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Olivier Dhaine, associé fondateur de Belle & Dhaine : « Il faut travailler en interprofessionnalité »

Un chef d’entreprise au service d’autres chefs d’entreprise, telle est la conception du métier d’expert-comptable pour Olivier Dhaine, associé fondateur, aux Sables d’Olonne, du cabinet Belle & Dhaine (25 salariés, CA d’1,5 M€). Un rôle de conseil qui, pour ce dirigeant humaniste, prend de l’ampleur et nécessite d’avoir une bonne connaissance du secteur d’activité de chaque client, d’être à l’écoute de leurs problématiques respectives et de faire preuve de pédagogie.

Olivier Dhaine, associé fondateur de Belle & Dhaine

Olivier Dhaine, associé fondateur de Belle & Dhaine © Benjamin Lachenal

Vous êtes expert-comptable et l’un des trois associés du cabinet sablais Belle & Dhaine. Quelle est l’histoire de la société ?

En janvier 2015, je me suis lancé à mon compte en tant qu’expert-comptable. Je partageais alors mon bureau avec Jean-Marie Belle. Le hasard a fait que nous avions déjà travaillé ensemble dans un précédent cabinet et que nous avions tous les deux eu envie de créer notre propre activité. Comme nous avions des compétences et des réseaux complémentaires, nous nous sommes mutuellement rendu quelques services. Jean-Marie a une excellente vision du terrain, des relations clients et il sait prendre son temps. Moi, j’ai une expérience plus commerciale et de chef d’entreprise et je vais droit au but, tout en prenant de la hauteur. J’arrive à avoir une vision de l’avenir du métier d’expert-comptable. Nous avons dix ans d’écart mais cette collaboration fonctionnait bien. Alors, au bout d’un an, le coworking est devenu association. Nous avons fusionné nos deux activités et nous avons créé le Cabinet Belle & Dhaine, avec une dizaine de collaborateurs à notre actif à ce moment-là. Nos qualités se sont alors exprimées au carré. Notre chiffre d’affaires progresse de 20 à 30 % en moyenne chaque année. Il y a cinq ans, il était de 500 000 € contre 1,5 M€ en 2021. Cette année-là aussi, nous avons intégré une troisième associée, Adélaïde Geay. Entrée dans le cabinet en 2009 comme apprentie, elle est le symbole de l’ascenseur social que rend possible le métier d’expert-comptable.

Depuis 2021, vous êtes vice- président1 du Conseil régional de l’ordre des experts comptables (Croec) Pays de la Loire vous représentez la Vendée. À quoi sert cette instance ?

Nous sommes une profession réglementée. Tout le monde ne peut pas devenir expert-comptable. Il faut absolument avoir un diplôme pour faire la comptabilité d’une entreprise. Avant d’avoir le droit d’exercer, nous prêtons serment devant nos pairs. Autrement dit, nous nous engageons à respecter et faire respecter la loi fiscale et sociale de notre pays.

La mission de cette instance est de veiller régionalement à la bonne organisation de la profession. À l’instar de l’ordre des médecins, elle vérifie l’inscription au tableau des professionnels, s’assure qu’ils n’exercent pas illégalement et respectent bien le cahier des charges de la profession. Le Croec peut aussi être amené à gérer les éventuels conflits entre confrères ou avec leurs clients.

Cabinet Belle & Dhaine

Les locaux sablais du cabinet Belle & Dhaine, acquis en juillet 2021. © Cabinet Belle & Dhaine

Vous insistez beaucoup sur le fait d’être aussi un chef d’entreprise. Pourquoi ?

Notre cabinet d’expert-comptable est une entreprise. Mes associés et moi sommes des entrepreneurs. En plus d’être des techniciens comptables, notre métier est aussi de gérer le quotidien et le développement de notre cabinet.

Si j’insiste autant sur le côté entrepreneurial de notre activité, c’est aussi parce que l’expertise comptable souffre d’un déficit de notoriété et d’une mauvaise image, alors que le monde de l’entrepreneuriat, lui, au contraire, a le vent en poupe. Pour redorer notre blason, je pense qu’il est important de rappeler que l’expert-comptable est un chef d’entreprise au service d’autres chefs d’entreprise.

Justement, vous dites que votre profession est en pleine mutation, que vos missions évoluent. De quelle manière ?

Avant, nous recrutions des techniciens comptables. Aujourd’hui, outre les missions de base comme l’établissement des comptes annuels et les déclarations fiscales, nous nous concentrons plutôt sur des missions de conseil, comme la digitalisation de l’entreprise avec la facturation électronique ou la démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Nous donnons aussi des conseils de pointe dans certains secteurs d’activité comme le CHR (café-hôtellerie-restauration) ou la pharmacie. Nous les informons sur les marges et les tendances dans leur branche respective. En résumé, notre rôle est d’accompagner nos clients dans leur activité et dans tout ce qui va autour. C’est pourquoi nous recherchons des profils avec des compétences satellites en informatique et ayant une bonne connaissance des métiers de nos clients pour mieux les conseiller.

