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[ Joaillerie ] Raphaël Griffon : « J’adore raconter l’histoire de nos pierres »

La famille Griffon travaille dans la joaillerie depuis quatre générations. Raphaël Griffon, installé rue du Roi Albert, près de la cathédrale de Nantes, nous raconte sa passion pour les pierres précieuses et la fabrication de bijoux sur-mesure. Sans filtre et sans concession, il emploie le ton gouailleur de celui qui bourlingue aux quatre coins du monde pour dénicher des matériaux rares.

Raphaël GRIFFON

Raphaël GRIFFON dirigeant de Griffon bijouterie © Benjamin Lachenal

La joaillerie, c’est une histoire de famille chez les Griffon… Racontez-nous…

Raphaël Griffon : La société Griffon date de 1996 mais le savoir de la famille a plus de 120 ans. Mon arrière-grand-père était joaillier chez Cartier. L’atelier Griffon n’existait pas encore. Ce qui est étonnant c’est qu’il n’y a pas eu de réelle passation des connaissances entre mon arrière-grand-père et mon grand-père puis entre mon grand-père et mon père sur ce métier. Il y a eu des ruptures, la guerre, ils ont fait le même métier tout de même. Je suis la seule génération à avoir récupérer les connaissances de mon père. La société a été reconstruite à chaque fois. Mon grand-père a été joaillier à Lorient. Son atelier a été bombardé pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils ont juste récupéré une collection d’émeraudes mais qui a été volée dans leur trajet en train entre Lorient et Nantes. Donc il a dû repartir de zéro. Cet atelier, quand mon grand-père a arrêté, il n’a pas été transmis à mon père. La boutique a été fermée, je ne sais pas pourquoi. Mon père a commencé la joaillerie très tôt, vers 15 ans. Il n’y avait pas d’école à l’époque, on apprenait chez un patron. Lui il a appris avec un MOF (Meilleur ouvrier de France, NDLR) à Nantes. Puis il a été agriculteur. Jusqu’à mes 11 ans, j’ai grandi sur des terres agricoles. J’étais avec les vaches, un peu sauvage. Mes parents m’ont éduqué sans la télévision, fallait qu’on écrive, qu’on bouquine, qu’on dessine… Finalement mon père a décidé de revenir à Nantes et de reprendre la joaillerie.

Et vous, comment êtes-vous arrivé dans le métier ?

Raphaël Griffon : Moi je l’ai découvert tard, vers 20 ans. J’avais choisi une toute autre voie, le génie électrotechnique. Puis j’ai fait mon service militaire, j’avais besoin d’action. Je voulais aller à l’autre bout du monde. Je suis parti dans les troupes de marine aux Antilles et j’ai voyagé pendant deux ans dans cette zone, notamment en Guyane. Là-bas j’ai croisé des chercheurs d’or. Ça a fait tilt, ça m’a fait penser à mon père joaillier. Je trouvais ça intéressant mais je n’étais pas encore dedans du tout. Quand je suis rentré du service national, mon père était en train de monter sa société à lui, l’actuelle. Enfin, nous n’étions pas dans ces locaux. C’était un petit boui-boui, on était sous-locataires… À cette époque je bougeais beaucoup, je sortais énormément et je me suis mis à travailler la communication de l’atelier. J’ai quitté l’électrotechnique et son ambiance de mecs avec les blagues qui vont avec. Je me suis dit « intellectuellement ça va pas le faire ». J’ai intégré une école de joaillerie et j’ai rejoint mon père en 1998-1999.

Comment s’est passée votre collaboration ?

Raphaël Griffon : Plutôt bien malgré nos deux caractères très forts. Il y avait une intelligence de ce que l’un pouvait apporter à l’autre. Moi je cherchais la culture qu’avait mon père et je lui apportais un regard moderne avec le design en 3D, les nouvelles technologies… Au début il y était un peu réfractaire. Et puis, en 2013, j’ai repris le flambeau. À l’époque je travaillais encore avec mes deux sœurs qui étaient joaillières. Mais quand j’ai repris la société, j’ai prévenu que ce serait sans membre de la famille. Ça peut paraître hyper dur mais c’est une situation très compliquée de travailler avec sa famille. Mon père avait un mode de fonctionnement à l’ancienne auquel étaient habituées mes deux sœurs et moi j’avais des ambitions différentes. Je me suis dit que ça risquait de poser des problèmes. Donc avant que ça pose des problèmes, j’ai annoncé la couleur. Tout s’est bien passé et j’ai racheté la société tout seul.

