Benoit Pineau, quel est le principe de la préparation mentale, utilisée notamment dans le sport de haut niveau ?
La préparation mentale est historiquement liée au monde du sport mais aussi à celui du spectacle. Elle trouve ses sources dans le monde anglo-saxon, très tourné vers le résultat et la performance. Aux États-Unis, les dirigeants l’ont mise en place dès les années 1970-1980, avec l’essor des entreprises de la tech de la Silicon Valley.
Le premier principe de la préparation mentale, c’est de réussir à mettre toutes ses capacités dans sa performance le jour J. Une performance, c’est quoi ? C’est le potentiel moins les interférences. Le potentiel se cultive par l’entraînement, la préparation physique ou encore une nutrition adaptée : en préparation mentale, on n’y touche pas. On se concentre sur les interférences, c’est-à-dire sur tout ce qui va bloquer le potentiel du sportif : pensées négatives, émotions, stress…
La préparation mentale s’attache également à responsabiliser le sportif dans sa performance. Son résultat ne dépend que de lui, pas du vent, de la pluie ou de la chance. L’autonomisation est donc un facteur essentiel de réussite. Le préparateur mental donne des clés au sportif, l’aide à trouver les siennes car le jour J, celui-ci est tout seul dans sa performance.
Quels sont les points communs entre dirigeants et champions sportifs ?
En général, sportifs et dirigeants connaissent assez bien leurs points faibles. Ils savent s’adapter et ont une ambition. Leur environnement professionnel est également similaire. Le sportif a des adversaires, le dirigeant, des concurrents. L’un comme l’autre cherchent à innover et améliorer leurs performances et ne laissent jamais rien au hasard. En revanche, ils ont du mal à identifier leurs points forts, à voir ce qui les différencie des autres, que ce soit dans leur manière d’être – par exemple, ne rien lâcher dans l’adversité -, leur valeur ou leur stratégie. En préparation mentale, l’objectif est de renforcer les points forts, plutôt que d’essayer de combler les points faibles.
Pourquoi ?
Parce que c’est plus difficile de travailler ses points faibles. Et puis, mettre à profit ses points forts fait remonter la confiance et l’estime de soi. C’est aussi comme ça que l’on génère du plaisir dans la pratique sportive ou le travail, et ce, avant même de chercher à atteindre la performance.
Pour quelles raisons un chef d’entreprise fait-il appel à un préparateur mental ?
Un dirigeant doit afficher une position claire, montrer qu’il sait ce qu’il fait, ce qu’il veut. Exprimer ses doutes peut être perçu comme un aveu de faiblesse. Englué dans sa stratégie, il peut avoir du mal à s’organiser, à générer de la motivation dans son équipe. La réalité est parfois différente de ce qu’il a imaginé. Si l’on reprend l’analogie avec le sport, c’est très difficile d’être à la fois en train de pédaler à fond, donc de fournir un effort, et en même temps d’avoir les idées claires, autrement dit de prendre du recul sur une situation quand on est dans l’action. Le préparateur mental intervient pour aider le chef d’entreprise à appuyer sur pause et regarder les choses sous un autre angle, pour qu’il puisse prendre des décisions éclairées. Il ne le conseille pas sur ce qu’il doit faire mais l’amène à retrouver une certaine lucidité. Le dirigeant doit en effet être persuadé d’avoir pris la bonne décision et l’assumer jusqu’au bout, quitte à échouer. Le préparateur peut aussi l’aider à comprendre pourquoi il a réussi sur tel ou tel point afin de le dupliquer, ce que les sportifs savent très bien faire.
Et collectivement, quels sont les apports de la préparation mentale en entreprise ?
La préparation mentale permet de retravailler de la cohésion au service d’un projet, de redonner du souffle à l’engagement des équipes en activant les clés de la motivation, d’épanouissement, de progrès et d’appartenance. On se concentre sur le flow, là encore quelque chose de bien connu des sportifs.
De quoi s’agit-il exactement ?
Le flow, c’est l’adéquation complète entre sa compétence et le challenge demandé qui permet de progresser de façon permanente et s’épanouir. Quelqu’un qui se sent à sa place peut apporter le meilleur de lui-même. Si le challenge est trop élevé par rapport au niveau de compétence, on est en zone de panique. À l’inverse, si le niveau est trop faible par rapport aux compétences, on s’ennuie. Un collaborateur dont le potentiel est sous-exploité risque de quitter l’entreprise. Pour rester dans la zone de flow, il faut remonter le niveau du challenge de façon personnalisée et adaptée.
Le monde de l’entreprise peut-il inspirer l’univers sportif ?
Quand un chef d’entreprise recrute, il se demande comment le candidat va s’intégrer dans le collectif. Au-delà du savoir-faire, il recherche un savoir-être, en accord avec les valeurs de l’entreprise. C’est pour ça que le recrutement repose aussi sur un entretien oral et pas uniquement sur un CV qui se concentre sur les compétences. L’entreprise est capable d’aller chercher ces éléments d’attitude parce qu’elle sait ce qu’elle veut.
Dans le sport, cette adéquation entre la compétence et l’attitude n’est pas encore suffisamment prise en compte, notamment dans des sports collectifs comme le foot. Les clubs ne veulent que les meilleurs et croient à tort qu’ils vont former leurs joueurs dans leur attitude. Or cette stratégie est loin de bien fonctionner. Pourquoi ? Parce que la compétence peut toujours monter alors que l’attitude, non. Certes, on ne recrute pas un champion uniquement parce qu’il est “sympa”. Mais si celui-ci a un solide sens du collectif, il sera un atout pour son équipe en cas de coup dur. C’est sur cet aspect-là que l’entreprise peut inspirer le monde du sport.