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Jérôme Duret, président du groupe Duret : «Nous avons besoin des investisseurs immobiliers »

Président du groupe immobilier éponyme, le Vendéen Jérôme Duret a repris les rênes de l’entreprise familiale, fondée par son père Alain, il y a trois ans. Confronté à un secteur marqué par la crise inflationniste et la fin de dispositifs fiscaux comme la loi Pinel, le jeune dirigeant souligne le rôle essentiel des investisseurs pour relancer le marché. Il met également en avant l’innovation financière comme levier pour concilier économie et enjeux environnementaux.

Jérôme Duret.

Jérôme Duret. BENJAMIN LACHENAL - IJ

Après une année morose pour l’immobilier et le bâtiment, comment se porte le groupe Duret ?

La morosité touche le secteur immobilier depuis mi-2022 en raison de la hausse du prix des matériaux et des taux d’intérêt qui ont ralenti le marché. À l’échelle nationale, les mises en chantier n’ont jamais été aussi basses depuis 2016. Au sein du groupe Duret, nous trouvons des solutions pour nous assurer rentabilité et sérénité. Nous nous sommes fixé l’objectif de deux cents logements et lots tertiaires à construire par an en Vendée, Loire-Atlantique et Maine-et-Loire. En 2024, nous avons atteint ce quota pour la première fois. Rien qu’en décembre, nous avons réussi à démarrer la construction de cent cinquante-cinq logements et lots tertiaires, répartis sur quatre projets à Montaigu, Aizenay et La Roche-sur-Yon.

Comment l’analysez-vous ?

Ce sont des opérations que nous avons longtemps travaillées au corps et qui auraient déjà dû être sorties depuis un certain temps. Avec la crise inflationniste, il y a eu une certaine inertie du marché. Il s’agit donc d’un rattrapage. Vous noterez que les projets sortis en fin d’année sont exclusivement vendéens. Nous avons la chance d’avoir un territoire économique sain, avec des collectivités qui instruisent bien et efficacement les dossiers. Contrairement au marché nantais plus compliqué, il n’y a pas ici de surenchère foncière, ce qui nous permet de maintenir des prix de vente raisonnables.

Pour les investisseurs, la rentabilité a encore été au rendez-vous. En effet, depuis octobre 2023, les villes de Cholet, les Herbiers et Montaigu-Vendée ont pu bénéficier de la loi Pinel, qui permet de défiscaliser son achat immobilier. En juillet 2024, la ville de La Roche-sur-Yon s’est ajoutée à cette liste. Cela a eu un effet de boost et représente un tiers de nos ventes sur cette période.

Le groupe Duret

95 collaborateurs dont 45 collaborateurs au sein des six agences immobilières Duret
37,5 M€ de CA consolidés en 2023
Six activités différentes
Groupe Duret : métiers supports
Duret Promoteur : promotion immobilière
Agences Duret : agences immobilières (Vallet, Clisson, Montaigu-Vendée, La Roche-sur-Yon et Saint-Gilles-Croix-de-Vie)
Duret Immobilier d’entreprise
Ouest Amo : AMO, MOE, ingénierie du bâtiment
Deuxième Adresse : domaines résidentiels en hôtellerie de plein air
Duret gestion : gestion de logements meublés

Avec six métiers différents, vous couvrez un large spectre de la chaîne immobilière. Face à une conjoncture politico-économique instable, cette diversité est-elle une force ?

Avoir des activités complémentaires peut être une force à condition que ces activités soient matures. Or, certaines d’entre elles n’avaient pas trouvé leur modèle économique. De plus, nous ne pouvions être performants avec une diversité de métiers aussi large. Si l’activité centrale ralentit, le risque de difficultés est décuplé pour les autres structures. Et inversement quand une filiale est en difficulté, cela impacte forcément le reste du groupe. Depuis 2020, nous avons donc amorcé un recentrage autour de notre activité historique : la promotion immobilière.

Nous avons fermé certaines structures comme DFO, spécialisée dans la gestion de patrimoine. Nous nous sommes désengagés financièrement de certaines filiales comme Finansur (courtage et financement) ou Culture Watt (financement de projets photovoltaïques). Et nous nous sommes également retirés opérationnellement de deux entités : Lean’nov, experte dans le lean management, et Kalea Syndic, spécialisée dans le syndic de copropriété. Une seule de nos filiales a été placée en redressement judiciaire : Diconic. Cette entreprise de décoration et d’architecture d’intérieur basée à La Roche-sur-Yon a définitivement fermé ses portes en décembre 2024. Créée en 2020, juste avant le confinement, nous en étions actionnaire à hauteur de 40 %.

