Vous venez d’inaugurer vos bureaux en centre-ville. Pourquoi cette installation à Nantes ?
Un retour aux sources ! Je suis originaire de Montbert, au sud de Nantes. À la suite de mes études de droit et d’histoire de l’art, du concours de commissaire-priseur et un passage à Paris par Christie’s, Tajan, Osenat, et après avoir été associé à Drouot à Aix-en-Provence, nous avons fait le choix familial de revenir dans la région nantaise. J’y représente la société de vente Millon, seule grande structure familiale de ventes aux enchères, qui cherchait un représentant dans le grand Ouest.En quoi vous distinguez-vous des salles de ventes nantaises ?
Par définition, je réalise des inventaires de succession et tutelle, estimations, partages, sans avoir la salle à gérer. Par conséquent, sans les contraintes administratives qui en découlent. Je rayonne dans toute la région, je reviens d’ailleurs de Morlaix où j’ai vu de très belles pièces. Mon travail est d’apporter mon expérience auprès des familles, des notaires et des family offices, de donner des solutions pour vendre à Paris, ou même à l’étranger comme à Milan ou Bruxelles où nous avons des salles des ventes. Nous comptons trente experts, notre force est d’avoir un collectif tout en ayant un commissaire-priseur sur place très disponible. Mon rôle est de me déplacer à la rencontre des gens et d’assurer du « cousu main ». Avoir un bureau, c’est bien, mais cela ne remplacera jamais le fait d’interagir avec les gens, qui, bien souvent, vous présentent, dans un second temps, leurs objets de valeur.
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Avant d’entrer dans une maison, vous ne savez pas ce que vous allez découvrir ?
Au préalable, on demande souvent des photos. Mais rien n’est mieux que de se rendre sur place, car les personnes n’ont pas conscience de la valeur des choses. En 2023, j’ai trouvé un vase chinois monté en lampe qui a été adjugé à 235 k€. J’étais venu pour l’inventaire d’une succession. Cette lampe, à moitié démontée, allait partir dans un placard. J’ai aussitôt alerté les héritiers de sa valeur. De même, j’ai vendu 115 k€ l’année dernière un rubis très particulier qui dormait dans un coffre. Les propriétaires n’en savaient rien, on leur avait dit que c’était une « pierre rouge ». Il s’agissait d’un rubis de 3,96 carats originaire du Myanmar avec une couleur dite « fancy », un peu rose, une pierre naturelle non chauffée n’ayant fait l’objet d’aucun traitement thermique pour en améliorer la couleur.
Quels conseils donnez-vous aux héritiers dans une succession ?
Surtout, vérifiez que personne dans votre famille ne veut ces objets. Une fois partis aux enchères, c’est trop tard. Les gens, aujourd’hui, ont tendance à ne rien vouloir garder. Quelques années plus tard, ils pourraient le regretter.
Comment se porte le marché de l’art ?
Plutôt bien. Comme tout ce qui est luxe et art de vivre, notamment dans le secteur du bijou. La tendance est aussi à la pop culture : cartes Pokémon, jeux vidéo, sneakers, voitures youngtimers, tout ce qui faisait rêver dans l’enfance les générations actuelles. Le top marchera toujours, mais il faut reconnaître que les meubles d’époque n’ont plus la cote. C’est une question de génération, de place, de mode, de goût peut-être… Il faut donc savoir baisser les prix de certains objets. On peut trouver des solutions pour tous les objets et être là pour défendre et sortir des choses qui le méritent… L’art d’Asie connaît un grand succès ! En France, on en a beaucoup importé depuis le XVIIe siècle. Aujourd’hui, les collectionneurs chinois les rachètent. C’est un domaine que j’aime beaucoup. Il faut savoir percevoir le caractère exceptionnel d’un objet. La forme, le poids, la facture, l’émaillage, le cachet, sont révélateurs.
Est-ce que vous trouvez dans la région, à travers les objets, des témoignages du passé portuaire de Nantes ?
Certaines familles ont encore une histoire. On retrouve beaucoup de mobilier de port en acajou. À Nantes, le bois était ciré, plus beau, non huilé, comme à Bordeaux où il est plus foncé. On trouve également de la porcelaine Compagnie des Indes. Beaucoup de familles de marins rapportaient des souvenirs de leurs périples, notamment d’Indochine. On retrouve également des traces du riche passé industriel de Nantes au XIXe siècle. Malheureusement, la ville a été beaucoup bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce qui subsiste se déniche souvent dans les propriétés autour de Nantes.
Paul-Marie Musnier en dates
17 juin 2012. Premier coup de marteau à Drouot
14, 15 et 16 mai 2014. Vente de la totalité du mobilier de l’Hôtel Lotti — 7, rue de Castiglione — Paris Ier
12 mars 2020. Vente à Drouot des grands vins de la cave de l’Espérance de Saint-Père-sous-Vézelay (restaurant trois étoiles de Marc Meneau), trois jours avant le confinement lequel l’amènera à revenir vivre dans la région de son enfance et à quitter ses associés de l’époque
10 février 2025. Ouverture de son bureau nantais place Delorme au 1 rue Camille Berruyer