Raphaël GRIFFON

© Benjamin Lachenal

Quelles évolutions avez-vous apportées à l’atelier ?

Raphaël Griffon : L’activité a explosé. On était deux salariés, maintenant on est bientôt dix. On se déploie dans toute la France, de plus en plus à l’étranger, on a un bureau à Paris… On a emménagé ici il y a moins de quatre ans, c’est tout neuf. L’idée c’était d’en faire un atelier avec une belle déco, des morceaux d’avions parce que j’adore l’aviation, et l’envie du voyage… Et puis, j’ai choisi de nous ouvrir. Aujourd’hui les joailliers se cachent. Ils ferment un maximum tout pour sécuriser. Je pense à l’envers : notre sécurité, elle est faite par le regard des autres. Lorsqu’on passe à l’extérieur on voit qu’il y a des joailliers. S’il y a braquage – ce à quoi tout le monde pense – les gens verront. Je tiens aussi à valoriser les créateurs. Généralement, c’est le patron qui parle et les employés travaillent. Nous, on est une société où chaque salarié a sa propre identité, sa propre clientèle. Ils peuvent exprimer leurs qualités d’artistes. Ça ne s’est jamais fait. Comme tous mes salariés sont créateurs, ce sont eux qui démarrent leur projet. Il y a même des bijoux qui sortent et qui me surprennent. C’est aussi le côté excitant de mon organisation.

Et en termes de techniques ?

Raphaël Griffon : Elles sont tout à la fois ultramodernes et très anciennes. L’intelligence de la main a des millions d’années. Les machines n’arrivent pas à reproduire certains gestes comme sertir le métal et le rabattre sur une pierre sans la casser. La machine ne remplacera sans doute pas la main humaine sur ce métier, ou en tout cas aujourd’hui on a énormément de mal. Ce qui change, c’est la réalisation virtuelle. J’ai une personne en face de moi, qui m’explique son projet, je dois comprendre ses attentes et transformer ses mots en forme et en couleur. Ce dessin je le transcris sur l’ordinateur, en 3D, mais chaque courbe va être dessinée à la main, avec une vraie réflexion sur les épaisseurs, le risque de choc, la hauteur du placement d’une pierre, l’esthétisme… Contrairement à ce qu’on peut entendre, ça ne casse rien du métier. L’ordinateur ne sait rien faire tout seul. L’idée c’est bien l’homme. On est aussi complètement autonomes sur tout : on fait nos films de promotion, on imprime en 3D une maquette pour pouvoir la présenter au client…

Votre spécificité, aussi, c’est de voyager beaucoup…

Raphaël Griffon : Je me déplace aux quatre coins du monde pour réaliser des films documentaires sur l’extraction des pierres précieuses ; ce qu’on est très peu à faire puisque c’est de la vraie aventure. On s’immerge dans l’Amazonie, on est droppé en hélicoptère… Il y a ce côté aventure que j’adore et surtout humain. Moi je me vois toujours habillé la moitié du temps en costard-cravate et l’autre moitié avec les bottes pleines de boue. Aujourd’hui, mon lien à la joaillerie c’est ça. On n’imagine que les fastes, le château, la voiture de sport et, en fait, derrière il y a toute cette partie qu’on oublie. Quand je crée un bijou, j’aime dire aux clients : « N’oubliez pas d’où viennent les pierres, les gens qui les ont extraites, ceux qui les ont travaillées… » Car à l’état brut elles ne ressemblent à rien. Sans chercher à être moralisateur non plus… Ça ne fonctionne pas de faire ça. Les injonctions sont de plus en plus fortes et c’est vrai que ça devient insupportable. Là je vais partir réaliser mon cinquième documentaire en Guyane. J’en fais ensuite des conférences. Je ne les sors pas en DVD. Je les utilise pour l’école de joaillerie, des sociétés me contactent pour des interventions… Je ne fais pas de diffusion télé ce n’est pas ce qui m’intéresse.