Bureaux BX. ALAIN MONEGER

L’ADN du groupe Duret repose sur l’innovation et sa capacité à anticiper les évolutions. Est-ce l’un des secrets de votre réussite ?

L’innovation n’est pas seulement technique. Dans le bâtiment, elle ne repose pas uniquement sur la domotique ou l’écoconstruction. L’innovation est à tous les niveaux, dans le fait d’être agile ou dans notre capacité à regarder ce qui nous entoure et à agir en conséquence. Parce que nous sommes un groupe à taille humaine connecté au territoire et aux réseaux (Réseaux Entreprendre Vendée, Ruptur, Medef, Club Immobilier Vendée Atlantique), nous avons cette capacité à capter ce qui passe et à modifier rapidement notre logiciel global.

En ce moment, ce qui nous amène le plus à innover, c’est la disparition de la loi Pinel qui freine la capacité de nos clients à investir. Cela a un impact beaucoup plus fort sur notre métier et notre offre que la transition environnementale. Il faut faire bouger des lignes dures pour financer et rendre finançable les projets de nos clients. La vraie innovation, elle est là, dans la sphère financière. Elle est dans la recherche d’un prix de vente plus attractif pour rentrer dans le budget des acquéreurs ou dans le fait de proposer aux investisseurs une offre sur mesure avec une rentabilité attractive. Innover, c’est aussi renforcer les échanges avec les partenaires bancaires ou encore solliciter des partenariats financiers privés pour accompagner les projets.

Mettre trop haut le curseur sur l’innovation technique ou environnementale, c’est mettre en danger des projets. Le respect de normes environnementales entraîne des surcoûts. Et dans le contexte actuel, ce surcoût n’a pas sa place.

Avec la chute du gouvernement Barnier début décembre, le vote de loi de Finances 2025 a été repoussé sine die. Or, il semblait favorable au bâtiment et à l’immobilier. Ma Prime Rénov a été prolongée in extremis, ce qui n’est pas le cas du dispositif Pinel. Quant au prêt à taux zéro, son élargissement à tous les logements neufs reste en suspens. Comment réagissez-vous face à cette actualité ?

Précisons d’abord que le prêt à taux zéro ne concerne que les accédants, pas les investisseurs, et son projet d’élargissement porte sur la construction de maison individuelle neuve, un marché sur lequel nous ne sommes pas. Idem pour Ma Prime Rénov : en tant que promoteur immobilier, elle ne nous concerne pas.

Au-delà du vote de la loi de finance, il faut un cap politique clair. L’instabilité provoque un gel des investissements des entreprises. Cet immobilisme est dévastateur, notamment pour l’immobilier. Nous avions un modèle économique sain et stabilisé depuis des années. Cette instabilité politique vient le mettre en péril. La conséquence, c’est la pénurie de logements sur le marché locatif. On vient affaiblir notre capacité collective à construire. Quand on va se réveiller et comprendre que ce manque de logements est un problème majeur, ce sera terrible. On ne pourra pas réagir du jour en lendemain en appuyant sur un bouton. Il y aura forcément une inertie.

Agence Duret. GROUPE DURET

Quels sont les leviers à actionner pour relancer la machine ?

La priorité est d’avoir rapidement une alternative à la loi Pinel. Cette nouvelle loi devra être mesurée, pas trop incitative, car il est primordial de maintenir une cohérence entre l’offre et la demande pour ne pas dérégler le marché. Nous avons besoin des investisseurs pour relancer l’immobilier. Ils sont nécessaires dans l’équation. Ils sont les premiers présents sur les opérations et permettent de faire sortir les projets. Ils alimentent le marché locatif et contribuent à maintenir des loyers raisonnables.

En attendant, au sein du groupe Duret, nous pouvons nous appuyer sur notre offre de logements meublés LMNP Sérénité. Il s’agit de logements meublés que nous construisons et proposons à des investisseurs pour défiscalisation. Selon le régime fiscal choisi, ils peuvent déduire une partie ou la totalité des charges. Les loyers sont garantis et nous assurons la gestion locative. Avec la fin de la loi Pinel, ce dispositif de location meublée non-professionnelle devrait attirer plus de monde en 2025.