Face à ces évolutions, le petit cabinet indépendant devient un modèle économique de plus en plus difficile à tenir et la pénurie de main-d’œuvre ne fait qu’accentuer ce phénomène. Pour maintenir un bon niveau de qualité de service face à une complexité administrative croissante, il faut travailler en interprofessionnalité. Par exemple, dans le cadre d’une transmission familiale d’une entreprise, l’expert-comptable va se rapprocher d’un notaire spécialisé dans ce domaine.2 Autrement dit, experts-comptables, avocats et notaires peuvent travailler ensemble sur un même dossier client. C’est le sens même de l’interprofessionnalité. Les gros cabinets intègrent ces spécialistes en interne. Ce n’est pas le choix fait par le cabinet Belle & Dhaine. Nous préférons travailler avec d’autres acteurs locaux indépendants.

Cabinet Belle & Dhaine

© Cabinet Belle & Dhaine

Quels sont les impacts de la pandémie sur votre activité ?

La crise sanitaire a été très dure pour les cabinets d’expertise comptable. Outre les missions du quotidien, nous avons dû gérer en parallèle toutes les tâches administratives liées au Covid : chômage partiel, fonds de solidarité, PGE, report de loyers et d’échéances. Sans oublier l’impact de la crise sanitaire sur la gestion de notre propre cabinet avec la mise en place du télétravail et l’obligation de porter le masque au bureau. La profession a été grandement chahutée et en paie encore aujourd’hui le prix. Beaucoup de confrères sont usés, d’autant plus que les périodes fiscales sont de plus en plus longues et intenses. La simplification administrative n’est pas visible ni ressentie. Avant le Covid, on finissait les déclarations fiscales fin avril. L’an dernier, elles se sont achevées mi-juin.

NOUS AVONS EN QUELQUE SORTE UNE MISSION D’ÉDUCATION FINANCIÈRE VIS-À-VIS DE NOS CLIENTS.

Face à l’inflation, comment pouvez-vous accompagner vos clients ?

À part renforcer nos missions d’accompagnement et donner quelques conseils de bons sens aux dirigeants, en tant qu’experts-comptables, nous ne pouvons pas faire grand-chose de plus.

Néanmoins, j’estime que nous avons en quelque sorte une mission d’éducation financière vis-à-vis de nos clients. Pour encaisser les soubresauts de l’économie, il faut avoir les reins solides. D’où l’intérêt d’avoir la culture de l’épargne et de l’investissement. Je pense que les entrepreneurs que nous accompagnons au sein du cabinet sont bien préparés à ces aléas. Nous les aidons à analyser la rentabilité de chacune de leurs activités afin de se focaliser sur les dossiers/chantiers sur lesquels ils gagnent réellement de l’argent. Cela leur permet également de mieux allouer les ressources et les budgets en interne. Pour un menuisier, par exemple, vaut-il mieux qu’il fasse de la pose (cuisine, lit escamotable) en sous-traitance, ou des chantiers de rénovation d’appartement en direct, ou de la pose de menuiseries en neuf pour un constructeur ? On aide aussi nos clients à calculer la rentabilité à l’heure par dossier.

Après, tout n’est pas que financier. On fait beaucoup de pédagogie et d’humain pour trouver la meilleure solution pour le dirigeant et son entreprise. Ainsi, au sein de Belle & Dhaine, nous alertons nos clients sur ce qui ne va pas et nous les aidons à améliorer ce qui va bien pour faire encore mieux. Face à l’explosion du prix des carburants, notre conseil va plutôt porter sur le véhicule d’entreprise et voir, par exemple, s’il faut réduire ou non la flotte, ou plutôt passer à l’électrique. Nous adaptons le conseil à la personne, en fonction de ce qu’il est ou de ce qu’il aime.

Cabinet Belle & Dhaine

© Cabinet Belle & Dhaine

Vous avez obtenu le label « Great place to work » en 2022 dans la catégorie des entreprises de moins de 50 salariés et vous figurez à la 19e place du palmarès Best Worplaces France. Pourquoi être allé chercher cette certification qui récompense les entreprises où il fait bon travailler ?

