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Management. Motivation et contingence : réinventer l’implication au sein des organisations

Comment renforcer l’implication des salariés alors que les modes de travail modernes ont renforcé les tendances individualistes au détriment de la réussite collective ? Une piste efficace : favoriser le sentiment d’utilité grâce à la contingence.

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Benoit Pineau. BENJAMIN LACHENAL

Qu’est-ce que la contingence ?

La contingence fait référence à la perception des employés selon laquelle leurs actions ont un impact réel sur les résultats, voire sur l’ensemble de l’organisation. Ce sentiment d’efficacité personnelle engendre un cercle vertueux : les individus, se sentant utiles et valorisés, s’impliquent davantage, renforçant à la fois leur motivation et leur sentiment d’appartenance. En résumé, la contingence relie les efforts individuels aux résultats collectifs, donnant au travail un sens plus profond.


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L’importance du rôle et de la perception

Ce sentiment a pris une importance particulière lors de la crise Covid, quand certains travailleurs ont été qualifiés de « non essentiels », suscitant chez eux un profond sentiment d’inutilité.

Dans certaines situations, on peut se sentir dévalorisé par des tâches considérées comme subalternes, car elles semblent décorrélées de leur impact sur le bon fonctionnement de l’entreprise.

Dans le sport, chacun connaît son rôle et peut devenir déterminant. Aucun élément même remplaçant n’est superflu. Au curling, on vous demande même de passer le balai ! Est-ce pour autant perçu comme ingrat ? Jamais. En cyclisme, aucun coéquipier ne rechigne à redescendre du peloton chercher des bidons pour alimenter son leader. Son travail de l’ombre est essentiel pour lui faire économiser de l’énergie, primordiale lors des moments décisifs.
On se sent parfois dégradé par une tâche subalterne, car elle est décorrélée de son impact sur le bon fonctionnement de l’entreprise.

Dans l’entreprise, cette flexibilité — qui pousse les individus à mettre leur ego de côté pour atteindre un objectif commun — n’est pas toujours évidente pour deux raisons principales :

  1. Fragmentation des rôles : La spécialisation croissante et le télétravail ont affaibli les interactions entre équipes, dégradé la clarté des rôles et freiné la communication informelle, favorisant ainsi l’individualisme.
  2. Une culture orientée problème : Le mot « responsabilité » rime souvent avec culpabilité, alors qu’il devrait évoquer la proactivité.

Même les outils collaboratifs les plus modernes ne remplaceront jamais ce que deux collègues peuvent construire ensemble : la confiance et l’émulation, des précurseurs indispensables de l’esprit d’équipe. Comme dans un vestiaire sportif, les discussions informelles à la machine à café permettent de partager des idées, de mieux comprendre ses collègues et de cultiver un sentiment d’appartenance. À l’inverse, les réunions en visioconférence engendrent souvent frustration et déconnexion. Dans le e-sport, les teams pros sont physiquement réunis pour garantir ces dispositions de performance qu’on retrouve dans les sports collectifs : la cohésion, la communication directe, garants de la prise de décision rapide.

Passer d’une simple fonction occupée à une vocation…

Le modèle développé par le Team New-Zealand illustre parfaitement cet esprit. Les récents triples vainqueurs de l’America’s Cup ont introduit en 2017 une fonction inédite pour des régates : les cyclors. Des gaillards musculeux sont chargés de produire de l’énergie en pédalant sur des vélos d’appartement pour faciliter les manœuvres. Ils restent tête baissée au fond de la coque sans jamais voir la course. Leur rôle semble peu réjouissant. Pourtant ils sont 100% impliqués, car intégrés dans la réussite globale du projet. Dans une discipline où chaque détail permet de gagner en vitesse, ils sont aussi importants dans l’équipe que les barreurs. Devenus tellement indispensables que des cyclistes pros occupent désormais la fonction et leur modèle est désormais dupliqué dans tous les autres teams.

Cette logique peut s’appliquer à l’entreprise. Lorsqu’elle instaure des pratiques qui permettent à chaque employé de comprendre l’importance de son rôle dans l’ensemble, le travail devient plus engageant et stimulant. En retour, cela favorise une organisation où chacun se sent motivé et impliqué – un environnement idéal pour la réussite collective et la satisfaction des salariés.

Comment amener progressivement à basculer vers la culture de la contingence ?

1. Lors de l’intégration des nouvelles recrues

  • Expliquer l’impact des tâches : en plus de présenter les processus, montrer en quoi chaque mission contribue au succès de l’entreprise.
  • Immersions transverses : Organiser des journées où les nouvelles recrues découvrent les différentes équipes pour mieux comprendre leurs rôles dans les objectifs globaux.
  • Retour d’expérience : Un mois après l’arrivée, recueillir les impressions des nouveaux employés pour ajuster leur intégration.
  • Mécénat interne : Associer chaque recrue à un « parrain » d’un autre service pour faciliter son intégration hors de la hiérarchie.

2. Par la reconnaissance de l’implication existante

  • Valorisation visible : Mettre en place un « tableau des innovations » (physique ou digital) où sont affichées toutes les contributions individuelles ou collectives ayant un impact positif.
  • Système participatif : Permettre aux employés de nominer leurs collègues pour des initiatives remarquables, avec une récompense symbolique chaque mois.

3. Organiser des immersions « Vis ma vie »

  • Ces expériences permettent aux employés de découvrir le travail d’autres collègues. Elles renforcent l’empathie et le sentiment d’utilité mutuelle.

4. Renforcer l’appartenance

  • Lancer des projets transverses impliquant plusieurs équipes (par exemple, sur la communication interne ou l’amélioration de la vie au travail) pour créer une cohésion autour d’objectifs communs.

En adoptant ces approches, les entreprises peuvent renforcer la motivation des salariés, promouvoir la collaboration et favoriser un véritable esprit d’équipe.