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L’enjeu pour des opérateurs immobiliers, c’est aussi d’aller vers la rénovation. C’est complexe, car ce n’est pas le même métier que la construction. C’est l’un des plus gros défis du secteur et du groupe Duret ces prochaines années. Mais ce ne sera pas d’actualité pour 2025 et 2026, faute de projets identifiés à ce jour.

Il y a un peu plus trois ans, vous avez succédé à votre père, Alain Duret. Comment s’est organisée la transmission ?

J’ai rejoint le groupe en 2010. Les premiers échanges officiels ont eu lieu en 2015, à l’initiative de mon père. Plusieurs scénarios ont été envisagés, dont celui où je reprendrais la présidence.

Transmettre une entreprise est un processus plein de rebondissements qui impacte les collaborateurs comme les partenaires et fait forcément bouger les lignes. Mon père et moi avons des façons différentes de mener les projets. Quand on a démarré les discussions, cela faisait plus des vingt-cinq ans qu’il avait créé l’entreprise. Des associés sont partis, des collaborateurs se sont révélés. Des partenariats se sont noués quand d’autres se sont arrêtés. Autant d’événements auxquels on ne s’attendait pas.

La transmission opérationnelle s’est achevée en décembre 2021. La transmission capitalistique s’est quant à elle terminée en 2023 avec la sortie complète de mon père de l’actionnariat. Je suis actionnaire majoritaire du groupe à 58,5 %. Mon frère Stéphane, qui a sa propre entreprise, détient 18 %. Mes deux associés, Stéphanie Duret (pas de lien familial) et Dominique Ravon, possèdent respectivement 13,5 % et 10 % des parts.

Comment le scénario où vous deveniez président s’est-il imposé ?

Cela peut vous sembler prétentieux, mais j’estimais être le mieux placé pour reprendre les rênes de l’entreprise. J’avais une bonne connaissance du groupe et de bons liens avec les partenaires. Mon rôle était de préserver ce que mon père avait construit. Si je n’y allais pas, j’aurais sans doute eu le sentiment de trahir le groupe, les équipes et mon père.

Vous avez une formation d’ingénieur informatique. Reprendre les rênes de l’entreprise familiale était-elle une évidence ?

Non, pas toujours. Si mon père ne me l’avait pas demandé, j’ignore si j’en aurais eu l’idée un jour. Sa proposition m’a surpris, mais la perspective d’un nouveau challenge m’a plu et j’ai suivi mon instinct. J’ai beaucoup de respect pour ceux qui créent une entreprise. Mon père a pris tous les risques pour emmener le groupe là où il en est. Je ne fais que poursuivre sa route.

Comment avez-vous trouvé votre place et votre légitimité par rapport à votre père, aux salariés ?

J’ai eu la chance d’avoir du temps pour comprendre les rouages de l’entreprise. Tout au long de cette phase de transmission, mon père a toujours été là pour me guider. Puis, j’ai dû affronter seul les enjeux. La posture de dirigeant s’acquiert dans le feu de l’action. Trois ans plus tard, je me sens en pleine maîtrise de tous les sujets et parfaitement légitime. Mon défi majeur est désormais de monter en compétence sur la partie « direction ».

Deuxième adresse, résidence secondaire, , Groupe Duret, Immobilier, Vendée ATYPIX

Désormais émancipé, quel cap voulez-vous donner au groupe ?

Mon objectif est avant tout de le pérenniser. Cela implique de consolider ses bases financières, organisationnelles et opérationnelles. Je n’ai pas la volonté de le développer davantage. Dans le contexte actuel, je suis ambitieux, mais prudent.

Vous êtes membre fondateur de l’association Ruptur. Quel regard portez-vous sur l’alliance environnement et économie ?

L’ADN de l’association Ruptur, c’est de prôner une économie vertueuse sur le plan environnemental et de faire de l’environnement un levier économique. Dit autrement, c’est comment peut-on faire de l’écologie tout en étant cohérent sur le plan économique, du business.

Malheureusement, dans les faits, décliner les enjeux environnementaux au niveau économique est difficile. Nous n’avons pas les moyens de nos ambitions. Pour être plus vertueux, nous devons avoir des modèles économiques stables. Or, ce n’est pas le cas. C’est particulièrement frustrant de savoir qu’il y a des choses à faire, qu’il y a urgence à les faire et de ne pas pouvoir le faire. Dans une crise inflationniste, on voit bien que les enjeux environnementaux patinent un peu. Politiquement, on revient en arrière.