 

 En allant sur les mines, j’ai accès aux « vrais hommes », à la « vraie culture ». Les gens nous racontent des vraies histoires et pas ce qu’on a envie d’entendre

La joaillerie est quand même un secteur sulfureux… Comment s’assure-t-on que les pierres sont propres ?

Raphaël Griffon : En allant sur place ! Ça reste la meilleure solution. Souvent, ce que je dis aux gens qui me posent cette question c’est : « Vous portez des vêtements, est-ce que vous êtes allés voir dans les champs de coton en Inde comment ça a été récolté et fabriqué ? Et combien vous achetez de vêtements à l’année ? Ou d’où provient l’essence utilisée pour sa voiture ? »

Pour les pierres précieuses, il y a des critiques qui sont justes. Mais on n’en voit que cette partie. Si on regarde le Botswana aujourd’hui, c’est un des pays les plus développés et les plus stables d’Afrique, avec des réseaux routiers extraordinaires et c’est grâce aux diamants. Ils ont réussi à réinjecter l’argent. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de corruption bien sûr. Mais, en France, la corruption est plus démentielle qu’en Afrique, sauf qu’elle est plus « intelligente ». Donc j’aime bien titiller ce côté sulfureux parce que, comme je vais sur le terrain, et sans dire que j’ai réponse à tout, mais je sais ce que j’ai vu. Je suis allé au Sri Lanka, à Madagascar, dans plusieurs pays africains, je n’ai pas vu d’esclavagisme. Je ne dis pas que ça n’existe pas mais c’est plutôt rare en fait. Souvent ils sont indépendants. Ils viennent avec leurs familles et leur seule ressource c’est ça.

Autre chose hyper importante : nous, les Blancs, on a toujours un regard de « on veut faire le bien autour de nous et l’amener dans des pays étrangers sur lesquels ça ne collera pas ». On essaye de leur dire qu’il faut apporter du solaire pour mettre une pompe électrique. Mais quand ça tombe en panne ils disent « les mauvais esprits sont entrés dans la pompe » et ils repassent au seau d’eau. Donc on peut avoir un regard moralisateur où on dit « c’est complètement débile » mais en fait ça fonctionne comme ça là-bas. Qu’est-ce qu’on va s’embêter à insister ? Ils sont heureux ainsi. Moi les gens les plus heureux que j’ai vus c’était en Afrique. En allant sur les mines, j’ai accès aux « vrais hommes », à la « vraie culture ». Je ne dors pas dans les hôtels, je dors par terre, j’ai les cafards qui me montent sur la tête, et ça j’adore, parce que les gens nous racontent des vraies histoires et pas ce qu’on a envie d’entendre.

Raphaël GRIFFON

© Benjamin Lachenal

Qu’est-ce qui vous pousse à voyager ? Vous n’y êtes pas obligé…

Raphaël Griffon : Le fait de rencontrer des gens qui sont différents de moi. J’adore ça. C’est découvrir des pays qui ne nous ressemblent pas et laisser le côté « chui Français, on a les meilleurs vins et les meilleurs fromages ». On en voit pleins qui voyagent comme ça… Moi quand je voyage en Côte d’Ivoire, par exemple, je deviens ivoirien. Il le faut. Y’a des trucs qui vont me choquer, parce que je suis Français, mais je vais regarder leur réaction et me dire en fait « ça fait partie de leur coutume ». Même si ça ne me semble pas bien, je me dis « pourquoi moi Blanc je vais leur dire que c’est pas bien ? » J’essaye d’éviter le côté j’appuie sur un bouton, j’ai l’électricité ou attendre une réponse à un sms dans les deux minutes… parce que je sais que là-bas c’est « Vous les Blancs vous avez l’heure mais nous on a le temps ». C’est tellement vrai et c’est ce que je recherche. Et quand je présente la matière, quand je parle d’une pierre, je sais de quoi je parle. En tout cas sur la mine où j’ai été. Je ne prétends pas avoir une connaissance mondiale mais au moins de la matière que je vends.

