépendant du groupement EAI international
2007 : Ouverture du bureau parisien
2008 : Un an plus tard, l’implantation nantaise prend de l’ampleur avec l’ouverture du bureau le Cube à l’ouest de la Cité des Ducs
2010 : Le groupe d’expertise-comptable, audit et conseil est officiellement baptisé Cocerto, et abandonne le nom Eura Audit Cifraes consultants
2012 : Développement en Gironde : le cabinet Rémy rejoint le groupe Cocerto. Cette même année a lieu l’inauguration du bureau de Villenave-d’Ornon, en périphérie de Bordeaux
2021 : Inauguration d’un nouveau bureau aux Sables-d’Olonne
2022 : Ouverture du 13e bureau du groupe à Guérande. Le cabinet de Carole Benazet rejoint Cocerto afin de renforcer l’implantation du groupe à Villenave-d’Ornon. Acquisition du cabinet PGA Saint-Nazaire et renforcement de son ancrage sur la côte de Jade
2023 : Le cabinet MO développement rejoint Cocerto, élargissant ainsi sa présence avec un nouveau bureau dans le quartier des Longs-Champs à Rennes
2024 : Le cabinet Romanet Audit, basé à Nantes Ouest, rejoint le groupe Cocerto