Pour donner du poids à vos engagements RSE, en 2020, vous avez expérimenté au sein de Duret Immobilier la triple comptabilité. Quelles étaient précisément vos attentes ?

Pour rappel, la triple comptabilité est un concept qui vise à élargir le champ d’évaluation des performances d’une entreprise, en y intégrant les dimensions sociales et environnementales en plus de la performance économique. Il s’agit d’évaluer et de valoriser la transformation environnementale et inclusive d’une entreprise.

C’était notre objectif en 2020 lorsque nous nous sommes lancés dans cette expérimentation. Nous voulions nous assurer que nous contribuions au bien commun au travers de notre activité. Au bout d’un exercice comptable, nous avons compris que c’était un sujet avant-gardiste pour les parties prenantes. Le système économique français n’est pas encore mature pour la triple comptabilité. Nous avons stoppé net l’expérimentation.

Comment réduisez-vous votre empreinte carbone ?

Nous sommes une entreprise de services. Pour nous, le vrai enjeu se situe surtout au niveau de nos chantiers. Sur chaque opération, nous mettons en place une politique de gestion et traitement déchets, conformément à la réglementation environnementale RE2020. Nous n’allons pas au-delà de ce qui est préconisé, car cette loi donne déjà un cadre assez ambitieux.

L’exception, c’est sans doute l’écoquartier Eclosia parc, à La Roche-sur-Yon. Lancée en 2023, sur le site d’un ancien lycée, cette opération prévoit 550 logements et un immeuble de bureaux. Ce projet s’inscrit dans une logique d’économie circulaire avec l’objectif de déconstruire plutôt que de démolir les bâtiments existants afin de donner une seconde vie aux matériaux. Une matériauthèque a donc été ouverte à l’entrée du chantier. Certains matériaux ont été vendus, d’autres donnés. Cette démarche illustre deux défis : comment trouver un débouché à tous ces matériaux alors qu’il n’y a pas de filière organisée et comment financer le surcoût de la déconstruction versus démolition ? La valorisation est loin de compenser le travail supplémentaire à réaliser.

Que faudrait-il faire pour aller plus loin en matière de décarbonation ?

Libérer l’économie. Dans un monde idéal, c’est le client final qui devrait faire ses choix en écartant les projets qui ne se soucient pas de l’environnement pour aller vers les projets plus vertueux. Mais à l’heure actuelle, il n’intègre pas du tout ça. Aujourd’hui, c’est l’aspect économique qui prime.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Je suis confiant. Nous sommes sur un territoire qui a besoin de logements et nous sommes positionnés sur un certain nombre de beaux projets. Pour 2025, nous maintenons donc notre seuil de deux cents logements ou lots tertiaires mis en chantier. C’est un objectif atteignable, mais il faut rester vigilant et à l’écoute du marché.

En 2022, nous avions été contraints d’augmenter nos prix de vente pour suivre l’inflation des coûts des matériaux et de nos propres achats. Depuis, nous avons mené un gros travail pour revenir à des prix de vente qui permettent aux gens d’acheter à nouveau. Conjugué à la baisse des taux d’intérêt, je veux croire que cela portera ses fruits.

Pour autant, nous allons être obligés de tenir compte en instantané de la capacité des investisseurs à s’engager. L’absence de loi de défiscalisation sur 2025 jette le trouble. Difficile de savoir comment vont réagir les investisseurs et quelles conséquences cela aura sur la construction de logements neufs. C’est une vraie préoccupation.

1993 Alain Duret crée Duret Promoteur à Clisson

1998 Création du Groupe MD Immobilier (porteur d’opérations de promotion) avec l’entreprise Morisset SAS (entreprise de gros œuvre)

2003 Arrivée de Stéphanie Duret, future associée. 2003 Création des agences immobilières Duret

2008 Transfert de l’activité Duret Promoteur à Montaigu

2010 Arrivée de Jérôme Duret

2010 Création de la holding Groupe Duret Immobilier regroupant l’ensemble des activités du groupe

2015 Arrivée de Dominique Ravon, futur associé

2018 Nouvelle adresse pour le siège social du groupe à Boufféré

2020 Développement de la filiale Deuxième Adresse

2022 Jérôme Duret succède à son père prend la présidence du groupe Duret

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