Est-ce que votre clientèle a changé aussi ? Sur votre site, on voit des pièces moins traditionnelles…

Raphaël Griffon : On a une clientèle qui est différente mais aussi qui a évolué. C’est-à-dire qu’on avait – et c’est toujours le cas – une clientèle très bourgeoise et même aristocrate. Il y a vingt ans, on faisait surtout de la bague entourage. Mais la clientèle s’est mixée. Par exemple, quelqu’un d’une vieille famille s’est marié avec une personne d’une famille qui n’avait rien, pas de nom, et donc ça mixe les idées, les éducations… Le bijou s’en ressent. On le voit évoluer et ça bouge très vite. On a aussi des gens qui sont issus de réussites financières incroyables, qui n’ont jamais été bercés dans le domaine de la joaillerie et qui arrivent avec un regard complètement neuf. Au lieu de demander une émeraude, ils vont demander une pierre verte. Ça c’est un changement de notre métier. Et nous on doit être en permanence dans l’adaptabilité. C’est super intéressant, on fait de l’ethnologie. Avec le site internet on a des clients de la France entière. Ça n’est bien sûr pas un site marchand mais ça permet d’être visibles partout.

La clientèle s’est mixée Le bijou s’en ressent et ça bouge très vite

Ça n’est pas banal d’acheter de tels bijoux à distance… Comment faites-vous pour travailler ainsi ?

Raphaël Griffon : On envoie les projets, les clients ont la maquette 3D, ils envoient une photo de leur main, de leur cou… Les gens y sont ouverts au final. Ce qui fait que ça fonctionne c’est l’ancienneté de la maison. Et puis nous avons 237 supers commentaires, de vrais clients, sur Google où nous avons cinq étoiles. On leur propose un service hautement qualitatif. On rappelle toujours après la livraison d’une commande pour être sûrs qu’ils sont satisfaits. Si jamais quelqu’un ne l’est pas, on trouve une solution, on refait le travail. On ne lâche aucun détail. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui ça fonctionne aussi bien.

La boutique tourne ?

Raphaël Griffon : On fait un CA autour de 600000€ par an. Ça n’est pas énorme car les marges sont très faibles, entre 7 et 8%. On s’imagine que la joaillerie rapporte mais vu le temps passé sur un bijou, au taux horaire, on se trouve parfois sous le revenu d’un mécanicien. C’est un métier particulier parce qu’il y a les fastes de la pierre précieuse mais, une pierre précieuse, si elle coûte très cher, tout le coefficient n’est pas pris par le joaillier. La matière dès le départ coûte excessivement chère. Il faut savoir que pour une pierre qu’on a sur le doigt, il y a 60 à 70% de la matière qui est partie en poussière.

Aujourd’hui on fait partie des ateliers qui arrivent à plutôt bien vivre de notre travail parce que j’ai mis des process en termes de temps, d’investissement des salariés, avec des grosses primes occasionnelles (3000€ pour la dernière). J’estime que c’est important car c’est leur boite, si ça se casse la gueule, on se casse la gueule ensemble, leur travail est fondamental. Mais les primes ça devient compliqué car c’est hypertaxé. Maintenant je vais procéder par intéressement. Surtout que je commence à réfléchir à l’après. Malheureusement, je n’ai pas d’enfants, donc la suite ce sera peut-être les salariés. Je prépare déjà les esprits.

Au cas aussi où, un jour, je décide de tout quitter, de ne plus avoir envie d’entendre parler d’iPhone, d’Internet, que tout ça me gonfle – et c’est déjà le cas – et de partir en Afrique. Mais ça n’est pas encore d’actualité.

Je propose des matières magnifiques parce que j’ai de très bons contacts

Quels sont vos projets ?

Raphaël Griffon : Une nouvelle personne va arriver en septembre. On devrait aussi embaucher l’année prochaine donc passer de 7 à 9. C’est devenu nécessaire avec la charge de travail. Je fais la com aujourd’hui mais j’ai envie que quelqu’un d’autre s’en occupe. Parce que ce qui m’éclate, c’est partir à l’autre bout du monde, aller chercher mes matières précieuses, ce que je ne fais pas encore assez. C’est être avec le client sans un chrono à la main sans me dire que je dois me dépêcher parce que j’en enchaine un autre. Je veux prendre le temps, je me coucherai un peu plus tard le soir pour faire un truc mais je m’en fous !