Ce label consacre la démarche mise en place au sein du cabinet pour améliorer la qualité de vie au travail (QVT) et nos méthodes de management. Grâce à l’audit interne, nécessaire à son obtention, nous avons pu faire un état des lieux précis. Chacun des 25 salariés a ainsi pu s’exprimer de façon anonyme sur des sujets comme les différences de méthodes de travail ou les conditions d’attribution des tâches exceptionnelles. Nous avons pu nous dire les choses et trouver ensemble des solutions. Cette labellisation est aussi une excellente vitrine pour séduire et recruter de nouveaux salariés dans un marché de l’emploi particulièrement tendu, mais aussi pour prospecter de nouveaux clients.

Ce label, c’est la cerise sur le gâteau. Il est valable un an mais nous n’irons pas forcément le chercher chaque année. Le plus important, c’est qu’il nous a permis de progresser sur le bien-être au travail. Nous avons rédigé un document formalisant nos bonnes pratiques, comme la mise en place de la semaine de quatre jours et demi. Les horaires sont flexibles avec une présence obligatoire à l’entreprise de 9h à 12h et de 14h à 16h. Ensuite, chaque collaborateur s’organise comme il le souhaite. Notre management est un management de proximité. Au quotidien, cela dénoue clairement pas mal de situations. Nous veillons aussi à avoir une politique de rémunération équitable et juste.

1. Le mandat est de quatre ans.

2. À savoir un spécialiste du pacte Il s’agit d’un dispositif permettant de faciliter la transmission d’entreprise en allégeant la fiscalité sur les donations ou sur les successions.

La QVT est un sujet qui vous tient à cœur au sein du cabinet. Pourquoi ?

Si les salariés se sentent bien au sein du cabinet Belle & Dhaine, il y aura moins de turnover, davantage d’efficacité et une meilleure productivité. Cela peut paraître égoïste mais au fond, je suis un humaniste. Je suis un homme de défi, pas de conflit. Et je suis content quand mes salariés et clients sont contents. Encore une fois, je suis convaincu qu’une bonne qualité de vie au travail contribue à la bonne notoriété de la profession.

Les trois associés du cabinet Belle & Dhaine. De gauche à droite : Olivier Dhaine, Jean-Marie Belle et Adelaïde Geay.

Les trois associés du cabinet Belle & Dhaine. De gauche à droite : Olivier Dhaine, Jean-Marie Belle et Adelaïde Geay. © Cabinet Belle & Dhaine

Comment faites-vous face aux difficultés de recrutement que vous rencontrez ?

Grâce au label et à diverses actions de communication, nous avons fait une très belle campagne de recrutement en 2022. Nous avons ainsi embauché trois personnes en direct, sans passer par un intermédiaire. Pour cette rentrée, nous sommes un peu en sureffectif. C’est un luxe. Je reconnais que d’autres cabinets nous envient. Mais comme notre activité croît de façon constante, tout cela sera ajusté au moins de janvier. Nos équipes ne sont pas sous l’eau et nous, dirigeants, nous pouvons garder un peu de hauteur sur le développement de l’entreprise. Finalement, nous nous appliquons à nous-mêmes ce que nous conseillons aux autres : avoir une vision à long terme pour traiter le volume de travail que l’on aura à traiter.

ON FAIT BEAUCOUP DE PÉDAGOGIE ET D’HUMAIN POUR TROUVER LA MEILLEURE SOLUTION POUR LE DIRIGEANT ET SON ENTREPRISE.

Quels sont vos projets ?

Notre principal défi dans les années à venir c’est de continuer à maintenir une certaine proximité humaine et géographique avec nos clients tout en devenant une entreprise de taille moyenne. C’est dans cette optique que nous avons réalisé notre première opération de croissance externe au début de l’été en rachetant un cabinet (CA de 250 000 €) avec quatre salariés à Rocheservière. Et nous venons en septembre d’ouvrir une antenne à Talmont-Saint-Hilaire (investissement : 15 000 €, dépôt de garantie, matériel et prestation informatique, mobilier, NDLR) avec trois emplois à la clé. Nos locaux sablais, acquis en juillet 2021 (investissement d’1,5 M€ pour 630 m²), nous permettent d’envisager la croissance des cinq prochaines années avec sérénité. Nous disposons en effet d’un emplacement de choix (dans une zone commerciale, le long de la rocade, NDLR) avec une réserve foncière de plus de 200 m² sur le toit. Parallèlement, nous louons la moitié de notre rez-de-chaussée, six bureaux, à des jeunes entreprises. Nous leur fournissons un full-service (ménage, internet fibre, copieur…). Nous rentabilisons ainsi un espace disponible, contribuant au paiement de 25 % de l’emprunt immobilier. C’est aussi une réserve foncière complémentaire d’environ 150 m². Aujourd’hui, nous employons 25 salariés mais nous avons la capacité logistique de doubler les effectifs. Ce n’est pas un objectif à proprement parler car nous souhaitons rester à taille humaine. Nous ne faisons qu’étoffer l’équipe pour répondre à la demande ou améliorer le service client.

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