Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Recruter et fidéliser : toujours le nerf de la guerre  

“Recruter et fidéliser sur les métiers en tension”. Cette double problématique concerne divers secteurs d’activité sur le littoral, l'industrie mais aussi le tourisme, qui souffre d’un manque récurrent de candidats. Parmi les pistes envisagées pour inverser la tendance : assouplir les critères à l'embauche, mieux rémunérer, élargir les profils des candidats...

© Karine Limouzin – IJ

Côté cadres, « un quart des entreprises n’ont pas été au bout de leur recrutement par manque de candidats1 », a posé d’emblée Alexandrine Grohs, responsable de centres Apec, lors de la conférence « Recruter et fidéliser sur les métiers en tension » proposée au Spi numérique de Saint-Nazaire, le 14 mars dernier. « D’où la nécessité d’assouplir les critères à l’embauche pour 84 % des entreprises du territoire interrogées, a poursuivi la spécialiste, de mieux rémunérer (51 %), de prendre en compte des profils ne disposant pas de toutes les compétences techniques (41 %), ayant moins d’années d’expérience (33 %) ou au contraire plus de recul (31 %). »

La fin d’année 2023 a été marquée par une baisse des recrutements cadres et début 2024 suit cette tendance. Un phénomène lié à « un essoufflement des créations de postes, du fait d’entreprises plus frileuses », analyse Alexandrine Grohs. Pour autant, le bassin nazairien tire son épingle du jeu. Entre mars 2023 et février 2024, les publications d’offres d’emplois cadres ont augmenté de 2 % sur le site de l’Apec, alors qu’elles ont chuté de 15 % au national et 12 % en région. Un bon résultat lié aux besoins de l’industrie, des services à forte valeur ajoutée2, mais aussi du tourisme.

Le marketing appliqué au recrutement

Mais alors, quelle démarche pour recruter vite et bien ? « J’applique au recrutement les stratégies du marketing. D’un côté l’inbound et de l’autre l’outbound », a livré Sébastien Lefèvre, du cabinet de recrutement Tomorrow jobs, créé en 2016 à Nancy, puis étendu à Saint-Nazaire depuis 2023. Pour la première, il s’agit d’attirer les candidats par une parfaite maîtrise de l’offre d’emploi : soigner la fiche de poste, adaptée aux besoins réels, accentuer le message autour de la marque employeur et créer des événements en interne pour recevoir les potentiels candidats. Pour la seconde, le dirigeant-fondateur explique qu’il faut « construire un cocon de chasse sémantique sur l’ensemble des réseaux de recrutement ». Un travail de fourmi pour trouver la personne qui correspond le mieux aux besoins de l’entreprise et qui dans le même temps, serait disponible.

Recruter oui, mais aussi fidéliser

Recruter c’est bien, fidéliser c’est encore mieux. Si la mobilité demeure relativement stable entre 2023 et 2024 d’après l’étude de l’Apec présentée, le premier levier qui incite les cadres à changer d’employeur est l’augmentation de leur pouvoir d’achat (66 % des cadres en mobilité en 2023 ont connu une augmentation de leur rémunération), dans un contexte économique actuel tendu.

Néanmoins, « les critères liés à la QVCT (Qualité de vie et conditions de travail) demeurent essentiels pour ne pas quitter le navire », confirme Nicolas Veslin, dirigeant-fondateur du cabinet Ynitia basé à Saint-Nazaire, en s’appuyant sur une étude du cabinet Robert Half (avril 2023) et qui met également en lumière l’équilibre vie pro – vie perso (68 %), l’ambiance de travail bienveillante (55 %) et le niveau d’appréciation de son manager (40 %). Mais « rester ne suffit pas pour être fidèle à son entreprise », a ajouté le consultant innovation. D’où les pistes formulées à l’attention des dirigeants pour éviter le phénomène grandissant de “démission silencieuse3” : Un partage de leur vision et la prise en compte des ressentis du collaborateur, notamment la reconnaissance et le sentiment d’appartenance à l’entreprise.

Un restaurant éphémère pour recruter

À l’approche de la saison estivale, le tourisme recherche ses talents, cadres ou non, en particulier sur le bord de mer4. C’est pourquoi le lycée hôtelier Sainte-Anne de Saint-Nazaire, en partenariat avec l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih), a organisé le 20 mars dernier un “restaurant éphémère”. Objectif : répondre aux besoins en recrutement des établissements du territoire et renforcer l’attractivité de la filière. Comment ? En permettant une mise en situation des candidats dans le restaurant d’application du lycée, avant un job dating avec des professionnels en quête de personnel.

« À nous d’être un peu plus sexy pour attirer »

Via ce genre d’initiative, l’Umih entend redorer l’image de l’hôtellerie – restauration, souffrant des contraintes inhérentes aux métiers (travail en coupure, horaires de nuit et week-end…). « À nous d’être un peu plus sexy pour attirer plus de monde », admet Alexandre Thiebaud, membre du bureau national de l’Umih et patron de deux restaurants au Pouliguen.

Côté candidats, les attentes ont également évolué :  « Chacun vient avec ses conditions et c’est à nous, hôteliers, de nous vendre. Plus encore que le salaire, c’est le confort de vie et le bien-être qui priment », confirme Maël Le Gouill, responsable de salle au Westotel du Pouliguen.

Évolutions de la convention collective, refonte des grilles de salaires et formations accrues font partie des leviers envisagés pour rendre le secteur plus attractif.

 

1. D’après une étude réalisée par l’Apec et présentée par Alexandrine Grohs.

2. Services à forte valeur ajoutée : fonction qui améliore l’expérience client sans augmenter le coût du produit ou du service.

3. Démission silencieuse : s’en tenir à ce que prévoit la fiche de poste sans s’impliquer davantage.

4. « 400 postes en tourisme répertoriés à ce jour dans les agences France Travail de La Baule, Saint-Nazaire et Trignac, dont 27 % de CDI et 47 % d’une durée supérieure à six mois », selon Grégory Béquet, de France Travail.