Autre projet : les travaux d’agrandissement de l’atelier sont en cours. Je vais installer une fonderie ultramoderne pour fondre tous les métaux sur place. Elle sera visible, ce sera comme un musée ouvert. Je veux que ce soit esthétique comme le reste de l’atelier et que les gens puissent voir les process. Notre force, c’est que, dès qu’un bijou est terminé, il s’en va. On n’a pas de gros stock comme un magasin. Et ça représente 20 à 30g de matière. Il peut toujours y avoir un braquage pour 30g mais le risque est démentiel pour 30g ! On va tailler des pierres précieuses aussi. Ce sera inédit dans tout l’Ouest de la France. Généralement, tout le monde externalise ce travail-là. Mais moi j’ai envie d’être capable de retravailler une pierre moi-même, de corriger un défaut… Et nos joailliers sont fan de l’idée. Ils vont avoir des connaissances que d’autres n’auront pas. Et puis on va rendre l’espace de travail encore plus agréable avec une nouvelle salle de repos, un simulateur de voiture… J’ai envie de leur faire conduire une voiture de sport, une autre de mes passions. On pourrait se demander quel est le lien ! Et bien c’est que quand on roule sur circuit à 240 km/h, la précision du moment de freinage, de comment je prends mon virage, de comment je réaccélère, elle est aussi précise que celle du joaillier. Un très bon joaillier peut généralement passer à n’importe quel métier parce que son apprentissage et la compréhension de l’importance de chaque détail, il peut les rapporter très rapidement sur un autre métier.

Dernier projet, la pierre d’investissement, de placement. Je vais proposer à des gens qui veulent se faire plaisir ou pensent à l’héritage de leurs enfants d’investir dans de très très belles pierres, un diamant jaune, un saphir de dix carats… puisqu’elles se raréfient. Surtout que les Chinois achètent toutes les matières précieuses et ils stockent, ils stockent, ils stockent… Donc, au bout d’un moment, ces matières vont devenir encore plus rares et beaucoup beaucoup plus chères. Je vais les vendre en disant de ne pas partir sur une revente tout de suite mais sur un héritage parce que c’est plus intéressant. Mon idée c’est d’aller les acheter directement sur les mines.

On les achète plus chères pour mieux rétribuer les mineurs, et pour qu’ensuite ils privilégient les petits acheteurs plutôt que certaines nationalités qui négocient comme des chiens. Au passage je court-circuite 2,3,4,5 courtiers. Je propose des matières qui sont magnifiques, parce que maintenant j’ai de très bons contacts, et parfois je court-circuite même sur des matières censées aller place Vendôme. J’en revends déjà mais je veux passer à une autre échelle.

La crise du Covid a-elle affecté votre travail ?

Raphaël Griffon : Selon ma vision des choses, non, à part les voyages. Pour moi, il n’y a pas eu d’impact parce qu’on ne s’est pas dit qu’on était en crise. J’ai adoré le premier confinement. Je me suis tout de suite mis dans un état d’esprit où, comme disent les Chinois, une crise c’est une opportunité. Même si effectivement la crise fait des dégâts, je me suis demandé ce qu’on allait tirer de positif sur cette crise-là ? On a quand même fait -40% de CA qu’on a rattrapé rapidement.

En fait, je vais vous dire, je ne connais pas les chiffres de ma société au jour le jour et en fait je m’en fous. Je sais que ça surprend. Mais moins je m’y intéresse plus ça fonctionne. Plus je vais commencer à regarder en me disant « mince le mois dernier on a fait moins, etc. » plus je vais me mettre des nœuds au cerveau. J’avais commencé à le faire mais je me suis rendu compte que ça
n’allait plus. Par contre, je gère très bien ma société, hein, faut pas croire ! Mais je m’en fous, parce que du moment que je peux payer mes salariés, payer les charges… c’est bon la vie est belle. J’ai continué d’investir, de faire de la pub… J’ai dépensé de l’argent.

Je voyais le compte de la société se vider et je disais « il faut le vider un peu car comme ça, s’il est trop vide, on va se retrouver dans la merde donc il va falloir qu’on taffe pour le remplir ». Je ne suis pas au jour le jour non plus, j’ai quand même une projection sur plusieurs années mais je ne regarde pas tous les jours la comptabilité parce que j’ai conscience de ce qu’il se passe. C’est une façon un peu spéciale de gérer mais ça marche très bien.