Vous avez une double lecture de l’année qui vient de s’écouler. Qu’elle est telle ?
Une première plutôt positive. L’objectif de croissance défini par le gouvernement (1 %) est atteint et nous situe plutôt en tête du peloton européen. Dans le même temps, le marché de l’emploi a tenu si nous raisonnons sur l’année. Mais nous avons aussi vu, au fil des mois, plusieurs indicateurs se dégrader. Nous avons un énorme warning sur l’investissement des entreprises (-3,5 %). Rien que pour tenir la cadence de neutralité carbone à l’horizon 2050, il devrait s’élever à 40 Mds€ de plus chaque année. Pour cela, l’investissement global devrait progresser de plus de 10 %, or ce n’est pas le cas. Et l’origine n’est pas le financement – les banques françaises ont augmenté leur crédit aux entreprises en valeur absolue – mais le manque de confiance dans l’avenir. La dissolution a été un coup de tonnerre pour tout le monde, les dirigeants en particulier. Nous aimons le risque, pas l’incertitude. Il est très clair que, compte tenu de la confusion qui règne dans le paysage politique, beaucoup d’entre nous ont suspendu investissements et recrutement, ce qui pèse sur la croissance. Dès le mois d’août, j’ai alerté sur la situation en annonçant une récession au quatrième trimestre et une détérioration de l’emploi. Il faut urgemment que les politiques prennent conscience de la situation économique qui devient de plus en plus inquiétante.
Patrick Martin en bref
Et génère la dégradation conjoncturelle actuelle ?
Il y a une dégradation conjoncturelle générale qui s’est confirmée au fil des mois, particulièrement pour les filières construction, automobile, industrie, ainsi que pour les métiers périphériques. Sous l’effet direct de décisions politiques inappropriées, tant au niveau de la France que de l’Europe (excès de réglementation, suppression ou non des moteurs thermiques…), nous avons « sagouiné » ces secteurs. Seuls 250 000 logements ont été mis en chantier comme… en 1953 où l’on comptait 25 millions d’habitants en moins. De façon moindre, le bloc énorme de la consommation courante a souffert. L’effet facial lié à l’inflation a masqué la baisse des volumes, car les chiffres d’affaires progressaient. Maintenant que nous n’avons plus le cache-misère de l’inflation, nous voyons que la consommation courante, y compris alimentaire, n’a pas redémarré. Par ailleurs, des secteurs comme le digital ou l’ingénierie qui enregistraient une bonne progression en 2024 affichent désormais un ralentissement assez marqué.
Quant à l’augmentation des défaillances (plus de 67 000 en 2024 soit un niveau supérieur à 2009 et à 2010-2012) ce qui est plus préoccupant, c’est de voir apparaître l’industrie (notamment la sous-traitance automobile) et le bâtiment (25 % des dossiers) parmi les filières concernées et surtout une taille d’entreprise plus importante (les e…